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Le journal pour les jeunes, par les  jeunes

Christophe Béchu : « Ne laissez pas les autres décider à votre place »

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Coline Blouin

Actuellement en master langues étrangères, relations internationales et stratégies politiques, j'ai toujours été passionnée par la lecture et l'écriture. Décrire l'actualité est donc une façon pour moi de partager mon intérêt pour les questions politiques internationales.
Âgé de seulement 47 ans, Christophe Béchu est maire de la ville d’Angers depuis 2014. Nous avons eu l’occasion de le rencontrer sur son lieu de travail pour revenir sur son parcours politique, mais aussi sur l’engagement politique des jeunes à travers le vote notamment. Un entretien en exclusivité pour CSactu.

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Christophe Béchu à son bureau à l'hôtel de ville d'Angers
Christophe Béchu, lors de son interview le 21 septembre, à son bureau
Depuis mai 2014, vous exercez vos fonctions en tant que Maire d’Angers. Pourquoi avoir choisi de devenir maire ? Quelles ont été vos motivations ?

Je suis né à Angers, donc il y a une motivation qui n’est pas forcément celle de tous les maires. Cette motivation est liée au fait que c’est ma ville. J’ai des souvenirs ici, je suis allé à l’école dans cette ville, ma famille y vit, etc. J’y ai un attachement particulier. Je ne voulais pas devenir maire pour devenir maire, mais le devenir pour ma ville. Avant de vouloir devenir maire, je voulais faire de la politique. Cet engagement s’est cristallisé par la suite sur la fonction municipale. Quand j’étais jeune, je lisais l’actualité politique et c’est à ce moment-là que je me suis dit que je ne voulais pas seulement la lire mais la faire. Je ne voulais pas juste comprendre comment les choses se passaient, je souhaitais y participer et prendre les décisions, peser sur le cours des choses. 

J’ai commencé au Conseil général mais, il me manquait un caractère concret. On était une somme d’individus, mais pas une équipe. Ce qui m’a poussé à me présenter à la mairie d’Angers, ce sont donc les compétences municipales que cela nécessite : être dans le quotidien, aménager la ville, donner des moyens aux écoles, faire rayonner le territoire… De plus, faire partie d’une équipe, de choisir ses propres membres avec des profils différents m’a motivé à proposer ma candidature.  Ma candidature à la mairie, c’est donc la rencontre du souhait d’être acteur dans une aventure collective et sur un terrain de jeu qui est le quotidien des habitants. J’ai aimé chacune de mes expériences politiques, mais celle actuelle est la plus exaltante à mes yeux. 

Pour revenir un peu sur votre parcours politique, vous avez été élu dès l’âge de 21 ans comme conseiller municipal de la commune d’Avrillé, ce qui est relativement jeune. Alors que le paysage politique est souvent vieillissant, ne serait-il pas, selon vous, intéressant de recruter davantage de jeunes à ces postes politiques afin de rajeunir et diversifier ce domaine ?  

Oui, j’en suis convaincu depuis toujours. C’est aussi pour cette raison que je me suis engagé lorsque j’avais 20 ans. J’ai également été élu Président du Département à l’âge de 29 ans. Cette élection était pour moi le moyen de dire « place aux jeunes ». À cette époque, j’ai succédé à quelqu’un qui avait décidé d’arrêter et qui lui-même avait succédé à son époque à un Président sortant de 88 ans. Je pense profondément qu’il y a besoin de la jeunesse. Globalement, on a un sujet de représentation en politique. Il y a une surreprésentation des plus âgés par rapport aux plus jeunes, une surreprésentation des hommes par rapport aux femmes que la parité est en train de corriger, une surreprésentation des professions publiques par rapport aux fonctions privées, du libéral par rapport aux chefs d’entreprise, etc.  

