Le journal pour les jeunes, par les  jeunes

Détention d’armes : Les tentatives du Gouvernement pour faire face à la violence chez les mineurs

Après l’attaque au couteau du mardi 10 juin au collège Françoise-Dolto à Nogent, les réactions des politiques français se sont enchaînées. Si la société perçoit la violence chez les jeunes comme un fléau en pleine augmentation, le Gouvernement tente de répondre à la hausse du sentiment d’insécurité en recherchant des solutions plus ou moins efficaces.

Partagez ce post

Un adolescent menace un groupe avec un couteau Getty Images
Un adolescent menace un groupe avec un couteau Getty Images

Après l’attaque au couteau du mardi 10 juin au collège Françoise-Dolto à Nogent, les réactions des politiques français se sont enchaînées. Si la société perçoit la violence chez les jeunes comme un fléau en pleine augmentation, le Gouvernement tente de répondre à la hausse du sentiment d’insécurité par la détention d’armes dangereuses en recherchant des solutions plus ou moins efficaces.

Meurtre au couteau d’une assistante d’éducation à Nogent : L’affaire de trop

Poignardée à l’entrée du collège Françoise-Dolto à Nogent par un élève de 14 ans lors d’un contrôle des sacs par les gendarmes, une assistante d’éducation a succombé à ses blessures ce mardi 10 juin. 

Lors de ce contrôle aléatoire au portail de l’établissement, l’élève a sorti de son sac un couteau de 34 centimètres qu’il s’est selon lui procuré dans la cuisine de ses parents. Ainsi, il a porté sept coups de couteaux à Mélanie G., assistante d’éducation de 31 ans au sein du collège Françoise-Dolto. 

Cet événement a provoqué un choc autant au sein de l’opinion publique que du Gouvernement. C’est pourquoi le chef d’État Emmanuel Macron et le chef du Gouvernement François Bayrou ont annoncé qu’un arrêté serait pris dans les 15 jours afin d’interdire la vente de couteaux aux mineurs. 

Ce discours survient après de nombreuses attaques au couteau provoquées par des mineurs ces derniers mois et années. Néanmoins, même si ces nombreux drames amplifient l’idée d’un déferlement de violence chez les jeunes, le Gouvernement souhaite mettre en place des mesures fortes afin d’éviter leur répétition, bien que l’on puisse largement discuter de l’efficacité de ces dispositifs.

De cette manière le Premier ministre a expliqué que «Pour l’instant, il n’y a que les poignards pour simplifier, qui sont interdits. On va interdire tout couteau qui peut constituer une arme.». Mais pourtant, la loi interdit déjà la vente de tous types de couteaux aux mineurs. 

Une loi à la fois précise, mais floue

La confusion faite par François Bayrou sur les types de couteaux interdits est liée au caractère imprécis des frontières entre les différentes catégories de couteaux. 

Selon le ministère de l’Intérieur, « Un couteau est une arme, relevant de la catégorie D, il peut être acheté et détenu librement par un adulte. En revanche, un mineur ne peut pas acheter une arme de catégorie D. ». 

De la même manière, sont inclus dans la catégorie D les armes blanches et « tous objets susceptibles de constituer une arme dangereuse pour la sécurité publique, dont: les armes non à feu, camouflées; les poignards, les couteaux-poignards, opinel, couteau suisse, cutters, tournevis, lames cachées, les matraques, les projecteurs hypodermiques… » (Ministère de l’Intérieur). 

Par conséquent, le discours du Premier ministre était plus simpliste que la loi ne l’est réellement. Les poignards ne sont donc pas les seuls couteaux interdits à la vente, d’autant plus que cette interdiction comprend également les armes blanches, décrites comme « toute arme dont l’action perforante, tranchante ou brisante n’est due qu’à la force humaine ou à un mécanisme auquel elle a été transmise, à l’exclusion d’une explosion. » (Ministère de l’Intérieur). 

