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Le freeride français tutoie les sommets

À ski ou en snowboard, les freeriders domptent des pentes vertigineuses et réalisent des figures impressionnantes dans un cadre magnifique. Le Freeride World Tour réunit chaque année les meilleurs athlètes du monde dans un enchaînement de compétitions aussi savoureux qu’ épuisant pour les riders. La discipline, encore peu connue du grand public, mais en voie de développement, permet à plusieurs Français de s’illustrer au plus haut niveau.

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Astrid Cheylus lors du YETI Xtreme Verbier au Bec des Rosses, Suisse

À Verbier, sur le Bec des Rosses

20 mars 2025, 3 223 mètres d’altitude, une face de 607 mètres inclinée jusqu’à 50 degrés sous nos pieds. Nous sommes à Verbier, en Suisse, sur le Bec des Rosses, pour la grande finale du Freeride World Tour.

Victor de Le Rue

Victor de Le Rue, déjà triple vainqueur du Freeride World Tour en snowboard en 2019,2021 et 2024, s’apprête à rider* la terrible pente de Verbier. Leader du classement général avant cette dernière étape, il est le dernier concurrent à s’élancer. Ses principaux rivaux au titre ont réalisé de très gros runs. Victor de Le Rue a toutes les informations, il ne doit surtout pas tomber pour finir dans les trois premières positions de l’étape suisse. La pression est immense, mais Victor assure. En bas du Bec des Rosses, entouré de sa famille venue pour l’événement, il gagne le Freeride World Tour pour la quatrième fois. Un record historique qui lui permet de dépasser son grand frère Xavier de Le Rue, vainqueur à trois reprises du Freeride World Tour en 2008, 2009 et 2010. « Je suis super fier car ce titre était l’objectif de ma saison », raconte Victor De Le Rue.

Enzo Nilo

Victor de Le Rue n’est pas le seul à représenter le freeride français au plus haut niveau, en snowboard ou bien en ski. Dans la même catégorie, Enzo Nilo, de retour sur le premier circuit mondial cette année, a bouclé la saison en quatrième position avec une victoire sur l’étape française de Val-Thorens. “Cela confirme que je ne suis pas loin, que j’ai le potentiel pour gagner le World Tour”, commente Enzo Nilo avant d’ajouter : “J’avais à coeur de montrer mon vrai visage et de ne pas me stresser autant que lors de ma première saison sur le circuit en 2023.” En cela, c’est une saison réussie pour le snowboarder qui gagne en expérience pour les hivers futurs.

Noémie Equy

Chez les femmes, la jeune snowboardeuse Noémie Equy trône également sur la plus haute marche du podium sur l’ensemble de l’hiver. Pour sa première année en World Tour, la freerideuse de Val Thorens était « venue sans pression, juste pour profiter » de la nouvelle expérience du plus haut niveau mondial. L’objectif de gagner le Freeride World Tour n’était donc pas pour cet hiver mais, impressionnante, Noémie Equy s’est imposée lors de quatre des six étapes, dont celle mythique du Bec des Rosses à Verbier. « J’avais déjà remporté le titre avant la dernière étape, mais malgré tout, j’étais stressée car je n’avais jamais ridé cette face et je voulais finir sur une bonne note », explique la freerideuse de 24 ans. 

Noémie Equy

Astrid Cheylus

Le destin en avait décidé autrement lors des finales du World Tour en Suisse pour Astrid Cheylus. La skieuse de 21 ans jouait le titre en haut du Bec des Rosses. Mais à peine après quelques secondes de run, son ski heurtait un caillou qui la faisait déchausser. Une désillusion dure à accepter pour Astrid Cheylus : “Je suis passée par tous les états émotionnels : frustration de ne pas avoir pu m’exprimer, tristesse et énervement “. La skieuse de La Clusaz visait mieux qu’une médaille de bronze au classement général, elle qui avait terminé deuxième l’année dernière et s’était mise en tête d’aller chercher le titre. Mais le bilan de l’hiver reste tout de même très positif pour la jeune rideuse dont la saison avait débuté avec une victoire et une deuxième place. 

