Rechercher
Fermer ce champ de recherche.
Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Le journal pour les jeunes, par les  jeunes

Dune : un défi narratif et cinématographique

Picture of Alexandre Manevy

Alexandre Manevy

Directeur du pôle culture chez CSactu.
Dune, réalisé par le producteur et scénariste québécois Denis Villeneuve a connu un succès fulgurant dès sa sortie, il a d’ailleurs dépassé les 2 millions d’entrées, se hissant en tête des ventes en France et représentant le cinquième meilleur démarrage de l’année. Bien que le talent du réalisateur ne soit plus à prouver du fait de ses productions antérieures (Blade Runner 2049 et Premier Contact), nous reviendrons plus en détails sur les éléments qui ont réussi à placer le film dans le box-office. Du décor, à la musique, en passant par la production et la symbolique de chaque élément, rien ne fut laissé au hasard.

Partagez ce post

Dune Film Timothée Chalamet
https://images.app.goo.gl/NMBJyNyK951S4t3d6

Retour sur l’œuvre de Frank Herbert 

Pour commencer, parlons de l’œuvre de Frank Herbert parue en 1965 aux États-Unis, c’est grâce à celle-ci que des adaptations cinématographiques ont vu le jour, des années plus tard. Dune est né d’un survol au dessus des dunes de l’Oregon. Frank Herbert, à l’époque journaliste et photographe , prévoit d’écrire un article sur un projet mené par l’USDA (le Département de l’Agriculture américain), en rapport avec un système permettant de contenir les formations sableuses. Les dunes, semblables à des vagues, ont subjugué l’auteur et lentement, l’image d’un univers désertique s’est esquissé dans son esprit. Tout est devenu davantage limpide à mesure que son imagination galopante créait tout ce qui deviendrait plus tard l’objet de fascination pour bon nombre de réalisateurs, de producteurs et de scénaristes. 

Résumons en quelques lignes l’histoire. Nous sommes en l’an 10191 et l’univers se compose de l’Imperium, lui-même composé d’une multitude de planètes qui abritent plusieurs maisons dont celle des Atréides et des Harkonnens. L’empereur règne sur tout l’Imperium, chaque décision émane de lui. Les différentes maisons se disputent un composé semblable à une drogue appelée le “mélange” ou bien “l’épice” indispensable pour les voyages interstellaires entre autres. Le souci est que cette épice ne peut être récoltée que sur la planète d’Arrakis, terre brûlante dépourvue d’eau qui n’est présente qu’en petite quantité. Par ailleurs un peuple habite cette planète, les Fremens, réputé hostiles, il est difficile et dangereux de pénétrer leur terre. Les Harkonnens occupent pendant des années Arrakis et moissonnent intensément jusqu’au jour où l’empereur leur demande de quitter la planète afin d’y installer les Atréides. Il faut remettre de l’ordre dans l’Imperium et pour cela, un jeune garçon du nom de Paul Atréides, fils du duc Leto et de dame Jessica, membre de la sororité des Bene Gesserit, doit apporter la paix sur Arrakis. Au lieu de cela le chaos va s’abattre sur les Atréides car Paul représente une menace dans l’Imperium. Il est le “Lisan al Gaib” qui signifie “la voix du dehors”, une sorte de messie pour les Fremens. Bien que cela revête des airs de superstition, les autres maisons, dont celle les Harkonnens, le surveillent de très près. Une guerre sanglante éclate. 

Une première adaptation cinématographique est projetée en 1984, réalisée par David Lynch, elle a été assez critiquée et ne fut pas considérée comme très réussie. Elle a tout de même posé quelques bases qui ont certainement inspiré Denis Villeneuve dans le processus de réalisation. D’autres projets d’adaptation devaient voir le jour mais ont été avortés. Le roman était donc connu pour sa difficile adaptation cinématographique, mais nous pouvons dire qu’avec l’œuvre de Denis Villeneuve, il est revenu à la vie tel un phénix qui renaît de ses cendres. De plus, le réalisateur souhaitait réellement rendre hommage au livre, il y est resté fidèle du début à la fin. Par ailleurs il a voulu rendre l’histoire accessible à tous, ainsi la lecture préalable du livre n’est pas indispensable pour comprendre l’essence du film.

L’importance des décors et la place prédominante du désert profond 

Le décor est absolument fascinant, il nous permet de voyager sans même quitter notre siège et nous tient en haleine tout le long du film. Denis Villeneuve avait à cœur de limiter l’utilisation d’un fond vert, c’est pour cela que le tournage s’est déroulé dans quatre pays différents : la Norvège, Abu Dhabi, la Jordanie et la Hongrie, plus précisément dans un studio de Budapest. La pluralité des paysages est très plaisante et permet au spectateur de ne pas se lasser. Pour représenter la maison des Atréides, la caméra s’ouvre sur des étendues rocailleuses aux couleurs froides et sombres en parfaite opposition avec Arrakis et son vertigineux désert fumant, berceau des Fremens, temple de la discorde au sein de l’Imperium. 

Le désert, lui, à une place prédominante dans l’œuvre et n’est pas méconnu du réalisateur. Celui ci a toujours ressenti une curiosité envers ces horizons infinis qui s’écrasent presque sur les hommes. 

