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Le journal pour les jeunes, par les  jeunes

Anniversaire de l’abolition de la peine de mort en France ou l’art d’universaliser « le combat d’une vie »

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Juliette Messa

Etudiante en double licence d'Histoire-Médias à la Sorbonne et à Assas, je porte un grand intérêt à l'actualité politique et aux humanités. Curieuse et intrépide, toujours à la recherche des dernières informations, je souhaite devenir journaliste. Bonne lecture !
Ce samedi 9 octobre, Emmanuel Macron, accompagné de Robert Badinter, ont décidé de célébrer au Panthéon les quarante ans de l’abolition de la peine de mort en France. Une manière de rappeler le difficile combat qui fut mené en France pour son abolition, tout en soulignant la nécessité de rendre ce combat universel.

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Macron et Badinter (source France Culture)
Emmanuel Macron et Robert Badinter (source France Culture)

9 octobre 1981, une journée sans précédent dans l’histoire de France : l’abolition de la peine de mort est actée par la promulgation de la loi 81-908 par le premier Président socialiste de la Vème République, François Mitterrand. Désormais, nul ne pourra plus être condamné à l’article 3 du Code Pénal de 1791, aux huit mots fatidiques : « Tout condamné à mort aura la tête tranchée ».

Quarante ans plus tard, ce samedi 9 novembre, le Président Emmanuel Macron a décidé de commémorer cet anniversaire emblématique lors d’un discours au Panthéon. Pour cela, il était accompagné de l’ancien Garde des Sceaux Robert Badinter, célèbre pour avoir obtenu l’abolition de la peine de mort, après un discours resté dans les mémoires. Un discours puissant, écrit de la propre main de l’ancien ministre, profondément convaincu de la nécessité de mettre fin à la peine capitale, dont les premières paroles saisissent immédiatement : « J’ai l’honneur, au nom du gouvernement de la République, de demande à l’Assemblée nationale l’abolition de la peine de mort en France ».

Au Panthéon, Robert Badinter a tenu à réaffirmer son propos en tenant un discours faisant écho à celui prononcé quarante années auparavant : « La peine de mort est vouée à disparaitre de ce monde parce qu’elle est une honte pour l’humanité ». Un rejet frontal, sans aucune once d’hésitation, partagé par le Président Emmanuel Macron, qui a tenu à rappeler que la France avait été « le 35ème Etat à abolir la peine de mort », soit le dernier pays de la Communauté économique européenne à y avoir mis fin, le premier de cette organisation  étant le Portugal en 1849. 

Badinter (source la Provence

Robert Badinter durant son discours au Panthéon le 9 octobre 2021 (source: La Provence)

En France, un long combat pour l’obtention de l’abolition de la peine de mort 

Après avoir prononcé leur discours, Emmanuel Macron et Rober Badinter ont effectué la visite de l’exposition « Un combat capital», relatant l’Histoire de l’abolition de la peine de mort en France. En effet, si le pays a promulgué l’abolition de la peine de mort en octobre 1981, la lutte pour cette obtention est de longue date. 

Le rejet de la peine de mort émerge durant le siècle des Lumières, au travers de penseurs qui, comme Cesare Beccaria dans Des délits et des peines, dénoncent la barbarie de cette pratique, ce dernier assurant que « Si je prouve que la peine de mort n’est ni utile ni nécessaire, j’aurai fait triompher la cause de l’humanité ». Des idées qui sont notamment reprises par Rousseau, soulignant l’inhumanité de cette pratique dans Commentaire sur le livre des délits et des peines par un avocat de province

Alors que le premier véritable débat sur la peine de mort eut lieu en 1791, durant lequel Robespierre exprima l’opposition qu’il portait à cette pratique, il faut attendre 1795, pour que la peine de mort soit abolie par la Convention le 26 octobre 1795, à condition d’attendre « le jour de la publication de la paix générale ». Toutefois, en 1810 Napoléon la remet au bout du jour au travers de son code pénal. 