“ Une fois que c’est parti, on ne s’arrête pas”

Pour ces quatre freeriders comme pour les autres français engagés en 2025 sur le Freeride World Tour (Virgile Didier, Oscar Mandin et Mathys Fornasier (Ski homme) ; Anna Martinez et Estelle Rizzolio (Snow femme) ; Camille Armand (Snow homme)), l’heure est maintenant au repos et à la déconnexion de la compétition.

 “C’est le moment de se faire plaisir, de faire d’autres activités en montagne” pour Victor de Le Rue, “de profiter des conditions de neige” pour Enzo Nilo. Astrid Cheylus évoque un “besoin de skier pour [elle]”

Car la saison des compétitions de freeride est courte mais intense, stressante et éreintante. À peine plus de deux mois entre la première étape à Baqueira en Espagne le 17 janvier et la sixième à Verbier le 20 mars. Enzo Nilo raconte : “La saison met du temps à démarrer, on peut s’entraîner sereinement à la maison. Mais une fois que c’est parti, on ne s’arrête pas.” Les athlètes enchaînent les voyages, ils doivent s’occuper eux-mêmes de l’organisation des déplacements, réserver leurs billets d’avion. “ Le freeride est encore un sport de pauvre”, plaisante Enzo Nilo, “cette logistique à gérer n’est pas trop contraignante, mais elle demande une énergie mentale énorme”. 

©Shannon Sweeney

Sur place, il faut ensuite s’attaquer à la reconnaissance de la face à rider et rester concentré jusqu’au moment tant attendu de la compétition, retardé parfois de plusieurs jours voire d’une semaine en fonction des conditions météo. “Il faut arriver à gérer son énergie et sa fatigue”, explique Noémie Equy. Le snowboardeur de 31 ans, Enzo Nilo, insiste : “Je suis obsédé par la compétition trois jours avant celle-ci, je ne dors jamais la veille car ça ne fait que tourner dans ma tête.” 

D’autant plus qu’il ne faut pas se louper, car la saison se joue seulement sur six runs d’une minute environ. “C’est frustrant, mais c’est ce qui fait la cruauté et la beauté de notre sport”, décrypte Enzo Nilo. Il faut donc tout calculer, anticiper les différents scénarios et observer du mieux possible la montagne pour ne pas avoir de surprises pendant le run. Sans compter la peur omniprésente car les athlètes tentent des sauts et des lignes très engagés sans connaître toutes les particularités des faces à rider. 

“À la fin de la saison, je suis très fatigué mentalement”, conclut le snowboardeur. Les riders sont donc contents d’être sur le freeride World Tour mais c’est aussi un soulagement et “un gros relâchement” lorsqu’il touche à sa fin pour Victor de Le Rue. 

“Une grosse colonie de vacances qui part pour rider”

Le circuit mondial de freeride est pour Enzo Nilo comme “une grande famille avec la même passion de la montagne, une grosse colonie de “vacances” qui part pour rider”. Les athlètes sont là pour performer sur les compétitions, bien sûr, mais autant en profiter pour passer des bons moments, rencontrer des gens et découvrir des endroits incroyables. “C’est la convivialité du World Tour”, s’exclame le rider originaire du Pays Basque. Il décrit une super ambiance entre les sportifs avec beaucoup de partage notamment dans les discussions sur les choix de sauts ou de lignes. 

Plus qu’une confrontation entre les athlètes, Enzo Nilo affirme que la compétition se fait face à soi-même. “Je n’ai pas envie de voir tous les riders chuter. Au contraire, si tous plaquent leur run correctement, cela rend la victoire encore plus savoureuse”. 

Astrid Cheylus au Bec des Rosses ©Matteo Challe

Même analyse pour le quadruple vainqueur du World Tour, Victor de Le Rue, pour qui la bonne ambiance et le partage sont essentiels pendant la saison : “Je fais surtout des compétitions pour vivre des émotions fortes avec mes potes”. Les potes en question ? Enzo Nilo et Camille Armand. On retrouve d’ailleurs les trois compères du snowboard français dans la série Freeride Fiasco. Un épisode pour chaque étape du World Tour qui nous permet de suivre les freeriders avant, pendant et après leurs runs, le tout avec une bonne dose de blagues et de bonne humeur. La série publiée sur la chaîne Youtube de Victor de Le Rue est un moyen de “montrer au grand public” un sport encore peu médiatisé. 

