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Enquête : l’industrie pornographique et ses dérives aux origines d’un univers pervers

Depuis les années 1970, la pornographie s'organise comme un monde professionnel, se fixant pour tâche de représenter les désirs des consommateurs, mobilisant des pratiques spécifiques pour y parvenir (Trachman, 2014). Si l'influence de ces images ou la violence qui les caractérisent ont plus ou moins toujours fait l’objet d’un grand nombre de débats, l'avènement d’internet a permis à cette industrie de prendre un autre tournant et de démocratiser son accès, avec une exposition davantage précoce envers ce type de contenus.

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Le mot "sexe" en anglais composé du World Wide Web (WWW), le système de pages web publiques interconnectées à travers l'Internet. © Ralf Hiemisch / Getty Images
Le mot "sexe" en anglais composé du World Wide Web (WWW), le système de pages web publiques interconnectées à travers l'Internet. © Ralf Hiemisch / Getty Images

En raison de ses nouveaux modes de diffusion, de production et de consommation souvent abusifs, la pornographie comme business mondial a généré un véritable système de violences à l’encontre des corps. Constituant aujourd’hui un élément important de la « culture du viol » dans notre société – pouvant parfois échapper et contourner les sites traditionnels de streaming dédiés aux contenus pornographiques –, comment les pratiques solitaires ont-elles évolué au fil des décennies, quel impact celles-ci ont-elles sur les plus jeunes et quel rapport à la pornographie les consommateurs entretiennent-ils ? Une enquête signée CSactu, fondée sur les retours de 79 participants ainsi que divers rapports et travaux externes, sur une industrie qui pervertit les corps et les esprits.

La banalisation de la pornographie et son accès précoce 

L’exploitation, suivie de la marchandisation du corps et de la sexualité des femmes, ont permis à l’industrie pornographique de s’ériger en un véritable business à l’échelle mondiale. Tandis qu’elle génère plus d’un quart (27 %) de tout le trafic vidéo en ligne dans le monde, 16 % du flux total de données sur Internet et 5 % du total des émissions de gaz à effet de serre dues au numérique (The Shift Project, 2019), la consommation de ces contenus en ligne est particulièrement élevée, représentant environ une recherche sur huit sur ordinateur et une sur cinq via un appareil mobile.

Un phénomène qui touche les jeunes à un stade précoce, puisqu’en 2017, 63 % des garçons et 37 % des filles âgés de 15 à 17 ans affirmaient avoir déjà surfé sur un site pornographique. En ce qui concerne les 14-24 ans, un cinquième admettait en consulter au moins une fois par semaine, et 9 % quotidiennement (Ifop, 2017). D’après une étude réalisée en 2023 par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique française (ARCOM), il est estimé que 12 % des internautes visitant des sites destinés aux adultes seraient mineur·e·s. L’âge et le sexe constituent également des déterminants forts de la consommation : plus de la moitié des garçons de 12-17 ans s’y rendent et passent en moyenne une heure par mois. À titre d’exemple, Pornhub rassemble 1,4 million de mineurs chaque mois.

Avec l’apparition des “tubes” au milieu des années 2000 – grandes plateformes numériques de diffusion de milliers de vidéos pornographiques, pour la plupart d’accès libre et gratuit –, l’architecture de l’industrie pornographique s’est vue profondément ébranlée. La massification de la diffusion du porno mainstream à l’échelle industrielle a largement contribué à l’émergence de contenus davantage “hard” et violents, notamment grâce à une absence de contrôle d’accessibilité et de considération envers les conditions dans lesquelles l’industrie perdure et reproduit cette dégradation des corps féminins.

La gratuité et la diffusion massive de contenus pornographiques en ligne ont finalement façonné un modèle commercial où les violences faites aux femmes tendent à se normaliser. Selon Laure Beccuau, procureure de la République de Paris, « 90% des productions pornographiques pourraient être incriminées pour viols, viols aggravés, agressions sexuelles ou traite des êtres humains ».


La cession illimitée de droit à l’image constitue par ailleurs une autre forme de violence et de soumission. En effet, lorsque ces contenus sont réalisés sous contrat, les vidéos une fois en ligne sont pratiquement impossibles à retirer du marché industriel pornographique.  

Dans une démarche empirique visant à documenter et illustrer les dérives de la pornographie, CSactu a mené son enquête, avec un aspect tant quantitatif que qualitatif. Fondée sur les retours de 79 répondants, avec 66% d’hommes et 30% de femmes âgé.es de 15 à 47 ans, près de 71 % d’entre eux affirment consommer du contenu pornographique au moment du questionnaire. Quant aux 29 % restants, plus de trois quarts de ces non-consommateurs auraient déjà été exposés à des images à caractère sexuel ne serait-ce qu’une fois dans leur vie.