Il n’est donc pas écrit noir sur blanc dans ce texte que les couteaux de cuisine sont interdits à la vente aux mineurs. Cependant, le couteau de cuisine est une arme blanche et appartient donc par définition à la catégorie D. 

Ainsi, c’est en partie sur cette imprécision que le Premier ministre souhaite travailler au plus vite en élargissant cette interdiction à tous les couteaux et en mettant en place des mesures fortes pour lutter contre la violence chez les mineurs. 

Une hausse de la violence chez les jeunes ou des faits divers amplifiant le sentiment d’insécurité ? 

Depuis l’attaque mortelle à coups de couteaux sur Sékou, un jeune garçon de 17 ans le 24 mars 2025 dans une rixe près d’un lycée dans l’Essonne, les forces de l’ordre ont mis en place des dispositifs de vérification des sacs à l’entrée des lycées et collèges de manière aléatoire. 

Ainsi, depuis le 26 mars 2025, 6200 contrôles ont été effectués. Sur 200 couteaux trouvés, 32 personnes ont été placées en garde à vue, et 567 élèves ont été conduits en conseils de discipline. Si ces chiffres peuvent sembler alarmants, on peut noter que d’après ces derniers, près de 97% des élèves ne détiennent pas de couteau. Par ailleurs, les mises en garde à vue ont été imposées à une infime partie d’entre eux, montrant que la détention n’a pas été jugée suffisamment grave pour relever du pénal.

Néanmoins, l’ancien Premier ministre Gabriel Attal a expliqué le mercredi 12 février à l’Assemblée nationale qu’il fallait « considérer avec lucidité qu’un mineur de 2025 n’est pas un mineur de 1945. », en ajoutant que l’« on a vu, ces dernières années, une violence de plus en plus débridée chez les jeunes. ». 

Ce discours dénué de chiffres nécessite tout de même d’être analysé. Ainsi, en 1945, 17 578 mineurs ont été jugés en France, contre 48 389 en 2023. En prenant en compte l’évolution démographique du pays, les mineurs sont aujourd’hui deux fois plus poursuivis qu’en 1945. D’autre part, si on compare les motifs de jugements, la violence physique a été multipliée par 3 entre les deux périodes.

Ainsi, si les chiffres montrent que la violence chez les mineurs a largement augmenté au fil des ans et notamment entre 1945 et aujourd’hui, il reste tout de même impossible de savoir si ces derniers sont plus nombreux à détenir des couteaux qu’avant, car aucune statistique antérieure ne permet de mettre en comparaison les données actuelles. 

Toutefois, certains témoignages affirment que dans les années 90, les proviseurs confisquaient déjà des armes blanches aux élèves. Cela montre que ce phénomène existe depuis longtemps, même s’il n’est pas possible d’analyser son évolution. En outre, certains rapportent que les faits violents et extrêmement forts ont effectivement augmenté à l’école, mais que leur nombre est faussé par leur médiatisation importante.

De cette manière, si certains sondages montrent que près de 90% des élèves affirment se sentir en sécurité dans leurs établissements, d’autres expliquent que 79% des parents sont « souvent » ou « de temps en temps » inquiets pour la sécurité de leurs enfants. 

Par conséquent, la violence ayant tout de même augmentée chez les jeunes, le sentiment d’insécurité est certes légitime, mais démultiplié par les événements récents qui viennent bouleverser l’opinion publique. 

Ainsi, cette mesure annoncée dans l’urgence émotionnelle interroge sur sa vocation réelle. Son objectif est-il de répondre à une crise sécuritaire ou d’apaiser une opinion publique bouleversée ? 

Constat au sein des établissements scolaires 

Pour expliquer pourquoi les mineurs détiennent des couteaux, deux motifs majeurs persistent: celui de la « frime », puis celui de la défense. 