La jeunesse est d’autant plus impliquée : les décisions que l’on prend sont pour l’avenir, pour les générations d’après. Lorsqu’on a 75 ans, le temps pendant lequel vous allez profiter des décisions sera plus faible que lorsque vous êtes jeunes. Quelqu’un de plus jeune va se poser la question en sachant que la décision va lui-même l’impacter pendant plusieurs générations. On a besoin des jeunes puisqu’il y a une forme d’audace par rapport à l’avenir alors que les personnes plus âgées seront dans la prudence sur ce sujet.

Derrière cela, il y a vraiment la question : « est-ce que j’ai envie de laisser les autres décider à ma place ?  ». Je pense que si on posait la question de cette manière, il y aurait davantage de jeunes en politique. À chaque fois que les jeunes s’abstiennent, ils laissent les autres décider à leur place. Si on présentait les choses sous cet angle, on boosterait sûrement une forme de participation du côté de la jeunesse. Je pense aussi que s’il y avait davantage de jeunes à ces postes, il y aurait des taux d’abstention moins élevés. 

Vous vous considérez comme étant proche de la jeunesse angevine. Avez-vous prévu de mettre en place de nouveaux dispositifs ou projets à leur égard ?  

Dans un premier temps, nous avons terminé mon premier mandat en diminuant les tarifs des bus et du tram pour les jeunes en créant un tarif à vingt euros par mois. À cause de la Covid-19, nous avons également mis en place un fond d’urgence : on a doté ce fond de 100 000 € afin de soutenir des projets, les associations, ouvrir une épicerie sociale et solidaire, etc. Ce n’était pas notre plan d’action d’il y a deux ans, mais c’est aussi important d’être là pour ça, de faire attention au pouvoir d’achat des jeunes et de savoir que dans ces premières années, c’est compliqué pour certains. 

Dans les années qui viennent, nous allons créer une nouvelle salle de musique. Les salles de concerts d’aujourd’hui sont davantage destinées aux jeunes : on veut renouveler la salle actuelle puisque notre nombre d’étudiants a dépassé les 40 000. On veut faire une salle de concert de 1 400 places sur un site en face d’une patinoire toute neuve : l’Ice Park. L’idée, c’est que l’actuelle salle de concert devienne une salle dédiée aux jeunes sans programmation, mise à disposition des BDE pour des soirées étudiantes par exemple.

On est également en train d’aider et de soutenir la construction de résidences étudiantes, mais pas seulement pour les étudiants. Cela sera aussi pour les jeunes actifs. On a tendance à se focaliser sur les étudiants, mais quand vous avez votre premier travail, vous n’avez pas encore les moyens de vous loger. On étudie donc les logements de « transition ». 700 logements verront le jour entre aujourd’hui et la rentrée prochaine. Ce qui sera un record après les 250 logements construits au cours des douze derniers mois. 

Lors des élections régionales 2021, plus de 80% des jeunes ne sont pas allés voter. Pensez-vous que ce schéma pourrait se reproduire lors des élections présidentielles 2022 ? 

Non, je ne le crois pas. D’abord, il y a une règle qui prévaut depuis très longtemps : il y a deux élections auxquelles les citoyens participent beaucoup et deux autres auxquelles les citoyens participent très peu. Les municipales, et surtout la Présidentielle, sont deux périodes de vote auxquelles les individus participent. À l’inverse, les Européennes et les Départementales/Régionales ont peu de succès.

Cela serait donc ahurissant d’avoir autant d’abstention à la Présidentielle 2022 qu’aux Régionales. Ce serait du jamais-vu dans l’histoire des élections. De plus, à mon sens, il y a un effet “covid”. Ces élections se sont déroulées en juin, un mois et demi après qu’on a déconfiné. Chacun avait la tête à autre chose et était content de retrouver les bars, les restaurants, leur famille, etc. À titre personnel, je ne pense pas que c’était de bonnes dates. Je souhaitais qu’on laisse passer l’été et qu’on reporte les élections à la rentrée 2021. Je pense donc qu’on aura un taux de participation à la Présidentielle qui sera très élevé, y compris chez les jeunes. 

