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Crise des sous-marins: la France est-elle alliée ou alignée aux puissances américaines et australiennes?

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Louis Brand

Étudiant à Sciences Po Paris - campus franco allemand de Nancy. Particulièrement intéressé par les relations internationales et les questions relatives à la sécurité/défense à l'échelle européenne notamment.
« Trahison », « rupture majeure de confiance », « grave crise », tels sont les mots employés par la presse française et européenne pour désigner les relations diplomatiques avec l’Australie et les États-Unis. Ce mercredi 15 septembre, l’Australie a en effet annoncé rompre le contrat sur les sous-marins qu’elle avait signé avec la France en 2016. L’industriel français Naval Group devait effectivement vendre 12 sous-marins à propulsion conventionnelle à l’Australie, assurant un partnership pour les cinquantaines d’années à venir. La France perd ainsi son « contrat du siècle », avec un manque à gagner d’au moins 56 milliards d’euros.

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C’est une très mauvaise nouvelle pour l’industrie navale française, qui investit depuis 5 ans dans ce programme. Plus de 650 salariés et collaborateurs de Naval Group travaillaient à Cherbourg et les alentours, sur la conception des sous-marins, avant que Canberra ne mette soudainement un terme au contrat. Naval Group perdrait 10 à 15% de son chiffre d’affaires pour les années à venir. 

Mais ce n’est pas seulement un coup dur économique, comme l’a souligné le Ministre des Affaires Étrangère Jean Yves Le Drian : « Ce qui est en cause, au-delà de la rupture d’un contrat industriel (…) c’est la rupture de confiance ». Paris s’est effectivement sentie « trahie »lorsqu’elle a appris la rupture du contrat, d’autant plus que Canberra n’aurait pas prévenu de ses intentions. 

La Ministre des Armées Florence Parly déclarait ainsi : « nous n’avons jamais été mis au courant des intentions australiennes. À aucun moment, d’aucune manière, la France n’a reçu de signal clair ». Déclarations que Scott Morrisson, Premier Ministre australien, a démenti en assurant avoir toujours émis de « profondes et graves réserves quant au fait que les capacités du sous-marin de classe Attack ne répondaient pas à nos intérêts stratégiques »

Le coup est d’autant plus dur que l’Australie a annoncé rejoindre un nouveau pacte stratégique avec les États-Unis, préférant les sous-marins américains à propulsion nucléaire. Ce nouveau partenariat nommé Aukusvise à assurer la sécurité dans la zone Indopacifique et a été établi sans que la France n’ait été informée, pourtant très impliquée dans la région. L’aire indopacifique constitue aujourd’hui une priorité stratégique pour les puissances occidentales, qui tentent de contrebalancer l’influence chinoise dans la région. 

Le pacte Aukus a vivement été critiqué par la Chine qui a qualifié ce partenariat « d’extrêmement irresponsable ».Le porte-parole de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian, déclarait : « La coopération entre les États-Unis, le Royaume-Unis et l’Australie en matière de sous-marins nucléaires sape gravement la paix et la stabilité régionale, intensifie la course aux armements et compromet les efforts internationaux de non-prolifération nucléaire ». 

La réaction diplomatique française face à ce retournement de situation est lourde de sens. 48 heures après la résiliation australienne, la France a rappelé ses ambassadeurs de Washington et Canberra et a annulé une soirée gala à New York qui devait célébrer l’entente entre la France et les États-Unis. Jamais cette étape diplomatique n’avait été franchie entre la France et les États-Unis, même lors des tensions à propos de l’Irak en 2003. 

Canberra a tout de même montré un geste d’apaisement en expliquant sa décision par un « changement de besoin »et non un « changement d’avis ». 

Finalement, cette crise diplomatique révèle la rude concurrence industrielle à l’œuvre aujourd’hui. Bien qu’alliées, les puissances occidentales restent concurrentes sur le marché de l’armement, et l’Union Européenne est à la traine. Effectivement, ce choix australien de se tourner vers des engins américains plutôt qu’européens n’est pas inédit. La Suisse avait opté en juin 2021 pour les F-35 américain plutôt que pour les Rafales français, ce qui avait aussi tourmenté ses relations avec la France. 

Si l’Hexagone peut se vanter d’avoir toujours su afficher son désaccord avec le géant américain, pour combien de temps est-il réaliste de s’opposer à Washington ? Car si la France a pu compter sur ses voisins européens pour parler d’une même voix, force est de constater que l’Union Européenne n’est absolument pas indépendante sur le plan de la défense.

Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne, a d’ailleurs rappelé que la dispute entre la France d’un côté et l’Australie et les USA de l’autre n’était pas un sujet bilatéral mais « qu’elle affectait toute l’UE par ses implications stratégiques ». Finalement, cette crise diplomatique est non seulement l’occasion de se questionner sur les relations entre Bruxelles et Washington, mais elle révèle surtout à bien des égards la vision américaine qui confond « alliés » et « alignés ».

Le Président Emmanuel Macron s’entretiendra avec le Président Joe Biden lors d’un échange téléphonique afin de « clarifier à la fois les conditions dans lesquelles cette annonce a été décidée et clarifier les conditions d’un réengagement américain dans une relation d’alliés ». Parallèlement, des discussions sont en cours entre l’industriel français Naval Group et les autorités australiennes au sujet d’éventuels dédommagements. 

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