Tout d’abord, certains élèves reconnaissent que la détention d’un couteau est perçue comme « tendance », relevant d’une « volonté de dépasser un interdit. », c’est notamment le discours de Christophe Boulat, principal d’un collège de Belfort. Cela peut tout de même aller plus loin lorsque des élèves utilisent leurs couteaux comme outil de menace ou de dissuasion au sein des établissements scolaires, comme l’a constaté un proviseur d’un collège situé dans une zone d’éducation prioritaire en Auvergne-Rhône-Alpes.

De l’autre côté, un grand nombre d’élèves détiennent ces couteaux pour pouvoir un jour ou l’autre se défendre. Pour la plupart d’entre eux, ces armes sont toujours restées au fond de leur sac et n’en sont jamais sorties.  

Néanmoins, la détention de couteaux n’est pas toujours aussi inoffensive que cela. En effet, le 13 mai dernier, à l’entrée du collège Paul-Valéry à Sète, un élève s’est vu saisir un couteau de son sac après avoir annoncé qu’il souhaitait en découdre avec l’un de ses camarades sur les réseaux sociaux. Tout comme ce vendredi 20 juin dans l’Indre-et-Loire avec un jeune garçon de 11 ans s’est introduit dans un collège, muni d’un opinel et a menacé de vouloir tuer tout le monde avant d’être maîtrisé 

D’autres cas aux conséquences bien plus importantes ont été recensés ces derniers mois et années. On retrouve par exemple Agnès Lassalle, professeure d’espagnol dans un lycée de Saint-Jean-de-Luz, poignardée en février 2023; Élias, 14 ans, tuée à coups de machette pour son smartphone en janvier dernier; le meurtre d’une lycéenne nantaise par 57 coups de couteau par un de ses camarades en avril, ainsi que le dernier en date à Nogent. 

Ainsi, si un grand nombre des élèves détenant un couteau n’ont aucune intention malveillante ou dangereuse, certains cas isolés ont mené à bien des attaques, renforçant le sentiment d’insécurité chez les mineurs et menant le Gouvernement à vouloir prendre des mesures importantes et rapides face à l’augmentation de la survenue de ce type d’événement. 

Des propositions de mesures plus ou moins efficaces

Si certaines mesures visent l’achat de couteaux, d’autres optent pour plus de contrôles au sein des établissements scolaires ainsi que des punitions plus importantes. 

Tout d’abord, l’objectif premier est d’interdire l’achat de toute arme de catégorie D à des mineurs. En effet, si la loi actuelle est déjà mise en pratique dans les commerces, il est beaucoup plus compliqué de l’appliquer pour les achats sur Internet. Ainsi, Emmanuel Macron a affirmé qu’« un jeune de quinze ans ne pourra plus acheter un couteau sur Internet. ». De cette manière, le Gouvernement a la volonté de mettre en place des dispositifs de vérification d’identité sur les sites Internet, ainsi que des contrôles lors de la livraison qui devra être réceptionnée par une personne majeure. 

Néanmoins, bien que cette mesure semble être bonne, elle n’empêchera pas les mineurs de se procurer une arme, notamment par le biais de leurs parents qui pourraient leur en fournir pour qu’ils puissent se défendre. D’autre part, les mineurs peuvent facilement se procurer des couteaux dans leur cuisine, comme l’a récemment démontré l’attaque au collège de Nogent, où un couteau de cuisine a été utilisé. Marine Tondelier et Valérie Pécresse n’ont d’ailleurs pas attendu pour réagir à ces discussions en s’exclamant que si un mineur veut une arme blanche, « il n’a qu’à se servir dans le tiroir de la cuisine ».

Ainsi, l’interdiction de la vente de couteaux aux mineurs semble relever davantage d’un affichage politique que d’une mesure réellement dissuasive puisque la plupart des armes utilisées proviennent de foyers, rendant cette interdiction difficilement applicable.

Ainsi, au vu de l’accessibilité sans frontière des couteaux aux mineurs, le Gouvernement doit envisager davantage de mesures de contrôles plutôt que des mesures d’interdiction faillibles. 

