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Denis Mukwege interpelle le monde sur la nécessité de la création d’une convention internationale pour éliminer l’utilisation du viol comme arme de guerre

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Denis Mukwege, célèbre gynécologue congolais lance un appel pour créer des sanctions fortes contre les auteurs de sévices et de violences sexuelles.

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Denis Mukwege au Parlement Européen pour la remise de son prix Shakarov en 2014

Le docteur Denis Mukwege exerce depuis plus de vingt ans en tant que gynécologue dans la ville de Bakavu, située en République démocratique du Congo (RDC). Il voue sa vie à être engagé et à soigner les victimes de violences sexuelles. Récompensé notamment par le prix Shakarov en 2014 qui met en avant des personnalités qui ont décidé de consacrer leur existence à défendre les droits de l’homme et les libertés fondamentales. Par le prix Nobel de la paix en 2018, ce gynécologue congolais marque l’histoire contemporaine par son combat.

Il est convié pour intervenir à Paris lors du Forum Génération Egalité qui a eu lieu du 30 juin au 2 juillet afin de parler du droit des femmes. Lors de cet événement, il appelle la communauté internationale à agir activement pour éliminer le viol comme arme de guerre dans les conflits.

Dans une interview qu’il accorde au journal Le Monde, celui qui « répare » les femmes revient sur son combat, mais aussi sur ce forum qui, pour lui, doit se vouloir plus ferme vis-à-vis de cette question.

Quelles constatations pouvons-nous faire et quelles résolutions peut-on apporter à cette question selon Denis Mukwege ?

Selon lui, « la souffrance qu’on impose aux femmes doit s’arrêter » déclare celui qui intervient chaque jour sur le corps de femmes violées et mutilées par le viol. Comme il le constate en RDC, cette pratique du viol comme arme de guerre continue. Il lui arrive encore d’opérer en urgence comme, par exemple, le cas d’une fillette de 6 ans qui avait le rectum très abimé, c’est-à-dire le dernier morceau du tube digestif qui permet de relier le colon à l’anus, à cause d’un viol.

Il montre également la contemporanéité de son combat en soulevant la question de l’impunité des auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Il pense que celle-ci est une absurdité. Cette question sur la thématique de la justice et des génocides qu’il soulève est très contemporaine pour l’histoire et ne cesse de faire débat. Pour lui, le droit pénal international doit se raffermir si l’on veut endiguer le phénomène.

Les viols comme crimes de guerre causent des victimes chez les femmes violées mais aussi chez les enfants soldats qui ont du bien souvent violer leurs propres parents et qui sont donc ravagés psychologiquement. À cette liste s’ajoute également ceux qui ont connu ces pratiques et deviennent réformés. Ainsi, un suivi psychologique doit être proposé à chaque victime afin de retrouver un équilibre et de pouvoir s’insérer correctement dans la société.

Le second constat qu’il dresse est que les bourreaux se perfectionnent avec le temps et infligent des violences de plus en plus sophistiquées et barbares aux femmes. Il utilise l’exemple de femmes dans le Tigré, en Ethiopie, où des femmes se voient avec l’appareil génital brûlé. Il effectue aussi une analogie avec l’Europe et notamment la France où les féminicides explosent alors que la sécurité des femmes est censée être plus grande.

« Les violences sexuelles représentent donc un problème mondial. Il est temps de dépasser les intentions et les résolutions, car en détruisant les femmes, nous détruisons notre propre humanité et notre avenir. »

Dr Denis Mukwege, gynécologue congolais

Les violences sexuelles, une affaire multi-scalaire

Pour lui, la première instance qui doit gérer cette question est la communauté internationale qu’il juge capable d’être celle qui va définir une ligne rouge et qui a le pouvoir nécessaire de faire en sorte que les commanditaires, mais aussi les auteurs des violences sexuelles payent aux yeux de la justice, pour les crimes qu’ils osent commettre.

« Le viol n’est pas acceptable dans un conflit, à l’instar des armes chimiques par exemple ».

Dr Denis Mukwege, gynécologue congolais

Pour se faire, il appelle clairement à faire adopter une convention internationale afin de proscrire l’utilisation des violences sexuelles comme arme de guerre et pour punir ceux qu’il juge et qualifie de «barbares qui n’ont plus aucune limite». Pour lui, les accords de paix doivent également inclure de poursuivre les criminels de violences sexuelles et par exemple demander le gel des avoirs ou leur mise au ban de la communauté internationale.

À l’échelle des Etats, Denis Mukwege propose qu’ils dispensent une éducation à la masculinité positive aux plus petits, c’est-à-dire leur apprendre que le rapport entre les hommes et les femmes est égalitaire et qu’il n’y a pas de jeux de pouvoir à jouer afin d’obtenir la supériorité sur l’autre sexe.

L’armée et les forces de sécurité doivent également être éduquées au respect des femmes et des enfants. Créer une responsabilité pénale pour les hiérarchiques dans les crimes commis par leurs miliciens et leurs officiers serait un grand pas dans le droit pénal international, mais pour lui cela sera dure à mettre en place.

« Je mesure que cela sera difficile à mettre en place, tant pour beaucoup d’hommes les femmes n’ont pas de valeur. La souffrance des femmes est traitée avec une telle légèreté ! »

Dr Denis Mukwege, gynécologue congolais

Au niveau de la République démocratique du Congo, il pense que la guerre économique que traverse le pays vient de la bataille autour des ressources telles que le cobalt ou le coltan qui sont par exemple récoltés dans le Nord-Kivu, une région de la RDC. Ce pillage des ressources effectué bien souvent par des multinationales finance les groupes rebelles congolais et étrangers qui commettent ce genre de sévices dans le pays. L’internationalisation de ce conflit est pour lui indéniable. Il souhaite ainsi voir se créer un tribunal pénal international pour le Congo, à l’image de celui fait pour le Rwanda par exemple, mais qui inclue la notion de genre pour éviter toute misogynie comme ce fut le cas lors du procès de Nuremberg avec les juives.

Quel avenir pour les victimes de violences sexuelles et quelle justice pour les responsables au Congo ?

Il est très clair que des fonds sont mis en place pour donner un réparation aux victimes tels que le Global Survival Fund, un fond mondial garanti par la résolution 2467 de l’ONU en 2019. Son but est d’aider les projets économiques des survivantes pour les réinsérer mais elles doivent en faire la demande. Ce programme est créé avec les survivantes car elles sont les seules maîtres de leurs destins. De plus, Denis Mukwege espère déterrer le rapport Mapping, une enquête des Nations Unies, qui concerne les crimes commis entre 1993 et 2008 pour avoir une liste de responsables et les faire condamner.

De véritable héros méconnu qui exerçait son métier de gynécologue à porte parole de la cause des victimes de violences sexuelles, Denis Mukwege continue d’éclairer le monde et de vouloir susciter une véritable prise de conscience sur un problème qui cause de réels tabous et traumatismes pour les victimes. Le chemin vers la vérité peut prendre du temps à émerger, mais il montre une véritable dévotion a ce combat, malgré plusieurs tentatives d’assassinat. Cet homme qui se sent « si petit et si admiratif » face à ces femmes promet de ne rien lâcher. Un combat à suivre et qui promet de s’inscrire sur la durée grâce à ce docteur.

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