“J’ai obtenu le concours dans l’académie Orléans-Tours, classée 177ᵉ sur 356, mais j’ai refusé le poste à cause de mon affectation.” Comme cette lauréate du Concours de recrutement de professeurs des écoles (CRPE), nombreux sont ceux renonçant au métier d’enseignant avant même de l’exercer, la faute à une affectation jugée intenable. “Affectée dans le Haut-Rhin alors que je vis dans le Bas-Rhin, j’ai vu ma demande de réaffectation refusée, alors même que j’avais proposé une permutation croisée, neutre, avec une habitante du Haut-Rhin”, déplore une seconde lauréate. “J’ai aussi fourni un certificat médical attestant que mon état de santé rendait impossible un trajet de quatre heures par jour, tout en élevant sept enfants… Rien n’y fais. ”
Un casse-tête qui s’éternise parfois bien après la réussite au concours. “À chaque fois, ma mutation est rejetée. Je vais rester à vie à deux heures de trajet aller par jour. Sauf si je démissionne”, soupire cette enseignante avec six ans d’ancienneté.
1 700 postes vacants dans le public, 278 dans le privé
Aussi, pour la quinzième année consécutive, l’éducation nationale n’a pas réussi à pourvoir l’intégralité des postes ouverts au concours d’enseignants. Si plus de 21 400 candidats ont été admis à l’issue de la session de recrutement 2025, plus de 1 700 places restent vacantes dans le public et 278 dans le privé selon les résultats publiés par le ministère, vendredi 4 juillet. Les académies concernées par les postes vacants sont celles de Créteil, Versailles, la Guyane et Mayotte. Pour autant, le nombre de postes non pourvus est en forte diminution sur un an : 34 %.
“Une baisse artificielle”
“Oui, il y a une baisse, mais cette baisse est artificielle”, met en garde Matthieu Drouhin, secrétaire national du syndicat des enseignants-Unsa (SE-Unsa). “Dans les faits, beaucoup moins de postes sont ouverts au concours cette année par rapport aux années précédentes. ” Et d’ajouter : “Cela correspond aux postes non pourvus dans les académies où on ne remplit pas”. Pour rappel, quelque 2 290 postes étaient ouverts en 2024 dans l’académie de Créteil, contre 1 659 cette année. En Guyane, 244 postes sont ouverts en 2025, soit 36 de moins que l’année précédente.
“C’est un problème d’attractivité”
Si les mutations et la diminution notable du nombre de postes affichés aux concours sont l’une des raisons principales expliquant les plus de 2 600 postes vacants, la problématique est “multifactorielle”, d’après le syndicaliste. “La situation est la même depuis plusieurs années : c’est un problème d’attractivité que ce soit au niveau de la rémunération, des conditions de travail ou des perspectives de carrière, dénonce Matthieu Drouhin. C’est extrêmement inquiétant de voir que le nombre de postes n’est pas à la hauteur des besoins ”. La conséquence, selon lui, serait le recours “majeur” aux contractuels dans plusieurs académies. Aujourd’hui, un enseignant sur dix est un contractuel, selon un rapport de la Cour des comptes publié en octobre dernier.
Pour faire face à cette crise de vocation dans l’enseignement, Matthieu Drouhin appelle à appuyer certains leviers : “Nous pensons qu’une réforme de la formation initiale réglerait une partie du problème”. Des discussions ont d’ores et déjà été engagées avec le ministère. Dès la session 2026, les candidats et candidates pourront passer les concours dès bac+3 (et non plus bac+5). “Mais il faut aussi arriver à des accords sur la revalorisation des rémunérations et les perspectives de carrières. L’attractivité, c’est aussi pouvoir se projeter dans le métier et ses évolutions”.