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Éolien : entre ambitions nationales et vents contraires

Moratoire, emplois, débats publics : où va l’éolien en France ? Un point clair sur les enjeux et la stratégie nationale.

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Suspension de nouveaux parcs éoliens ou photovoltaïques, quel avenir pour le secteur ? @Getty image
Suspension de nouveaux parcs éoliens ou photovoltaïques, quel avenir pour le secteur ? @Getty image

Un moratoire qui électrise l’Hémicycle

Le 19 juin au Palais-Bourbon, un simple amendement présenté par le député LR Jérôme Nury a suffi à bouleverser la trajectoire énergétique française : 65 voix contre 62 ont décrété la suspension immédiate de tout nouveau parc éolien ou photovoltaïque. Cette majorité de circonstance – droite classique, extrême droite et quelques non-inscrits – ne s’est imposée qu’en raison d’un hémicycle dispersé : les bancs macronistes, centristes et une partie de la gauche étaient absents. Dans la foulée, le ministre de l’Énergie Marc Ferracci a dénoncé « un sabotage dévastateur » pour l’industrie, rappelant que 5 milliards d’euros d’investissements déjà engagés par Engie et quelque 80 000 emplois risquent d’être gelés. Pour l’heure, le texte poursuit sa course : il reviendra en séance les 22 et 23 septembre, puis en commission mixte paritaire mi-octobre, tandis que les sénateurs LR menacent de bloquer tout décret qui précéderait l’adoption définitive.

Une gestion énergétique en mode crise permanente

Officiellement, la proposition de loi Gremillet maintient le cap : 560 TWh d’électricité décarbonée dès 2030 – dont 200 TWh garantis par les renouvelables – et une capacité nucléaire portée à +27 GW grâce à quatorze EPR engagés avant 2030. Dans les faits, la nouvelle mouture privilégie le repowering des parcs terrestres existants et laisse planer l’incertitude sur tout nouveau projet vert. Ce grand écart complique la révision de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), déjà en retard de deux ans. Marc Ferracci promet pourtant de publier le décret « avant la fin de l’été », quitte à braquer le Sénat : « Tout décret sans assise législative rend la PPE fragile », avertit la commission économique de la chambre haute.

La mer, nouvel horizon de la filière

Alors que le huitième appel d’offres portant sur le projet Centre-Manche 2 (1 GW) reste toujours sans vainqueur déclaré, le gouvernement s’apprête à lancer, d’ici quelques semaines, la neuvième procédure. Suivra, en 2025, un AO 10 hors norme : 10 GW à lui seul, l’équivalent de la consommation de dix millions de foyers. Cap sur 18 GW de capacités éoliennes en mer à l’horizon 2035, puis 45 GW en 2050, de quoi hisser l’offshore au second rang de la production électrique française, juste derrière le nucléaire.

Emplois et souveraineté au cœur des enjeux

Selon l’Observatoire des énergies de la mer, la filière compte 8 301 emplois directs – près de quatre fois plus qu’en 2018 – mais a subi en 2024 sa première rechute : –1 % d’effectifs et –20 % d’investissements, conséquence directe du blocage politique. Emmanuel Macron, lui, affirme que l’offshore générera « des milliers d’emplois » et 2,5 milliards d’euros de recettes fiscales entre 2023 et 2035, dont 700 millions fléchés vers la pêche. Il exige aussi que les futurs parcs soient construits « chez nous », avec des critères industriels, environnementaux et cyber pour éviter des turbines « importées de l’autre bout du monde ».

Être accepté sur place

Sur la côte d’Opale, 550 mâts éoliens dressent déjà leur forêt d’acier : le Pas-de-Calais concentre 30 % de la production nationale sur 8 % du territoire. À Boyaval, certains riverains disent vivre « encerclés », entre acouphènes et lignes d’horizon barrées. Les élus régionaux dénoncent une « surconcentration » imposée à une région pauvre, sans réel pouvoir de veto face aux préfets ou aux tribunaux. En mer du Nord, le projet offshore de Dunkerque (46 machines de 300 mètres à 10 km des plages) a récolté 94 % d’avis défavorables à l’enquête publique ; sur Oléron, le débat public a repoussé le parc de 15 à 40 km du rivage et hors du parc naturel marin. Partout, pêcheurs et associations exigent des garanties solides sur l’environnement et l’économie locale.

La grande concertation de l’automne

Pour apaiser les tensions, Matignon a missionné les préfets : à l’automne, quatre débats publics simultanés – Manche-Mer du Nord, Atlantique Nord, Sud-Atlantique et Méditerranée – devront cartographier les « zones prioritaires » jusqu’en 2033, puis en 2050. Le plan table sur 7 à 11 GW au nord, 6 à 9,5 GW à l’ouest, 2,5 à 5,5 GW au sud-ouest et 3 à 4,5 GW en Méditerranée, tout en réservant 5 % de « zones de protection forte » pour la biodiversité. Les technologies flottantes, capables de s’ancrer au-delà des 100 mètres de profondeur, seront centrales : EDF Power Solutions programme déjà 19 turbines supplémentaires (250 MW) dans le golfe de Fos, tandis que Quair et Ocean Winds finalisent EolMed et EFGL au large du Languedoc-Roussillon.

En 2024, la France a fait mieux que tout le monde : 95 % d’électricité décarbonée. Super, mais le casse-tête reste entier. Aucun zéro carbone crédible sans un gros coup d’accélérateur sur les renouvelables, tout en relançant le nucléaire. Climat, emplois, résistances locales : la rentrée parlementaire s’annonce électrique. Les votes de septembre et octobre diront si la filière garde le vent en poupe…

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