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Supreme : derrière le succès, le juteux business du reselling

Pièces en quantité limitée, boutiques rares, designs provocateurs, collaborations prestigieuses… Aucun doute, Supreme fait partie de ces marques streetwear devenues iconiques. En réponse à ce succès, des prix de revente qui atteignent des sommets. CS Actu s’est plongé dans le milieu méconnu de l’achat-revente.

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File d'attente devant une boutique Supreme dans le quartier de Shibuya à Tokyo au Japon. © @charlesdeluvio / Unsplash
File d'attente devant une boutique Supreme dans le quartier de Shibuya à Tokyo au Japon. © @charlesdeluvio / Unsplash

« C’est des paris. On mise sur un article en pensant qu’il va se revendre ou inversement on en boude certains parce qu’on ne les sent pas », explique @goodsstuff, un revendeur présent sur Vinted. Ce témoignage résume assez bien ce business du reselling (revente) des produits Supreme.

Créée en 1994 à New York par le designer James Jebbia, la marque Supreme est devenue une référence culturelle, surtout pour les adeptes de la mode « skatewear », pour reprendre le terme utilisé par Views. Au fil des années, une communauté s’est développée autour de la marque sur les réseaux sociaux. Sur Reddit, « r/supremeclothing », est un espace entièrement dédié à la marque. Les membres du subreddit, posent des questions, échangent des conseils ou vendent leurs articles. Sur Instagram, même phénomène, plusieurs comptes répertorient les produits Supreme et leurs prix. C’est le cas de @supcommunity (806K abonnés), de @dropsgg (213K abonnés) ou encore de @supreme_leaks_news (2,2M abonnés) qui cumulent plusieurs millions d’abonnés au total. Cela entretient un certain engouement pour la marque et fait d’autant mieux fonctionner le marché parallèle de la revente.


Chez Supreme, la rareté est la clé

Pour mieux comprendre le business de l’achat-revente, revenons sur le fonctionnement de la marque. Pulls, t-shirts, vestes, table de billard, planche de skateboard, réveil, briquet, raquette de tennis… Le point commun entre tous ces objets ? Supreme. En effet, la marque ne cesse de se renouveler en proposant divers vêtements et accessoires. Parfois des collaborations étonnantes font sourire, comme le dentifrice en édition limitée, fruit du travail entre Colgate et Supreme.

Logo de Supreme sur une planche de skateboard. © Jan Kopřiva / Unsplash

Fall/winter (automne/hiver), Spring/summer (printemps/été), voilà les moments où la marque lance de nouvelles collections. Lors de ces saisons, de nouveaux produits sortent régulièrement. Ce sont les fameux « drops », un mot bien connu des fans de Supreme. Ainsi, pendant environ 19 semaines, chaque jeudi, un drop a lieu en ligne et en boutique. La règle d’or de la marque ? Peu de stock. Ce principe participe à la ruée sur les produits Supreme.

New York, Chicago, Londres, Paris, Milan, Shanghai, Séoul ou encore Tokyo. Voilà quelques-unes des rares villes où se trouvent des boutiques Supreme. Car oui, le faible nombre de points de vente est une autre caractéristique du modèle économique de la firme américaine. Ainsi, Supreme ne compte que 18 magasins à travers le monde. Un nouveau store vient d’ailleurs d’ouvrir le jeudi 10 avril 2025 à Miami aux États-Unis. Autre contrainte de taille. Pour certains drops en boutique, il faut s’inscrire à l’avance puis espérer être sélectionné. Le jour J, il convient de patienter devant le magasin en espérant que le produit recherché soit encore là une fois que les premiers clients sont passés. Tout cela participe à la rareté des produits Supreme, qui sont par ailleurs déjà onéreux. Par conséquent, les prix de revente s’envolent.

Bien sûr, tous les produits de la marque ne sont pas concernés par cet engouement. « Si vous achetez tout et n’importe quoi en masse, vous risquez juste la banqueroute. Très peu d’articles ont de la valeur à la revente », affirme @goodsstuff, un revendeur et fan de la marque américaine, interrogé par CS Actu. Effectivement, l’intérêt du reselling varie en fonction de l’article. Si celui-ci est très recherché, les revendeurs gonflent les prix pour générer d’importantes marges.


Supreme et la spéculation

L’achat-revente de produits Supreme a de beaux jours devant lui. Cela se voit, par exemple, sur les plateformes spécialisées dans la revente de vêtements et accessoires. StockX est une place de marché qui met en relation l’offre et la demande pour de nombreux produits, uniquement neufs. Le site liste les demandes (ici les revendeurs) et les offres (les acheteurs). Dès que les deux s’alignent sur un même prix, la transaction est réalisée. Il suffit de consulter quelques produits pour comprendre que les utilisateurs de la plateforme agissent comme de véritables traders.


Effectivement, sur StockX la guerre des prix est déclarée. La collaboration entre Nike et Supreme sur les « Nike Air Force 1 Low Supreme » illustre parfaitement cela. « 178€, 232€, 317€ » pour le modèle de couleur noire en taille 40. Ces prix sont ceux de transactions déjà réalisées sur la plateforme. Pour le modèle blanc de la même taille, voici quelques prix : « 233€, 242€, 250€ ». Ces données révèlent plusieurs choses. D’abord, les prix affichés sur cette plateforme sont bien loin des prix originaux : à savoir 130€. Ensuite, ces mêmes prix varient selon le coloris, ce qui n’est pas le cas ailleurs. Le prix change aussi en fonction de la pointure de chaussure. Enfin, le nombre de demandes listées pour ce modèle indique que beaucoup achètent pour ensuite revendre plus cher.

