De retour avec l’inflation de 2022, la « Shrinkflation » est l’un des outils marketing préférés des marques. Mécanisme insidieux laissant les consommateurs et les distributeurs sans défense, elle désarme même les pouvoirs publics. Un régime forcé ?
Envie de perdre du poids sans bouger le petit doigt ? De maigrir en continuant de manger gras ? On a trouvé la solution, le régime « Shrinkflation » ! Ce phénomène vieux comme le capitalisme a repris de la hype en 2022, avec l’inflation liée à la guerre en Ukraine. Le principe est simple : « Il désigne les pratiques commerciales qui masquent la diminution de quantité de certains produits, alors qu’en parallèle leurs prix sont maintenus voire augmentés« , explique le ministère de l’économie.
La « Shrinkflation », c’est quoi ?
En gros, votre bouteille de Coca ou d’huile d’olive préférée passe d’1L à 75cl, sans que le prix en caisse ne bouge ! Une technique trompeuse mais avantageuse pour les marques de fournisseurs au détriment des clients et des distributeurs. Certains consommateurs consciencieux, comme Agathe Richard, influenceuse sport et nutrition, déplorent cette pratique : « Aujourd’hui, on te dit que le produit a résisté à l’inflation, que son prix n’a pas augmenté, par contre, sa quantité a diminué. On se moque de nous. »
Si les références concernées sont nombreuses, on ne peut cependant pas parler de phénomène généralisé. « Ce n’est pas extrêmement répandu, mais c’est quand même plusieurs dizaines de produits, sur des milliers de références en magasin » nuance Grégory Caret, directeur de l’Observatoire de la Consommation au sein de l’UFC-Que Choisir.
Une majorité de ces références concernent un type bien précis de produits : les aliments transformés. Ces derniers sont souvent ceux qui permettent de créer une plus grande dépendance chez le consommateur. « Le meilleur ratio économie/nutrition, ça va être la chose la plus brute possible. Contrairement au transformé, peu de machines, de marketing, de publicité ont été utilisées » explique Agathe Richard. Sous les diverses couches de plastique et de carton, il est plus facile de recalibrer les quantités contenues.
Une stratégie commerciale fructueuse pour les marques
Pour Grégory Caret, cette pratique est initiée dès l’usine et subie en magasin par les distributeurs. « Dans ces produits industriels, beaucoup sont des marques nationales, même si on compte quelques marques distributeurs. C’est une pratique des marques commerciales, de leur côté, les grandes enseignes mettent seulement les produits en rayon. » Pour profiter de leurs consommateurs impuissants et augmenter leur chiffre d’affaires, les marques se sont remises aux calculettes, pour trouver des combines invisibles aux yeux du grand public. « Ce sont des produits avec des conditionnements beaucoup plus petits et des prix assez exotiques, qui ne vous permettent pas la comparaison« , déplore Grégory Caret.
Si ces techniques de marketing semblent assez vicieuses, elles ne gardent qu’un seul et même but : agir sur l’inconscient du consommateur pour le pousser à consommer. « L’objectif pour les marques, c’est de maintenir une valeur d’étiquette en dessous d’un seuil psychologique« , complète-t-il.
Sonner la révolte
S’il nourrit les grands industriels, ce régime Shrinklflation n’est pas au goût de tous. Face aux plaintes et aux enquêtes d’associations de consommateurs, comme l’ONG Foodwatch, le gouvernement a pris les choses en main. Pour contrer les pratiques douteuses des marques, Bruno Le Maire et sa dream team du ministère de l’économie ont déposé un arrêté en mai 2024. Une mesure inscrite dans une volonté de transparence. À partir du 1er juillet, toutes les grandes surfaces au-dessus de 400 m2, ont reçu l’obligation d’installer des affichettes à côté des produits concernés.
Le risque : une amende entre 3 000 et 15 000 euros pour punir les distributeurs, qui n’y peuvent pourtant pas grand-chose. Ce durcissement des règles aurait pu être efficace si des contrôles avaient été menés régulièrement pour retrouver ces fameuses étiquettes. « On est allé vérifier en magasin. À l’époque, dans 95% des cas, il n’y avait aucun affichage. Je ne pense pas que ce soit différent depuis« , assure Grégory Caret. Il poursuit : « la répression des fraudes n’a absolument pas les moyens de faire ces contrôles. »
Quelles solutions ?
Au quotidien, il n’est pas impossible de débusquer les entourloupes des marques, mais difficile d’être à l’affût de tous les changements de prix et de quantité. Sur les réseaux sociaux, Agathe Richard conseil des habitudes à adopter : « Il faut revenir à l’essentiel. Se questionner sur les réels avantages des promotions. Regarder si le grammage est différent à l’intérieur. »
La vigilance et l’entraide sont donc nécessaires pour réussir à identifier les produits dont il faut se méfier. S’il est toujours possible de signaler ce type d’abus sur le site de l’UFC-Que-Choisir, un starter pack anti-shrinkflation est à adopter, « Ce qu’on dit aux consommateurs, c’est d’être très vigilant et de regarder maintenant le prix au kilo. Si vous constatez que cette marque pratique délibérément la shrinkflation, tournez vous vers d’autres. C’est à peu près la seule arme en votre possession« , développe Grégory Caret. Dernière solution, céder au capitalisme et accepter la baisse des quantités. Peut-être que ça vous permettra de perdre les quelques kilos qui vous taraudent depuis l’arrivée de l’été !