Graphique : Répartition en pourcentage des réponses à deux questions sur la consommation de contenus pornographiques.
Source : enquête CSactu (Louhane PELLIZZARO), 2025.

Cette diffusion massive et quasi généralisée de la pornographie révèle à la fois l’accessibilité décuplée de ces contenus et leur ancrage dans les pratiques quotidiennes, notamment à travers les plateformes gratuites. La normalisation de la consommation pornographique tend à devenir un fait social total (Mauss, 1925) : le porno est omniprésent, banalisé, souvent intégré aux processus de socialisation sexuelle, et ce dès l’adolescence. Le fait que l’immense majorité des individus aient été exposés à ces contenus souligne l’emprise culturelle de l’industrie pornographique sur les imaginaires.

Gail Dines, sociologue et féministe radicale américano-britannique, fondatrice et présidente de l’association anti-pornographie Culture Reframed, dénonce dans ses travaux une industrie fondée sur des logiques de marché ultralibérales, où les pratiques violentes, humiliantes ou sexuellement stéréotypées deviennent des produits d’appel. La diffusion gratuite sur des sites commerciaux comme Pornhub repose sur un modèle économique algorithmique, optimisé pour capter l’attention et encourager des pratiques de consommation répétées, voire compulsives.

La consommation massive dès le plus jeune âge renforce la culture du viol, banalise et augmente la violence sexuelle. Les constats sont clairs : les garçons exposés à la pornographie présentent 3,3 fois plus de risques d’avoir des comportements sexuels préjudiciables. Une étude de l’institution indépendante Children’s Commissioner (Commissaire aux droits de l’enfant) menée auprès de 1000 jeunes britanniques a montré que 47 % estiment que les filles s’attendent à une agression physique pendant un rapport sexuel, et 42 % pensent que les filles les apprécient.


Si certains n’en ont jamais regardé ou que la majorité des répondants évoquent un premier contact autour de 13 à 15 ans, pour d’autres, l’exposition aux contenus pornographiques commence dès l’âge de 8 ans. Un quart des personnes interrogées déclarent avoir découvert ce type de contenu avant leurs 12 ans – un chiffre qui soulève des questions sur l’accessibilité et la régulation de ces contenus.

Graphique : Répartition en pourcentage de l’âge de la première exposition à la pornographie.
Source : enquête CSactu (Louhane PELLIZZARO), 2025.

En quelques clics, les jeunes ont désormais la capacité de plonger avec une facilité inégalée dans l’univers pornographique qui, faute d’autre repère, s’impose comme une forme d’éducation sexuelle – au risque de brouiller leur perception des relations amoureuses. Cette exposition précoce au X normalise des actes de violence, de domination de la femme et d’exacerbation de la virilité. En s’inspirant du modèle pornographique, certains jeunes risquent de construire leur vie sexuelle future sur des repères déformés, quitte à en provoquer un dérèglement psychique chez les concernés. En imposant des critères artificiels de beauté, le porno alimente aussi chez les adolescents – et en particulier chez les jeunes filles – des normes fictives qui fragilisent leur estime d’eux-mêmes. 

Cet accès précoce, Noa, non-binaire âgé.e de 15 ans, en a subi les frais : “À l’âge de 8 ans, j’ai vu pour la première fois une scène de sexe dans une série, et j’ai eu envie de reproduire cela. Par la suite, à travers les livres que je lisais, il y avait des scènes de sexe et cela m’a fortement impacté. Je n’en ai parlé qu’à une seule personne et je me rends compte aujourd’hui qu’avoir accès aussi jeune à ce genre de contenu est fortement nuisible à la santé de l’enfant/la personne.”

En addition à des contenus toujours plus accessibles en ligne, cette normalisation et popularisation massive de l’acte sexuel doit aussi être interrogée à un niveau plus global. Entre scènes érotiques davantage omniprésentes dans diverses œuvres cinématographiques — en particulier au sein des productions du géant du streaming Netflix —, romans de type « new romance » visant un public principalement féminin et adolescent comportant de plus en plus d’histoires à caractère érotique, ainsi que l’émergence dans les années 1970-1980 du bien connu hentai, genre de fiction pornographique japonais, cette démocratisation de contenus sulfureux échappe à tout contrôle et vise davantage les plus jeunes. Sans avoir été forcément sollicitées, ces images peuvent également apparaître via des pop-up ou des publicités.

