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Affaire Lafarge : l’État savait

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Louis Brand

Étudiant à Sciences Po Paris - campus franco allemand de Nancy. Particulièrement intéressé par les relations internationales et les questions relatives à la sécurité/défense à l'échelle européenne notamment.
L’entreprise française Lafarge est-elle complice de crime contre l’humanité ? Telle est la question sur laquelle la Cour de cassation s’est penchée jeudi 16 juillet. Invalidée par la Cour d’appel en 2019, la mise en examen a été réétudié par la Cour de cassation suite à la demande des plaignants. L’entreprise aurait financé l’État Islamique avec la complicité des services de renseignement et de l’État.

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Photo Entreprise Lafarge BFMTV

En juin 2016, Le Monde évoquait déjà des « arrangements troubles et inavouables avec les groupes armés environnants, dont Daesh » concernant la filiale Lafarge Cement Syria. Plusieurs plaintes ont par la suite été déposées par le ministère de l’Économie, par l’association Sherpa et par le Centre Européen pour les droits constitutionnels et les droits de l’homme. Ceux-ci dénonçaient le versement d’importantes sommes d’argent à plusieurs groupes armés dont Daesh dans le but de maintenir l’activité de la cimenterie. 

Mais la Cour d’appel a jugé irrecevable le chef d’accusation « complicité de crime contre l’humanité » en 2019, ce à quoi s’est opposée une partie des associations plaignantes, conduisant l’affaire en cassation. Trois chefs d’accusation sont présentés : 

  • Mise en danger de la vie d’autrui
  • Financement d’une entreprise terroriste
  • Violation d’un embargo 

Mais de quoi Lafarge est-elle exactement accusée ?

La filiale Lafarge Cement Syria est soupçonnée d’avoir versé en 2013 et 2014 près de 13 millions d’euros à des groupes terroristes, dont l’État Islamique pour maintenir coûte que coûte les activités sur le territoire syrien en pleine guerre civile. La filiale aurait non seulement vendu du ciment à l’État Islamique mais se serait aussi approvisionnée en matière première auprès de groupes djihadistes. 

Des financements connus par les services de renseignements 

En 2018, l’affaire prend un tout autre tournant lorsque le quotidien fondé par Jean Paul Sartre, Libération, a révélé que les services de renseignement français, et donc l’État était au courant des conditions dans lesquelles l’entreprise Lafarge maintenait son activité sur les territoires syriens occupés. 

L’affaire n’implique donc plus seulement une entreprise entêtée voulant à tout prix faire des chiffres, mais un État complice. C’est ce qu’a révélé l’interrogatoire de Jean-Claude Veillard, ancien directeur sûreté du groupe.

« Je ne faisais aucun tri dans les informations que je donnais aux services de renseignements. Au cours des réunions avec les services de renseignement, j’ai donné toutes les informations »

Jean-Claude Veillard

L’entreprise aurait rencontré à 33 reprises les différents services de renseignement, dont la DGSE (Direction Générale de la Sécurité Extérieure) entre 2012 et 2014, soit pendant le mandat de François Hollande. La DSGE aurait même créé une adresse mail en se cachant sous le pseudonyme « grosmarmotte » pour communiquer avec l’entreprise. Autant d’informations qui ne sèment aucun doute quant à l’implication des services de renseignement dans le cachement des financements de l’entreprise. 

Ces révélations ont évidemment soulevé une vague d’indignation dans les médias, alors que l’affaire retentie 5 ans après l’attentat du 14 juillet à Nice. Dans quelle mesure peut-on accorder la confiance aux services de renseignement quand ceux-ci approuvent le financement de groupes djihadistes ? L’exécutif de l’époque, François Hollande, Manuel Valls ou encore Laurent Fabius ont aussi été pointés du doigt. 

“5 ans après, je n’oublie rien de cette terrible soirée du 14 juillet 2016. Je n’oublie aucune des victimes de l’attentat terroriste islamiste sur la promenade des Anglais. Je n’oublie pas la ville de Nice martyrisée en ce jour de Fête Nationale“ 

Tweet de Manuel Valls le 14 juillet 2021

Ironique quand on sait que le gouvernement d’alors était très probablement au courant des financements douteux de la cimenterie française. Digne d’un scandale d’État, les concernés ne se sont pas exprimés sur les faits pour le moment, ce qu’ont dénoncé des membres de l’opposition. Clémentine Autain twittait : « On attend toujours des explications de ceux qui passent leur temps à faire des procès en républicanisme et qui auraient accepté selon Libération de servir la soupe à Daesh. Allo @manuelvalls ? C’est la honte qui vous étouffe ? »

Lafarge demeure un symbole de l’impunité des multinationales, sous les yeux complices de l’État. 

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