Le Cap-Vert entrera dans la compétition le 13 août contre l’impressionnante République démocratique du Congo, auteure d’un quasi sans-faute durant les éliminatoires, avec un bilan de cinq victoires et une défaite. Keven Gomes, joueur du CD Póvoa dans le championnat portugais, et Joel Almeida, joueur et cofondateur de l’équipe Kriol Star, évoluant au sein de la Basketball Africa League (BAL), tous deux retenus avec la sélection cap-verdienne pour l’AfroBasket, ont répondu à nos questions depuis le stage de préparation à Rio Maior.
Une qualification express et mitigée
Chaque équipe le sait, aucune phase de qualification n’est à prendre à la légère, encore moins pour la sélection lusophone, qui avait terminé les éliminatoires du dernier AfroBasket avec un bilan décevant de cinq défaites et une victoire, malgré une compétition réussie par la suite, ponctuée par une quatrième place plus qu’encourageante.
La tâche s’annonçait donc plus rude que prévu pour l’actuelle 45e nation mondiale au classement FIBA, dans un groupe composé du Nigeria, de la Libye et de l’Ouganda, toutes classées dans le top 100 mondial. Il fallait décrocher son ticket pour la compétition le plus tôt possible afin d’éviter une mauvaise surprise, et Emmanuel Trovoada et son staff l’ont bien compris.
« L’objectif le plus important est de se qualifier », évoque Joel Almeida, international depuis 2009, qui connaît la difficulté d’aborder ces campagnes de qualification. Le sélectionneur angolais de 57 ans disposait de deux fenêtres pour emmener son équipe sur sa terre natale disputer l’AfroBasket 2025. La première avait lieu en février 2024, et la seconde, un an plus tard, en février 2025. Le défi était de taille, mais son expérience de près de dix ans au sein de la Fédération cap-verdienne de basketball a permis à son équipe d’empocher son billet pour l’Angola grâce à une série nette et sans bavure de trois victoires en autant de matchs.
« Cet AfroBasket 2025 est très important », ajoute le pivot cap-verdien Keven Gomes, qui n’a pas participé aux éliminatoires, mais qui insiste sur la nécessité pour l’archipel d’être présent parmi les meilleures équipes du basket africain. Ses coéquipiers, regroupés dans un premier temps à Monastir, en Tunisie, l’ont entendu en battant l’Ouganda (78-73), la Libye (72-68), puis le Nigeria (78-62), devenant ainsi l’une des premières nations à valider sa qualification pour la compétition. Les dix îles constituant ce pays d’Afrique de l’Ouest seront fièrement représentées pour le septième AfroBasket de leur histoire.
Paradoxalement, les voyants sont passés au rouge pour les insulaires lors du second rassemblement, qui s’est tenu à Tripoli, en Libye, où rien ne leur a souri. Ils ont enchaîné trois défaites en autant de rencontres : une courte défaite contre l’Ouganda (60-63), puis contre le pays hôte (80-82), avant de sombrer face au Nigeria (62-77). Les Requins Bleus devront donc se contenter d’une deuxième place qualificative dans ce groupe B. Ce bilan mitigé, de trois victoires pour trois défaites, peut néanmoins permettre aux quatrièmes de la dernière édition de l’AfroBasket, disputée au Rwanda, de se positionner en tant qu’outsiders pour le nouveau défi qui les attend sur les terres de leur pays ami lusophone.
Petite nation dans la cour des grands
Devenu indépendant il y a tout juste 50 ans, l’archipel, ancienne colonie portugaise, compte aujourd’hui plus de 520 000 habitants, dont un quart vit dans la capitale, Praia. Cela représente 0,2 % de la population nigériane et 1,2 % de celle de l’Ouganda. « Nous avons connu une croissance énorme », précise Joel Almeida, passé par le Portugal, l’Espagne ou encore la Grèce. Troisième pays le moins peuplé d’Afrique, le Cap-Vert se classe parmi les sept meilleures nations du continent au classement FIBA. Ses victoires de prestige de ces dernières années forgent peu à peu la renommée de cette équipe à l’international.
Dans un pays où le basketball reste relégué au second plan derrière le football, sport national, il faut s’appuyer sur des talents générationnels et des joueurs de référence pour gravir les échelons au fil du temps. L’année 2023 est entrée dans l’histoire de la sélection cap-verdienne avec une première participation à une Coupe du monde. Après avoir décroché la dernière place qualificative grâce à une victoire contre la Côte d’Ivoire (79-64) lors de la dernière journée des éliminatoires, les coéquipiers d’Edy Tavares, multiple MVP en Euroligue, se sont envolés pour le Japon avec l’envie d’étoffer encore un peu plus l’histoire du basketball cap-verdien. « Chaque fois que nous entrons sur le parquet, nous représentons le pays au plus haut niveau. »
« Nous avons des joueurs avec beaucoup d’expérience sur la scène internationale, comme Edy Tavares, Ivan Almeida, Beto Gomes », ajoute, à juste titre, Keven Gomes, qui a porté les couleurs de Porto pendant cinq saisons et qui a aidé le Cap-Vert à s’adjuger la première victoire de son histoire en Coupe du monde contre le Venezuela (81-75). Ivan Almeida (18 pts, 6 reb, 2 ast) et Beto Gomes (22 pts, 3 reb, 1 ast) ont, eux, porté leur équipe lors de ce match, renversant l’adversaire sud-américain du jour avec un score de 22 à 9 dans le dernier quart-temps. « Ce sont des joueurs dont je n’ai pas besoin de parler », confie le pivot, admiratif de leur talent.