L’accessibilité des contenus pornographiques à tout âge est devenue, au fil des années, une problématique majeure ayant entraîné le dépôt de propositions de loi dans certains pays. La plupart de ces mesures cherchent en premier lieu à restreindre l’accès des mineur·e·s aux sites pornographiques, en imposant un dispositif de vérification de l’âge prouvant que l’internaute est bel et bien majeur. Ceux-ci reposent majoritairement sur des pièces justificatives, telles que des documents d’identité ou encore une carte bancaire. Puisque trop complexes à mettre en place et posant de sérieuses questions relatives à la protection des données personnelles collectées, la plupart de ces initiatives finissent lettre morte.

Avec la suspension temporaire française en date du 4 juin 2025 de l’accès aux trois géants de l’industrie pornographique par le groupe canadien Aylo — Pornhub, Redtube et Youporn —, la question de la vérification de l’âge des utilisateurs dans l’hexagone fut récemment remise au centre des grands enjeux de cette industrie, sans pour autant avoir longuement tenu parole. À la suite d’une décision de justice favorable aux acteurs du secteur, le leader de l’industrie pornographique en ligne a en effet annoncé vendredi 20 juin le grand retour de ces plateformes. 

Des constats alarmants, tant sur la banalisation d’une industrie pervertie que sur la question de l’accès et de la protection des mineur.es.

Des consommateurs victimes d’une industrie perverse

La démocratisation de contenus pornographiques ainsi que la banalisation de l’érotisme numérique ont mené à ce que Cooper et Griffiths (psychologues américains ayant dirigé des études sur le sujet) ont nommé la dépendance au “cybersexe”. Recouvrant l’usage excessif et incontrôlé de sites pornographiques et de rencontres, mais aussi de chats érotiques, la dématérialisation du sexe est conçue comme une drogue constituant une échappatoire illusoire à la réalité. De la multiplicité des catégories à caractère sexuel à la massification de pratiques virtuelles, le consommateur est invité à plonger dans un semblant de refuge face à certaines difficultés personnelles et relationnelles, telles que des frustrations affectives, pertes de confiance en soi ou encore traumatismes. Prisonnier de cette bulle virtuelle riche en doses de dopamine, la victime peut ressentir un sentiment de culpabilité et de honte, lui faisant perdre toute estime de soi, mais aussi, dans certains cas, goût pour la véritable sexualité.

L’absence de conceptualisation diagnostique et de consensus quant à une définition et à une évaluation des addictions relevant du cybersexe mène aussi les conduites addictives relatives à la pornographie complexes à détecter. Ce flou autour de la notion d’addiction à la pornographie entretient l’idée qu’il s’agirait d’un phénomène marginal, voire inexistant. Résultat : le sujet reste largement ignoré par les politiques de santé publique, où ni la prévention ciblée ni la prise en charge spécialisée ne sont aujourd’hui réellement envisagées. Les personnes concernées se retrouvent par conséquent isolées, sans repères ni accompagnement, souvent même sans savoir que ce trouble est reconnu et fait l’objet de sérieux travaux scientifiques. Bien que capable de toucher Monsieur et Madame tout le monde, cette prévalence reste malgré tout supérieure chez le genre masculin.

Si un grand nombre de consommateurs n’ont pas conscience de leurs comportements addictifs, certains tirent la sonnette d’alarme. Ayant pris conscience des risques et dommages causés par la pornographie, Thomas, homme âgé de 24 ans, est victime de ce fléau addictif : “J’ai une réelle addiction et j’essaie régulièrement d’arrêter mais je rechute à chaque fois. Je pense qu’une consommation — même régulée — est très nocive pour nous. J’estime que la pornographie est l’une des pires choses pour le cerveau. Ça draine toute notre énergie physique et mentale et nous empêche de nous élever spirituellement. Je pense que la pornographie devrait être totalement bannie (pour tout âge, mais à minima, faire en sorte d’avoir un vrai contrôle sur la consommation potentielle des mineurs car c’est à ce moment que tout se joue). Je cherche encore la meilleure solution pour arrêter. Le seul moyen [que j’ai trouvé] c’est de me bloquer l’accès au porno, sauf que je trouve toujours un moyen d’y accéder. Par exemple, j’ai actuellement un bloqueur de porno sur mon téléphone et mon ordinateur, mais il suffit que j’aille sur [X] Twitter pour finalement en trouver. Le bloqueur ne fonctionne pas ici et de même sur PC, il suffit de télécharger un autre navigateur non bloqué par le bloqueur.”