En 1848, le gouvernement abolit par décret la peine de mort en matière politique, mais décide de rejeter certains amendements visant à une abolition totale, comme ceux défendus par Victor Hugo. Une figure dont l’âme et l’esprit demeuraient présents, en cette célébration du 9 octobre 2021 : en lettres blanches et capitales, quelques paroles extraites de son discours du 15 septembre 1848 à l’Assemblée Constituante, ont été inscrites derrière le pupitre où se sont tenus à tour de rôle Robert Badinter et Emmanuel Macron ce 9 octobre:  « je vote l’abolition pure, simple et définitive de la peine de mort ».

Badinter/Macron, source France 24

Emmanuel Macron et Robert Badinter au Panthéon, avec un extrait du discours de Victor Hugo en arrière-plan (source : France24)

Au XXème siècle, le combat contre la peine de mort a été poursuivi par le Président Armand Fallières, qui a décidé de gracier tous les condamnés à mort durant les premières années de son septennat, de 1906 à 1913. Toutefois, si en 1908 le gouvernement Clémenceau décide d’un projet de loi pour l’abolition de la peine de mort, celui-ci est rejeté le 9 décembre à 330 voix contre 201.

Après les années Vichy, durant lesquelles les peines de mort se sont multipliées, et le rétablissement de la République, le débat autour de la peine de mort est relancé en 1977, date à laquelle a été exécuté le dernier guillotiné de France et d’Europe. Il s’appelait Hamida Djandoubi et avait été condamné pour « assassinat après tortures et barbarie, viol et violences avec préméditation » alors que la peine de mort était replacée par Robert Badinter au cœur du débat public, l’avocat ayant défendu quelques mois auparavant le condamné à mort Patrick Henry. Tandis qu’Hamida Djandoubi devait être le troisième condamné à mort du septennat du Président Valéry Giscard d’Estaing, ses avocats espéraient une grâce présidentielle, sachant que l’abolition de la peine de mort ne saurait tarder. 

Hamida Djandoubi, dernier condamné à mort en France (source : Le Monde)

L’année 1981 annonce alors un tournant dans l’histoire du pays : après l’avoir inscrite dans les 110 propositions pour la France du Parti socialiste, François Mitterrand, une fois élu, promulgue l’abolition de la peine de mort, alors qu’un an plutôt, encore 61% des Français se disaient favorables à cette pratique. 

C’est enfin sous le septennat de Jacques Chirac, en 2007, que l’abolition de peine de mort prend une autre ampleur : celui-ci choisit de faire inscrire dans la Constitution le fait que « Nul ne peut être condamné à la peine de mort ». Une victoire définitive, après des années de combat.

La volonté d’Emmanuel Macron d’universaliser le combat contre la peine de mort 

En célébrant les quarante ans de l’abolition de la peine de mort, Emmanuel Macron a tenu à insister sur la nécessité de rendre ce combat universel. En effet, pour le Président, il revient à la France de « relancer le combat pour l’abolition universelle ». Pour cela, il souhaite organiser une « rencontre au plus haut niveau » de manière à convaincre les dirigeants de certains pays la pratiquant toujours de « l’urgence de l’abolir ».

Sachant qu’Emmanuel Macron va prendre les rênes de la Présidence de l’Union Européenne dès janvier, il souhaite organiser « à Paris, avec l’ONG Ensemble contre la peine de mort, une rencontre au plus haut niveau rassemblant les sociétés civiles des Etats appliquant encore la peine de mort ou un moratoire afin de convaincre leurs dirigeants de l’importance et de l’urgence de l’abolir ».  

Pays ayant exécuté le plus de personnes en 2020, selon Amnesty International

En effet, si de nos jours 149 pays ont aboli la peine de mort en droit ou en pratique, Emmanuel Macron estime que la France se doit de jouer un rôle majeur afin de promouvoir l’abolition de cette pratique. Il a regretté que « 483 meurtres d’Etat administrés par 33 régimes politiques qui ont pour la plupart en commun un goût partagé pour le despotisme, le rejet de l’universalité des droits de l’homme » aient eu lieu en 2020. Ainsi, l’abolition de la peine de mort est un combat demeurant d’actualité, un combat contre cette pratique que Jean Jaurès qualifia en 1908 de « contraire à ce que l’humanité depuis deux mille ans a pensé de plus haut et rêve de plus noble ». 

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