Prix de revente des t-shirts Supreme « Kermit Tee ». © Grailed

Comme pour le vin, les produits Supreme prennent aussi de la valeur en fonction de leur date de sortie. Certains t-shirts sont ainsi revendus à des prix très élevés. En 2008, Supreme sortait un t-shirt « Kermit the Frog » (Kermit la Grenouille) en collaboration avec The Muppets Studio, l’entreprise à l’origine de la célèbre créature. Aujourd’hui, ce t-shirt se revend entre 200 et 900€ sur la plateforme Grailed. D’autres produits dérivés comportant la même créature se revendent aussi à prix d’or. La figurine de Kermit portant un t-shirt estampillé « Supreme » se vend ainsi entre 200 et 500€, d’après des données de StockX. Cet exemple montre l’engouement autour des produits de la marque et explique la flambée des prix de revente. Contactée à propos du reselling, la firme américaine n’a pas répondu à nos sollicitations.

Pour autant, tous les fans de la marque n’approuvent pas cette spéculation et ses conséquences. « L’achat de masse pour la revente peut poser problème, surtout pour les vrais fans qui veulent simplement acheter une pièce », explique Shemmy, un autre fan de la marque et revendeur contacté par CS Actu.


Vinted, nouvel eldorado du reselling ?


Loin des sites spécialisés, le reselling se joue aussi sur d’autres plateformes de vente. Les revendeurs n’hésitent pas à proposer des vêtements Supreme sur Vinted. À l’origine, la plateforme était surtout destinée aux vêtements d’occasion. Aujourd’hui, les produits neufs et onéreux concurrencent les vêtements déjà portés qui étaient le symbole de la plateforme.

Un simple coup d’œil sur Vinted à la suite d’un drop Supreme révèle la présence d’une communauté de revendeurs. Ainsi, beaucoup d’utilisateurs achètent en boutique ou sur le site pour ensuite revendre trois ou quatre exemplaires du même article. Ici aussi, les prix atteignent des sommets. Le pull « Supreme Washed Box Logo Crewneck », sorti en 2025, était vendu 168€ en boutique et sur le site. En quelques minutes, le pull était en rupture de stock en ligne, preuve de l’engouement toujours présent pour les pulls ornés du célèbre rectangle rouge. Aujourd’hui, certains revendeurs le proposent à 240€ sur Vinted.

Mais même si Vinted est en proie au reselling, tout le monde n’a pas la même conception de la revente. Shemmy explique que son « but n’est pas vraiment d’essayer de réfléchir pour spéculer ». Lui cherche plutôt à vendre en fonction des prix moyens, de la rareté et de l’état du produit, même s’il déclare réaliser quelques marges sur ses reventes.


Le reselling, entre hobby et véritable activité économique

« C’est assez grisant et on en oublie un peu l’aspect financier ». Cela explique pourquoi @goodsstuff et de nombreux autres revendeurs à travers le monde s’adonnent au reselling. « La revente, c’est plus de l’argent de poche. Argent qui me sert d’ailleurs principalement à racheter des vêtements, que ce soit pour la revente ou pour l’utilisation personnelle », confie le revendeur.

Au-delà d’une simple passion, le reselling s’apparente aussi à une véritable activité économique avec ses propres logiques et stratégies. Pour les produits Supreme, @goodsstuff explique comment il fixe les prix de ses articles sur Vinted. « C’est le prix du marché à la revente plus une majoration de 10 à 20 % pour laisser une marge de négociation aux clients qui ne peuvent pas s’empêcher de négocier, même parfois pour 1€ », explique-t-il. « En moyenne, j’essaie de faire une marge de 20 à 30% », détaille Shemmy.

D’autres fois, le milieu de la revente ressemble à tant d’autres marchés économiques où la compétition fait rage. « Quand il s’agit de vendre un article rapidement sur Vinted, on va plutôt rechercher le même article, dans le même coloris et la même taille et voir lequel est le moins cher pour se placer juste en dessous de son prix », détaille le revendeur. Autrement dit, une véritable concurrence s’établit entre les revendeurs pour à la fois vendre au plus vite et au meilleur prix.

Pour d’autres personnes, le recours à la revente est plus occasionnel. « La revente ne me plaît pas vraiment », confie Shemmy. Lui revend parfois des produits Supreme pour pouvoir ensuite faire un achat qu’il ne se serait « pas permis » en temps normal.


Un engouement qui se perd ?

Depuis quelques années, Supreme semble en déclin, bien loin de sa période faste. Au niveau financier, la marque « se porte très bien » avec un « chiffre d’affaires annuel de 450 millions de dollars », rappelle Courrier International. En réalité, c’est plutôt l’image « skatewear » de la marque de James Jebbia qui commence à ternir. « Les collaborations s’arrachent moins, l’attente pour entrer dans les magasins se fait moins longue », énumère un article du Figaro.

Certains constats sont plus sévères vis-à-vis de la marque américaine. « Supreme n’a manifestement pas envie de se réinventer », affirme le magazine Highsnobiety. Une possible erreur à une époque où le changement semble devoir être constant.

Simple passage à vide ? Difficile à dire, mais nul doute que le marché parallèle du reselling est encore florissant, toujours fidèle à la firme au rectangle rouge.

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