De l’abstinence à une consommation régulière, les résultats sur les fréquences de consommation hebdomadaires des individus interrogent la façon dont un contenu autrefois stigmatisé et perçu comme un tabou sociétal est désormais intégré dans les pratiques courantes. Près d’une personne sur deux déclare consommer de la pornographie de façon très régulière. 43%, c’est une donnée qui ne laisse guère de doute : loin des marges où on la cantonnait autrefois, la pornographie s’est installée au cœur des usages culturels ordinaires, banalisée pour une large part de la population.

En parallèle, la proportion de non consommateurs (24,1 %) n’est pas négligeable et montre que l’abstinence (volontaire ou non) existe, mais reste toutefois minoritaire face à la surconsommation de contenus pornographiques. Malgré une forte proportion de répondants relative à l’enjeu d’une consommation assidue (trois fois ou plus), le sentiment de dépendance ne suit tout de même pas systématiquement la fréquence : 43% consomment souvent, mais seulement 25,3 % s’interrogent actuellement sur leur dépendance, et 50,6% déclarent ne pas ressentir une quelconque forme d’assujettissement face à la puissance de la pornographie sur eux. Indépendamment des pratiques et des perceptions mesurées, la subjectivité joue un rôle clé dans cette autoévaluation et invite à se questionner non seulement sur le sentiment de tabou dans l’aveu d’une dépendance à ce type de contenus, mais aussi sur l’importance de la classification et de la popularisation de l’addiction à la pornographie en tant que trouble du comportement sexuel compulsif – et non en tant que simple phénomène.

Graphique : Répartition en pourcentage des réponses à deux questions sur la fréquence de consommation hebdomadaire de contenus pornographiques et le sentiment de dépendance associé.
Source : enquête CSactu (Louhane PELLIZZARO), 2025.

L’addiction présente, comme toute autre forme de dépendance accrue, de nombreux risques pour la santé mentale. Julien, âgé de 25 ans, explique que depuis qu’il a entamé une consommation régulière dès l’âge de 13 ans, il n’est jamais parvenu à mettre un terme au cataclysme pornographique : “J’ai conscience du poison que c’est pour ma vie dans tous ses aspects. Perte de confiance en soi, désintérêt pour les femmes, dérèglement du système de récompense de dopamine du cerveau, symptômes dépressifs, envie de rien… J’essaie de contrebalancer ça en pratiquant une activité sportive et en étant plus actif, mais il suffit à chaque fois de pas grand-chose pour malheureusement rechuter. Comme ça [le porno] représente une sorte d’exutoire pour évacuer ses frustrations, libre et facile d’accès, le choix se porte plus souvent là dessus”.

En dehors de son aspect addictif et de sa capacité à libérer une grande source de dopamine chez les consommateurs, la mutation de la pornographie mainstream, par sa diversification de contenus et sa sensationnalisation, tend à accroître son penchant hard et choquant. “Femmes nues qui mangent du caca”, “vidéos sur lesquelles je tombais à l’époque sur Twitter : céréales dans le vagin, dans des crânes, des poulpes dans l’anus…”, “viols, abus sexuels, exploitation, zoophilie” : le spectateur, souvent dans une pure découverte, peut en un rien de temps être exposé à ce type de mises en scène déstabilisantes. Que certaines de ces productions soient publiées sur des plateformes initialement prévues pour une diffusion de contenus à caractère pornographique ou bien sur les réseaux sociaux, la normalisation de contenus davantage grossiers et choquants soulève de nouvelles interrogations sur l’insuffisance des contrôles et sur les conditions dans lesquelles ces formats sont produits.

Avec l’ancrage d’internet chez les plus ou moins jeunes, les contenus pornographiques n’ont jamais été aussi accessibles et incontrôlés qu’aujourd’hui. Si les pornocrates cherchent de plus en plus à provoquer le sensationnel par des innovations trash, la consommation de ces images irrespectueuses des pratiques communes – et parfois du cadre légal – ne relève pas toujours d’une démarche volontaire : celles-ci apparaissent de manière récurrente sur le réseau social X (anciennement Twitter). Depuis juin 2024, la plateforme muskienne autorise officiellement la publication de contenus à caractère érotique et pornographique, qui en regorgeait déjà depuis de nombreuses années. “Nous pensons que les utilisateurs devraient pouvoir créer, diffuser et visionner des contenus sexuels dès lors qu’ils sont produits et distribués de façon consensuelle”, indique le réseau sur la page intitulée “contenu adulte” de son règlement. Sont par conséquent clairement autorisées photos ou vidéos “mettant en scène la nudité d’adultes ou des actes sexuels de nature pornographique ou pouvant susciter l’excitation sexuelle”. La volonté de faire du réseau social un espace de libre expression de la part de son détenteur Elon Musk a finalement mené celui-ci à réduire la modération des contenus, quelle que soit leur nature. Qui dit réduction d’inspection, dit démocratisation du hard sur la plateforme – non prévue à cet effet-là.