De cette manière, le Gouvernement examine la mise en place de portiques de détection d’armes à l’entrée des établissements. En effet, ce système permet de ne pas perturber l’affluence liée à l’entrée des élèves. Néanmoins, des études ont prouvé que ces portails ne détectent pas tous les types de couteaux, notamment ceux en céramique, et qu’ils génèrent en plus des coûts considérables. 

Par conséquent, les discussions se tournent également vers les détecteurs de métaux, moins coûteux, mais qui viendraient perturber davantage la gestion des flux à l’entrée, alors qu’avec le risque terroriste, l’objectif est au contraire de limiter les attroupements devant les établissements selon Gabriel Attal. 

C’est pourquoi certains établissements souhaiteraient opter pour la mise en place de caméras de surveillance, mais l’opposition se fait entendre quant au fait que les caméras ne pourraient servir qu’après la survenue d’un drame et qu’elles seraient donc inutiles dans ce processus de lutte contre la violence chez les jeunes. 

Néanmoins, la généralisation de caméras, de portiques ou de contrôles aléatoires pourrait contribuer à instaurer un climat de suspicion dans les établissements, risquant troubler la relation de confiance entre les élèves et le personnel éducatif.

Puisque des mesures concrètes touchant l’ensemble des élèves semblent inefficaces, les autorités envisagent également de renforcer le suivi psychologique des élèves grâce aux personnels médico-sociaux présents dans les établissements scolaires. Ainsi, l’objectif serait pour eux de bien connaître chaque élève afin de pouvoir prévenir ce type de comportement. En effet, certains expliquent que la diminution des effectifs des équipes d’assistants d’éducation dans les établissements scolaires pourraient être à l’origine de ce genre de débordements chez des élèves en souffrance personnelle qui ne bénéficient d’aucun suivi psychologique. 

Le Gouvernement confiera alors cette mission à la vice-présidente Horizons de l’Assemblée nationale, Naïma Moutchou, qui a déjà rédigé un rapport à ce sujet afin de rendre ces propositions “matériellement et directement” concrètes.

Réprimer ou prévenir ?

Finalement, différents acteurs évoquent également la question de la punition. En effet, Marine Le Pen affirme que la justice devrait juger directement au Tribunal les élèves qui détiennent illégalement des armes sur eux. De l’autre côté, Élisabeth Borne est moins rigide et souhaite un passage en Conseil de discipline pour chacun d’entre eux. 

Néanmoins, tous les élèves n’ont pas les mêmes intentions lorsqu’ils détiennent des armes, et beaucoup d’entre eux détiennent des couteaux dans un but défensif, sans pour autant avoir l’intention de le sortir de leur sac un jour. 

Même si la violence chez les jeunes constitue un fléau en pleine croissance, les médias renforcent le sentiment d’insécurité par une médiatisation certes légitime, mais qui amplifie ce ressenti. C’est pourquoi face à ces phénomènes, le Gouvernement cherche des solutions pour empêcher la survenue de tels drames. Néanmoins, cela n’est pas évident, et chaque mesure souhaitée comporte ses défauts ou ses effets pervers, d’autant plus qu’elles ne prennent pas en compte certains critères sociologiques pourtant importants dans l’analyse de ce phénomène, que ce soient la précarité, l’isolement familial ou même l’échec scolaire entre autres. C’est pourquoi, si la sidération collective justifie une réaction politique rapide, celle-ci ne doit pas se substituer à une réflexion de fond sur la prévention, l’éducation, et le soutien psychologique.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Total
0
Share

CSMAG, votre point actu’ mensuel !

Nous souhaitons faire de ce magazine le reflet de l’esprit de CSactu, en y intégrant toute nos nouveautés : articles de fond, podcasts, émissions sur Twitch, conférences et bien plus encore. 

Chaque mois, nous nous engageons à vous offrir un magazine qui, tout en valorisant le travail de notre rédaction, mettra en lumière l’ensemble des initiatives portées par CSactu.