Selon vous, comment les personnages politiques comme vous pourraient-ils inciter les jeunes à davantage aller voter ?   

Si j’avais la réponse à la question, je le mettrais en œuvre malheureusement. Je pense qu’il faut être présent, multiplier les formes d’interpellation. C’est pour ça qu’on fait des chats sur les réseaux sociaux par exemple. Il faut qu’on utilise les réseaux sociaux pour faire passer des messages, les jeunes ne lisent plus les journaux papiers. Mais, même sur ces plateformes, nous avons du mal à communiquer. Les pratiques des réseaux sociaux entre les jeunes et les personnes plus âgées ne sont plus les mêmes. Les applications utilisées changent d’une génération à une autre. 

Les jeunes ne lisent pas sur les réseaux sociaux, ils préfèrent se renseigner à travers des vidéos comme sur TikTok par exemple. À l’inverse, moi je considère les réseaux sociaux à travers Facebook, Twitter, Instagram… Ces applications, qui correspondent davantage à une tranche d’âge entre 25 et 35 ans, sont déjà révolues. Faire évoluer cela n’est pas simple, et pourtant, c’est ce que nous devons être capable de faire. 

Depuis plusieurs années, le taux d’abstention chez les jeunes ne fait qu’augmenter. À l’inverse, on voit de plus en plus de mouvements de protestation émerger dans les rues. Pensez-vous que la reconnaissance du vote blanc serait une manière de faire revenir les jeunes aux urnes ? 

Absolument pas. Aujourd’hui, vous pouvez aller voir le nombre de votes blancs qu’il y a eu lors d’une élection, tout est renseigné. Quand on dit qu’il n’est pas reconnu, c’est simplement qu’il n’est pas projeté en même temps que les autres votes, mais ils sont bien comptabilisés. Ce vote blanc, c’est juste une manière d’aller proposer quelque chose pour ne pas se résigner. S’il y a une abstention, c’est qu’il y a un niveau de la classe politique qui ne donne pas envie.

Mais c’est aussi le fait qu’il y ait des personnes que cela n’intéresse pas et qui n’y portent aucun intérêt. Même si c’est difficile à accepter et à comprendre, s’il y a des gens qui ne veulent pas s’exprimer, il faut les laisser faire. La liberté c’est aussi la possibilité de laisser les autres décider pour soi. Donc il faut qu’on fasse attention à limiter au maximum l’abstention, mais d’un autre côté, il ne faut pas faire culpabiliser les gens s’ils ne votent pas. L’abstention de ceux qui ne souhaitent pas participer au processus électoral a au moins autant de valeur que le vote blanc dans les commentaires politiques. 

De nos jours, les candidats à la présidence sont de plus en plus nombreux. Selon vous, autant de profil ne freinerait-il pas les jeunes à en choisir un ? Ou bien au contraire cela leur permettrait de davantage s’identifier grâce à la diversité d’idées présentes ? 

Normalement, c’est la deuxième chose qui prévaut. Quand vous avez un grand choix, cela veut dire que chacun doit être capable de trouver sa place. Le vrai défi, il n’est pas pour l’électeur, il est pour les médias. Si j’ai 27 candidats, comment je m’assure que les 27 puissent passer une information de manière égale ? C’est donc un sujet sur l’équité et la manière de chacun de s’exprimer. Pour les électeurs, le fait qu’il y ait un grand choix les aide dans leur décision. La jeunesse est souvent dans un vote de radicalité. Donc l’augmentation de l’offre devrait s’accompagner d’une diminution de l’abstention. 

Pour finir cet entretien, que diriez-vous à notre jeunesse pour qu’elle s’intéresse davantage aux enjeux politiques qui nous entourent à l’heure actuelle ? 

Ne laissez pas les autres décider à votre place. 

Pour plus d’informations sur la ville d’Angers : https://www.angers.fr/

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