Toutes ces fluctuations donnent lieu à des constats clairs : en 2025, pas moins de 35% des personnes interrogées déclarent avoir déjà – volontairement ou non – visionné des images à caractère pornographique ayant engendré un sentiment de choc chez la victime, voire des traumatismes. Si le “oui” peut sembler minoritaire en comparaison à la part d’individus n’ayant pas été concrètement exposés à ce type d’images indécentes, il n’en demeure pas moins que la proportion étudiée et illustrée reste alarmante.

Graphique : Répartition en pourcentage de la proportion de répondants ayant déjà été exposés à des images choquantes ou traumatisantes dans le cadre du visionnage pornographique.
Source : enquête CSactu (Louhane PELLIZZARO), 2025.

La pornographie aux antipodes du féminisme et de la légalité

Pour la plupart massivement victimes de violences physiques et sexuelles au sein d’une industrie qui se donne pour tâche initiale de promouvoir le plaisir solitaire, une multitude de femmes sont caricaturées des pires stéréotypes sexistes et racistes. Humiliées, objectifiées, déshumanisées, violentées ou encore torturées, ces victimes subissent des traitements contraires à la fois à la dignité humaine et à la loi française. Et tout cela, au nom du plaisir et de la satisfaction sexuelle majoritairement masculine. 


Pour se rassurer, le spectateur préfère croire qu’il s’agit d’actrices pleinement consentantes face aux divers châtiments que celles-ci subissent face caméra. Pourtant, dans la majorité des vidéos pornographiques diffusées aujourd’hui, le récit a disparu, tout comme la moindre ambition artistique ou l’idée même de jeu. À la place, ce sont des scènes répétées d’humiliation et des mises en scène de violences où l’image de la femme se trouve dégradée. Face à ces contenus, le consentement a-t-il vraiment sa place ? Et surtout, à quoi le consommateur lui-même consent en visionnant de telles scènes d’avilissement ?

S’intitulant dans la majorité des cas “gros seins” ou “gros cul”, les vidéos à caractère explicite disponibles sur les plateformes dédiées contribuent à morceler et déshumaniser les corps des femmes. Présentées comme des objets qui semblent aimer cette reproduction patriarcale sur leurs corps, la réalité est tout autre : les actrices restent avant tout des actrices, et font mine de jouir de la réception d’une telle violence et humiliation sexuelle. En alimentant cette culture du viol – qui reste malgré tout interprétée comme un mythe dans le discours pornographique –, l’omniprésence de la haine misogyne est davantage renforcée par les messages que l’industrie véhicule. Comme le rappelait très justement Laure Beccuau lors de son audition au Sénat, procureure de la République à Paris, 90 % des contenus pornographiques contiennent de la violence physique ou verbale, et sont donc pénalement répréhensibles. La signature d’un contrat n’y change rien. Au contraire, le contrat oblige : sa signature préalable fait partie des moyens de coercition des pornocrates pour contraindre et donner une apparence de légalité aux actes les plus sadiques. 

Derrière des images incarnant un magasin de fantasmes se cache un véritable système d’exploitation sexuelle mondialisé, où la production et la diffusion de vidéos pornographiques obéissent à des logiques bien huilées. En France, plusieurs affaires judiciaires ont mis en lumière l’existence d’un réseau structuré mêlant viols en réunion, traite sexuelle et méthodes de manipulation proches de celles des réseaux de proxénétisme. Des femmes contraintes de sourire devant la caméra pour écourter leur calvaire, des actes commis sur commande : le tableau est sombre. Aujourd’hui, grâce au courage de victimes qui brisent le silence, au travail acharné des associations et à un parquet décidé à rompre avec l’immobilisme, la justice pourrait enfin rendre des comptes en laissant les représentations faussées discriminantes en dehors des débats, dans l’optique de s’attacher à la réalité des atteintes portées aux femmes, et plus largement à notre société. 