Un sport passion

Ainsi, le freeride est à l’évidence moins bien structuré et entouré que d’autres sports d’hiver comme le ski alpin. Les salaires démentiels de footballeurs sont donc très rares dans ce sport et c’est un privilège, en moindre mesure, réservé aux superstars de la discipline. “Je peux vivre de mon sport, mais je n’en tire pas beaucoup d’argent”, expose Enzo Nilo. La plupart des sportifs vivent décemment du freeride, mais travaillent l’été pour couvrir les nombreux frais lors d’une saison. “Cela reste un sport passion”, affirme le champion basque.  


Les difficultés à trouver des financements et des sponsors peuvent être accrues pour les freerideuses. “Aujourd’hui, j’ai l’impression que ça va bien et que les marques se rendent compte de l’importance d’avoir des athlètes féminines”, note Noémie Equy. Cependant, il reste toujours un écart entre les deux sexes sur la densité dans la compétition. Par exemple, en 2025, pour 12 concurrents hommes en snowboard, il n’y en avait que 7 chez les femmes. Pareil en ski : 12 rideuses contre 22 riders. “Il y a de plus en plus de filles qui se mettent au freeride” souligne tout de même Astrid Cheylus qui constate une évolution positive dans le niveau des filles auquel elle est contente d’apporter sa contribution.

Astrid Cheylus en repérage de la face à rider.

Des premiers championnats du monde de Freeride en 2026

Plus généralement, c’est l’ensemble de la discipline qui prend de l’ampleur. Astrid Cheylus le rappelle: “ Le freeride va connaître sa première expérience de championnat du monde en 2026, ce n’est pas rien !”. Une première étape avant, peut-être, d’intégrer le programme des Jeux Olympiques en 2030. “C’est une chance d’être dans cette génération qui voit grandir ce sport”, s’enthousiasme la skieuse de La Clusaz.  

La structuration du freeride se constate aussi au sein du clan tricolore. Cette année, Victor de Le Rue, Enzo Nilo, Noémie Equy et Virgile Didier, membres du même collectif, ont bénéficié de la présence d’un coach sur chaque étape du World Tour. “On peut être conseillé sur le choix des lignes pour nos runs et communiquer en direct avec le coach pendant les compétitions”, explique Enzo Nilo. “C’est ce qui m’a fait réussir aussi rapidement en prévenant mes petites erreurs”, continue Noémie Equy. Sans doute un élément de réponse à l’excellente forme du freeride français. 

La vainqueure du World Tour 2025 en snowboard avance d’autres arguments: “On a un terrain de jeu parfait pour le freeride en France et on a toujours eu des champions (Xavier de Le Rue, Marion Haerty) inspirants pour les autres générations”. Une sorte d’effet boule de neige. Noémie Equy pointe enfin la super ambiance et l’entente intergénérationnelle entre Français. Les plus “anciens” peuvent apporter des conseils et de l’expérience aux nouveaux sur le circuit. Une expérience souvent indispensable pour rester au sommet. En effet, Victor de Le Rue explique en grande partie son quatrième titre sur le World Tour par “l’expérience de toutes ces années combinées sur le circuit”. 

©Matteo Challe

La préparation estivale pour l’hiver 2026, le World Tour et les championnats du monde, ne sera pas la même selon les freeriders : besoin de dégager de nouveaux objectifs sportifs pour Noémie Equy, préparation physique et mentale encore plus poussée pour Astrid Cheylus, long break jusqu’à novembre pour Enzo Nilo. Mais pour tous, l’objectif est de remporter le titre sur le circuit. En conquérir un premier en carrière, un deuxième en deux ans pour Noémie Equy ou un cinquième si l’on s’appelle Victor de Le Rue. “En espérant que les planètes s’alignent”, conclut Enzo Nilo.

* mot d’origine anglaise qui signifie pratiquer un sport extrême ou un sport de glisse.

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