Le désert évoque également le danger, l’imprévisibilité, le mystère, à noter que la première page du scénario de Dune donne le ton : “ Le désert est sans pitié. Soit on s’adapte, soit on meurt”.  Le danger du désert profond est notamment représenté par le ver géant, qui attaque lorsqu’il sent des variations rythmiques à la surface, il se déplace à une vitesse épatante et son envergure ne manque pas d’impressionner. 

Par ailleurs, l’arrivée de la maison Atréides à Arrakis est significative d’un changement d’atmosphère, en effet la nature semble reprendre ses droits, le désert voile les hommes, une brume chaude les enveloppe, ils sont comme prisonniers de cette nature immense. Les couleurs, quant à elles, s’adaptent à l’éclat du désert et le grain de la caméra épouse les grains de sable qui recouvrent tout, s’infiltrent dans les moindres recoins. Le désert attire inéluctablement les personnages. Cela se ressent lorsque Paul Atréides prend une poignée de sables et la sent entre ses doigts mais aussi lorsque les dunes sableuses s’invitent dans ses songes sous forme de visions. Le personnage semble avoir une certaine affinité avec cette terre désertique qui n’est pourtant pas la sienne. 

Pour finir sur le décor, le réalisateur a tenu à filmer sous la lumière du jour, par souci d’authenticité, afin de ne pas ajouter d’artifices à ce qui possède déjà une beauté naturelle. Cet effet permet de faire éprouver au spectateur une familiarité avec les images. 

En ce qui concerne les costumes ainsi que certains décors, nous observons une esthétique particulière qui oscille entre le futurisme et une époque révolue lointaine. Au-delà du voyage géographique, c’est également un voyage dans les temps et les univers qui s’effectue. Le réalisateur lui même a affirmé “ Dune est un mélange sophistiqué d’esthétiques futuristes et médiévales”, le contraste est ainsi fait entre l’époque de parution du livre et l’adaptation de celui ci, des années plus tard, avec tout ce que l’avancée technologique a à offrir au cinéma. 

La musicalité : un élément vital

La musique a une importance indéniable, le spectateur est en immersion totale dans le monde de Franck Herbert et se trouve touché par l’adaptation de Denis Villeneuve. C’est pour cela qu’il a fait appel au compositeur des bande-sons originales de d’Inception et d’Interstellar, le fameux Hans Zimmer. Il a su créer cet univers musical qui s’imbrique parfaitement avec l’histoire. La musicalité est vitale, elle porte la vie du film et à plusieurs reprises est annonciatrice d’un malheur imminent qui va s’abattre sur les personnages. La tension se ressent sur la planète Caladan, berceau des Atréides et elle nous fait ressentir de la peur au travers de sons presque discordants lorsqu’il est question des Harkonnens, ennemis jurés des Atreides. 

De plus, l’ajout de voix qui s’expriment dans une langue inconnue participe à alimenter ce côté mystique, qui compose l’univers de Dune. Ce qui est intéressant est que la barrière de la langue n’est en rien un frein à la compréhension émotionnelle que l’on en fait. 

Ainsi nous nous enfonçons dans le film tout comme les personnages s’enfoncent dans le désert profond. 

De la science fiction à la réalité

Pour comprendre les messages que portent le film il est intéressant de cerner le personnage principal car la majeure partie de l’intrigue repose sur lui. Tout d’abord parlons du choix de l’acteur. Timothée Chalamet, découvert dans Call Me By Your Name impressionna, quelques années auparavant, Denis Villeneuve et s’imposa comme unique choix. Mary Parent, une des productrices a d’ailleurs déclaré “ Nous n’avons jamais contacté qui que ce soit d’autre”. 

Timothée Chalamet dispose d’une aura charismatique parfaite pour jouer Paul, à cela s’ajoute sa jeunesse et sa grande maturité. Le jeune Paul possède une “vieille âme”, il ne cherche qu’à faire le bien et véhiculer la paix. Sur lui pèse le poids d’un héritage qui s’accompagne de grandes responsabilités et la résolution primordiale de problèmes que rencontrent sa maison, c’est dans ce cadre que la maturité entre en jeu. 

Dune n’est pas qu’un film de science fiction, il renferme une critique de notre société. Le capitalisme poussé à l’extrême, le chaos qui s’immisce à mesure que les ressources qui font vivre le monde s’épuisent. Sur Arrakis, l’épice est l’élément convoité de tous, dans notre monde, cet élément semble être le pétrole. Lorsque ces éléments sont en crise, ce sont les relations d’abord internationales puis humaines qui s’en trouvent impactées. Puis il y a cette idée d’héritage de la jeunesse, que restera t-il à la future génération si le monde n’est plus régi que par les guerres et que les ressources manquent?

Le fait que les problématiques environnementales, religieuses et politiques soient traitées ajoute une réelle profondeur au film et nous pousse peut-être à faire une introspection et à nous demander qu’elle est, ou bien, quelle sera notre place dans le monde en tant que successeurs ? 

Je conclurai sur cette simple phrase prononcée par Denis Villeneuve lors d’une interview : “ Le cinéma m’a permis d’être en relation avec les autres, avec le monde”. 

Voir aussi : https://www.csactu.fr/the-french-dispatch-un-cahier-du-cinema/

2 comments
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Total
0
Share