Si des espoirs existent, la réalité n’obéit pas toujours aux attentes : selon l’enquête du New York Times, The Children of Pornhub, le géant du streaming pornographique Pornhub est « infesté de vidéos de viols » : viols d’enfants, viols de femmes sédatées qu’on pénètre et vidéos de revenge porn sont rapportées. La plateforme, poursuivie par des dizaines de plaignantes aux États‑Unis pour trafic sexuel et pédocriminalité, a également subi une pression de la part de grandes entreprises telles que Visa et Mastercard. En ayant d’abord suspendu leurs services au site en 2020 suite à l’enquête du New York Times, elles ont par la suite restreint leurs liens avec TrafficJunky en 2022, la branche publicitaire du propriétaire de Pornhub. Les célèbres coloris noir et orange furent par conséquent contraints de supprimer des millions de vidéos non vérifiées et de renforcer leurs contrôles.

Lorraine Questiaux, avocate et chargée de mission des affaires juridiques au sein de l’association française féministe Mouvement du nid, rappelle dans un podcast signé France Culture sur la question pénale de la violence pornographique que “comme le disait Audre Lorde, une féministe américaine dans les années 80, la pornographie c’est la négation totale de la sexualité. Il n’y a pas d’érotisme, il n’y a pas de sexualité dans la pornographie, il n’y a qu’une représentation fasciste de la domination où la jouissance est trouvée dans le fait de voir un être avili. Le récit pornographique montre une victime humiliée et qui consent à son humiliation. Des sociologues ont parlé de castration sociale, ils imputent à la pornographie un effet sur les masses, qui les démobilise, qui casse, brise l’empathie entre les êtres. Par ailleurs, la corrélation entre le viol, les violences conjugales, les violences sexuelles et la pornographie est avérée par des études mondiales qui le démontrent, et même si l’industrie pornographie essaie de le nier, il y a un lien entre les deux”.

Quant aux consommateurs – anciens comme actuels –, ils sont de plus en plus nombreux à prendre conscience des dérives internes de cette industrie. Avec un total de 47%, c’est près de la moitié des consommateurs réguliers interrogés qui déclarent avoir pris connaissance des problématiques que le porno soulève depuis de nombreuses années : exploitation, rapports de domination masculine, mondialisation du commerce sexuel, abus, viols, et plus encore. Ils continuent, mais une part significative de 25% est marquée par une tension morale, symbolisée par un sentiment subjectif de culpabilité ou de honte. Concernant les consommateurs occasionnels, ceux ayant trouvé la force d’arrêter ou encore ceux n’ayant jamais visionné de contenu pornographique, ils représentent une part de 41% des répondants à avoir intérieurement assimilé les dangers d’une production nuisible au bien-être des femmes qui sont filmées. Le fort pourcentage de sondés ayant cessé ou limité leur consommation traduit un impact réel de l’information et de la prévention autour des pratiques. En tout, ce n’est pas moins de 88% des répondants qui indiquent avoir conscience de ces dérives, avec des effets variés sur leurs comportements. Une large majorité qui amorce le début d’une victoire pour une production plus éthique. 


À l’inverse, consommateurs accrus ou non, 12% des sondés prétendent ne pas être suffisamment éclairés sur ce sujet au point d’en connaître les dessous, pourtant plus que morbides. Une inquiétante donnée en ressort : 2 interrogés affirment même que “ces dérives sont exagérées”. Cette minorité minimisant ces dangers illustre clairement un discours de banalisation, voire de défense face à la critique et l’étude de l’industrie.

Graphique : Répartition en pourcentage de la part des répondants conscients des dérives propres à l’industrie pornographique.
Source : enquête CSactu (Louhane PELLIZZARO), 2025.

Adam, âgé de 20 ans, s’inquiète sur ses fréquences et ressent une forme de culpabilité à consommer du contenu pornographique malgré l’omniprésence de dérives. En ayant pris conscience de la gravité des actes perpétrés par les pornographes, il indique que “cette industrie majoritairement masculine contribue à dégrader l’image de la femme, des minorités ethniques et religieuses. On sait qu’un nombre incalculable d’actrices sont exploitées, agressées, prises au piège par des contrats lorsqu’elles veulent quitter ce milieu malsain. D’ailleurs, malgré ma consommation, je prends garde à ne jamais utiliser le nom d’actrices pour faire des blagues de mauvais goût. Elles subissent déjà assez de moqueries par des gens qui leur crachent dessus mais consomment leurs vidéos en privé.”

