Affaire Margaux Pinot : le silence de la honte

« J’ai été insultée, rouée de coups de poing. Ma tête a été frappée au sol à plusieurs reprises, et finalement étranglée ». Le visage déformé par des bosses et des blessures, la judokate Margaux Pinot a accusé sur Twitter son petit ami Alain Schmitt de l’avoir violentée.

Néanmoins ce dernier, qui est aussi son entraîneur, a été relaxé par la justice 4 jours plus tard. Deux semaines après le début des événements, retour sur cette affaire qui n’a pas fini de faire couler de l’encre.

Des faits difficilement contestables…

Dans la nuit du vendredi 26 au samedi 27 novembre, une dispute a éclaté entre les judokat.es Margaux Pinot et Alain Schmitt. Les évènements se sont déroulés à Blanc-Mesnil, en Seine-Saint-Denis. La dispute a dégénéré en bagarre, et la jeune femme s’est réfugiée chez ses voisins. Ces derniers ont alors contacté les forces de l’ordre. Vers 2h30 du matin, la police est intervenue et a arrêté Alain Schmitt.

De son côté, Margaux Pinot a été transférée à l’hôpital Avicenne de Bobigny. Elle souffre d’ecchymoses et d’une fracture du nez. Elle a été mise en interruption temporaire de travail pour 10 jours.

“Il s’est mis à califourchon sur moi, il a commencé à mettre des coups de poing, droite, gauche… Sans me défendre, pour éviter les coups. Je lui disais ‘Alain, arrête arrête’. Je me suis dit, Tu dois te dégager de lui, sinon tu es morte.’ J’ai donc ouvert la porte et j’ai couru. On est arrivé dans le couloir. Il m’a retenu une dernière fois. J’ai sprinté en criant au secours en demandant de l’aide. Les voisins m’ont ouvert la porte. j’ai cru que j’allais y laisser ma vie. Ses coups ont été nombreux. Je n’avais jamais fait face à une violence comme ça”.

Version des faits de Margaux Pinot

… mais un accusé relaxé par la justice

Mais Alain Schmitt nie les faits. Selon lui, dont le visage est lui aussi, marqué par une ecchymose. C’est la judokate qui en est la responsable. Dans une conférence de presse tenue en compagnie de ses deux avocats, l’ancien entraîneur de l’Étoile Sportive du Blanc-Mesnil l’a accusé de mensonges : « Elle s’est jetée sur moi, m’a agrippé par le col. J’ai reculé, elle m’a projeté dans le montant de la porte, je me suis cogné la tête ». Le judoka, qui devait partir pour Israël, afin d’entraîner l’équipe féminine de judo, a également dénoncé un « lynchage médiatique ».

Il a été entendu par le tribunal correctionnel de Bobigny le 30 novembre et le 1^er décembre. Le ministère public a requis une peine d’un an de prison avec sursis. Cependant, les juges ont déclaré n’avoir « pas assez de preuves de sa culpabilité ». L’accusé a donc été relaxé, malgré l’apparente évidence des faits. Margaux Pinot a dénoncé cette décision, qu’elle juge honteuse : « Que vaut leur défense calomnieuse face à mes blessures, et le sang jonchant le sol de mon appartement ? Que manquait-il ? La mort au bout, peut-être ? ».

Une affaire symptomatique d’un vrai problème de société

L’affaire Margaux Pinot n’est qu’un cas parmi d’autres de violences conjugales en France. Comme le rappelle la sportive : « C’est probablement le judo qui m’a sauvé. Mes pensées sont aussi pour celles qui ne peuvent pas en dire autant. ». À l’heure actuelle (lundi 13 décembre 2021), on compte 108 féminicides pour l’année 2021, d’après le collectif Féminicide par compagnons ou ex. Le dernier remonte à samedi dernier, avec le meurtre d’une quadragénaire, poignardée par son conjoint au Havre (76). Ces chiffres sont en hausse et ont déjà dépassé ceux recensés par le gouvernement pour l’année 2020 (90 féminicides). Ce dernier ne s’est d’ailleurs pas prononcé au sujet de cette affaire. La ministre déléguée aux Sports Roxana Maracineanu a clairement annoncé qu’elle ne pouvait pour l’instant « pas s’exprimer ».

De nombreuses personnalités du monde du sport ont apporté leur soutien à la judokate Margaux Pinot dans cette affaire. Alors que Clarisse Agbégnénou s’est dite « choquée de la décision de la justice ».

Mais cette société va t-elle changer ?

Au final, l’affaire Margaux Pinot, d’après le témoignage de cette dernière, parrait s’inscrire dans cette problématique des violences contre les femmes. Cependant, c’est à la justice d’estimer les tenants et les aboutissants de cette affaire. En tout cas, elle illustre ce qu’on considère aujourd’hui comme un problème de société, qui a coûté la vie, en moyenne, à une femme tous les 3 jours cette année, en France. Les violences faites aux femmes, bien plus importantes que celles touchant les hommes, souffrent d’un manque cruel de prise en compte par la justice. Bien souvent, les plaintes sont classées sans suite et les victimes ne sont pas assez protégées… d’où un sentiment de “silence de la honte” chez ces dernières.

« Celles qui ne peuvent pas en dire autant » que Margaux Pinot meurent sous les coups de leurs compagnons, sans que tous les moyens aient été mis en œuvre pour empêcher ces drames. Et viennent allonger la « liste de la honte » des féminicides en France.