Malgré ce moment de joie intense, les Lusophones ont terminé la compétition à la 28e place sur 32, avec des défaites lourdes contre la Géorgie et la Finlande, mais d’autres plus encourageantes face à la Slovénie et au Japon. La marche reste encore haute, et il faudra réaliser un excellent AfroBasket pour espérer entrevoir la Coupe du monde 2027 au Qatar.
« Donner le maximum pour atteindre le podium »
C’est au sud de l’Angola, dans la ville côtière de Namibe, que les Requins Bleus affronteront les Léopards de la République démocratique du Congo pour leur entrée dans la compétition, dans le groupe A. « Nous attendons avec impatience le début de la compétition », assure Keven Gomes. Deux jours plus tard, le 15 août, ils défieront la Côte d’Ivoire de Mo Bamba, joueur NBA passé notamment par Orlando et les Lakers, qui, comme son homologue francophone, a terminé la phase de qualification en tête de son groupe.
This summer will definitely be hot! 🥵
— FIBA #AfroBasket (@AfroBasket) May 9, 2025
Draw is complete! Which group is the group of death? 💭 #AfroBasket #TheTimeIsNow pic.twitter.com/K6BctsrPPW
À l’instar de la sélection sénégalaise, les Éléphants, deuxième meilleure nation africaine au classement FIBA, derrière le Soudan du Sud, ont remporté leurs six matchs lors des éliminatoires. Une performance qui confirme leurs ambitions de remporter un troisième titre continental, après ceux de 1985 et 2013. « Ce sont des équipes très difficiles », nous confie le pivot de 2,11 m, qui terminera la phase de groupes avec son équipe par une rencontre piège face au Rwanda, dernier organisateur de l’AfroBasket.
« J’ai envie d’aider mon pays à accomplir de grandes choses », témoigne Keven Gomes, qui s’envolera pour l’Afrique australe avec ses 16 coéquipiers, dans l’espoir de décrocher une place sur le podium, comme l’avaient fait ses prédécesseurs en 2007, déjà en Angola. Le mélange entre jeunes basketteurs prometteurs, comme Roesley Mendes ou Leandro Monteiro, et l’expérience d’une grande partie de la sélection, permettra au sélectionneur Emmanuel Trovoada de tirer profit des qualités de chacun au sein d’un groupe logiquement paré pour le défi à venir. « Tous les joueurs sont confiants, avec un grand désir de représenter notre pays et notre peuple. »
Dans un AfroBasket relevé, en présence des doubles tenants du titre, la Tunisie, des quintuples champions, le Sénégal, des équipes montantes comme la Libye ou la République démocratique du Congo, et des sélections piliers telles que le Soudan du Sud, l’Égypte ou l’Angola, le Cap-Vert devra prouver qu’il mérite sa place dans le gratin continental.
Il espère surfer sur sa bonne dynamique, avec une quatrième place obtenue lors de l’AfroBasket 2021 et une participation historique à la Coupe du monde, malgré des résultats encore inconstants, qui laissent planer le doute sur la capacité de l’archipel à se maintenir durablement au plus haut niveau.
Un basket africain en mutation
Ces dernières années ont montré à quel point le basketball a connu un essor de popularité sur le deuxième continent le plus peuplé du monde, porté notamment par des initiatives visant à donner une plus grande visibilité au talentueux vivier que constitue la nouvelle génération africaine de basketteurs et basketteuses.
La NBA a ainsi posé ses valises en 2019 sur le continent africain pour y insuffler son savoir-faire, en lançant la Basketball Africa League (BAL), destinée à succéder à la FIBA Africa Basketball League. Portée par l’organisation américaine et son aura internationale, la BAL, présidée par le Sénégalais Amadou Gallo Fall, ambitionne d’apporter un nouveau souffle à une discipline prometteuse sur un continent regorgeant de talents.
Composée de 12 équipes issues des meilleurs championnats africains, la ligue a accueilli pour la première fois cette année une équipe cap-verdienne : Kriol Star, cofondée par Joel Almeida et son frère Ivan. De nombreux joueurs de la sélection nationale, dont Keven Mendes, ont adhéré au projet et ont rejoint ses rangs pour l’édition 2025. « Cela contribuera au développement du basketball dans le pays, en tant que source d’inspiration pour les jeunes », affirme l’arrière, qui a déjà évolué en BAL durant la saison 2021-2022 avec le club camerounais des Forces Armées.
🇨🇻 Honoring a true leader on and off the court.
— Basketball Africa League (@theBAL) June 12, 2025
Kriol Star’s Joel Almeida is the 2025 recipient of the BAL Ubuntu Trophy, awarded to the player who made the biggest community impact this season. 🙌🏽🏀 pic.twitter.com/831HRjgNWG
L’histoire s’est achevée en quart de finale, avec une défaite face à Al Ahly Tripoli (81-107), futur champion de la compétition. Cette épopée cap-verdienne a néanmoins offert une parenthèse réussie au milieu des difficultés financières rencontrées par la fédération pour financer les déplacements des joueurs et du staff durant la préparation et jusqu’à l’AfroBasket. Joel Almeida, lui, en est convaincu :
« Cet AfroBasket sera le meilleur que l’on ait connu depuis longtemps. »
Rendez-vous le 12 août, à Luanda, pour le match d’ouverture entre le Sénégal et l’Ouganda.