La pornographie n’est plus un tabou, mais sa consommation commence à se charger d’une dimension éthique nouvelle, liée aux dénonciations des dérives (exploitation, violences, non-consentement) et d’une importante prise de conscience face au cynisme que l’industrie prône dans ses pratiques et formats.

Quelles solutions face au fléau pornographique ?

Entre exposition précoce, dépendance et mondialisation d’un commerce sexuellement et humainement immoral, sortir du cataclysme provoqué par une industrie aux mille visages devient, au-delà d’un besoin personnel, une nécessité planétaire. 

La proportion de mineurs ayant accès aux contenus pour adultes étant de plus en plus importante, la sensibilisation face aux multiples impacts de la consommation est devenue cruciale. Si aux yeux de la loi française l’accès et la diffusion aux contenus pornographiques sont interdits auprès des mineurs, mentir et déclarer qu’on est majeur n’a jamais été aussi simple. En un clic, nous voici immergés dans l’amertume du plaisir. En France, cette réalité a impulsé l’instauration de plusieurs mesures préventives.

Sous l’impulsion d’Adrien Taquet, alors secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance, et de Cédric O, secrétaire d’État au Numérique, un protocole d’engagements pour la prévention de l’exposition des mineurs aux contenus pornographiques a été lancé en 2020. Fournisseurs d’accès, opérateurs mobiles, moteurs de recherche, éditeurs de contenus, fabricants de terminaux, développeurs de systèmes d’exploitation et associations de protection de l’enfance : tous sont appelés à agir. L’objectif est de déployer et promouvoir des outils de contrôle parental, notamment via un portail d’information commun, et mesurer leur efficacité grâce à des indicateurs précis sur leur utilisation.

Mise en ligne le 9 février 2021 à l’occasion du Safer Internet Day, rendez-vous annuel de sensibilisation aux usages du numérique à destination des jeunes, des familles et de la communauté éducative, la plateforme d’information en ligne Je protège mon enfant est consacrée à la protection des mineurs contre l’accès au X en ligne. 

En reprenant sous une forme humoristique les codes des sites pornographiques gratuits, le site de promotion de l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle Sidaxxxion sensibilise les visiteurs tant mineurs que majeurs à la non-violence, au consentement, à l’acceptation de soi et la tolérance. Créé en novembre 2024 par l’association Sidaction de lutte contre le sida et les infections aux VIH, les vidéos disponibles sur la plateforme se dotent d’intitulés provocateurs, les publicités clignotent dans tous les sens, le logo est trash… mais à la différence près des sites classiques qui est que le contenu est ici tout sauf pornographique.

Pour celles et ceux qui sont victimes des dangers de l’exposition à la pornographie et des violences numériques, mais aussi pour les jeunes harcelés, le 3018 est devenu depuis le 1er janvier 2024 le numéro national unique de signalement de ce type de situations. Mis en relation avec une équipe d’écoutants composée de psychologues, de juristes et d’experts du numérique, ils peuvent enclencher une procédure de signalement accélérée en cas d’urgence. Gratuit, anonyme et confidentiel, ce numéro est accessible 7 jours sur 7 de 09h00 à 23h00 – jours fériés inclus. Pour les plus réservés ou en raison d’une impossibilité à passer des appels téléphoniques, un tchat du dispositif est disponible sur le site 3018.fr, ainsi qu’une fiche de contact pour échanger avec des professionnels par courriels. Initié par l’Association e-Enfance, le 3018 a pour mission d’accompagner les jeunes, les parents et les professionnels face à la diversité des problématiques liées au numérique, ses usages, ses dangers et ses conséquences sur la santé, incluant de facto les défis posés par la démocratisation de l’exposition des mineurs au X.

À l’échelle régionale, l’organisme Crips Île-de-France est depuis 1988 chargé de développer les politiques de prévention santé dans cette région, dont les deux domaines d’action sont la santé des jeunes et le sida. Contre une pratique néfaste en pleine expansion chez les jeunes, le Crips a développé sa formation intitulée La pornographie chez les jeunes : comprendre et accompagner destinée aux professionnels travaillant auprès de publics concernés afin d’agir sur le fléau pornographique auprès des adolescents et jeunes adultes.

Dans une société où légiférer à l’ère du numérique sur un tel sujet en faveur des plus jeunes demeure inefficace, lutter contre les effets néfastes de la pornographie chez les plus vulnérables se doit, en guise de substitution, de principalement passer par des mécanismes de sensibilisation et d’écoute.

Contre l’addiction à la pornographie, sensibiliser et prévenir constitue là aussi un des temps forts de la guérison. En 2018, l’association We Are Lovers a pu voir le jour grâce à l’action de jeunes ayant eux aussi souffert du fléau addictif invisible et du silence entourant cette dépendance. Leur force réside notamment dans leur vécu et leur proximité générationnelle : en ayant grandi avec un accès quasi illimité à la pornographie en ligne, ils partagent une expérience à la fois intime et éclairée. 

Afin de poser des mots concrets sur des souffrances en cas de doute, l’association Déclic – bientôt identifiable sous l’acronyme CEFRAAP (Centre Francophone de Ressources et d’Accompagnement de l’Addiction à la Pornographie) – engagée dans une reconsidération du trouble et un accompagnement auprès des concernés, a développé un rapide test de dépistage d’addiction à la pornographie d’environ 3 minutes, accessible gratuitement en ligne sur sa plateforme. Afin d’apporter des réponses professionnelles pour des défis actuels concernant ce trouble, Déclic propose également des groupes de parole en visio en partenariat avec l’association We Are Lovers, des formations pour les professionnels de santé, mais aussi un accompagnement personnel en cas d’urgence (en particulier chez les adolescents).

Les acteurs de la société civile agissent aussi et ne restent pas passifs. En fondant le cabinet Coeur Hackeur et en publiant son ouvrage “Délivré !” En 2021, Tanguy Lafforgue, marié, père de famille et autrefois officier et communicant pour l’Église, s’est aujourd’hui reconverti dans l’accompagnement afin de venir en aide aux nombreuses personnes souffrant d’addiction. En dix chapitres mêlant théorie et outils concrets, l’auteur décrypte les rouages de l’addiction, invite le lecteur à adopter un regard bienveillant sur soi-même et livre des pistes solides pour engager un véritable travail en profondeur. Au cours d’un entretien mené avec la Communauté de l’Emmanuel, le thérapeute et coach explique qu’une personne addicte peut s’en sortir à tout âge, et ce peu importe le temps passé dans la dépendance. “Le cerveau est un organe prodigieux et chaque personne a la capacité de reprendre le contrôle de sa vie. Ce processus prend du temps et demande un investissement important mais ça vaut le coup ! Le point départ pour s’en sortir n’est pas d’abord d’avoir de la volonté – on en a tous – mais de trouver une motivation profonde, des bonnes raisons de changer. Il est capital d’avoir cette parole d’espérance, d’encouragement et de vérité même si le tableau paraît sombre. […] Souvent, il y a une blessure de l’estime de soi, un déficit d’identité de la personne, des sentiments de honte, de culpabilité, d’illégitimité. On constate aussi toujours une difficulté à réguler ses émotions. Pour reprendre le contrôle, il est nécessaire de travailler sur ces différents aspects. […] Cette addiction a aussi des conséquences sur le mental, provoque des obsessions, de la fatigue, vient activer le circuit du stress dans le cerveau. Cela impacte les relations, provoque un repli sur soi, des difficultés à communiquer. À cause de la honte, il y a une spirale du mensonge qui se met en place.

Dans une démarche plus traditionnelle, oser en parler à autrui (ami, partenaire, association…) et briser le tabou de l’addiction reste également l’une des voies les plus classiques permettant d’amorcer un chemin vers la délivrance. Le moyen le plus sûr d’entamer un véritable processus de guérison reste l’échange avec un professionnel sur le sujet et une prise en charge thérapeutique, souvent de type TCC (thérapie cognitivo-comportementale).

Sans pour autant renoncer au plaisir, d’autres chemins vers une meilleure sexualité existent. En se diversifiant, le monde pornographique n’a pas seulement amené du contenu plus hard, mais a permis de créer, en réaction à une industrie toujours plus dégradante et dégradée, un environnement plus propice à la découverte de soi et aux plaisirs davantage inclusifs. Si la pornographie dite “traditionnelle” est néfaste à long terme, la consommation de contenus alternatifs, mêlant érotisme et éthique, pourrait au contraire être bénéfique et s’ériger en une solution viable pour les plus dépendants – ou tout simplement pour les plus désireux. Selon la fréquence et le type choisi, elle permet chez certains d’évoluer dans leur sexualité.

À contre-courant du porno mainstream chargé de stéréotypes, la pornographie éthique prend une voie plus authentique et émotionnelle. En valorisant le consentement et l’écoute entre partenaires, des conditions de tournage adéquates, une rémunération équitable, la diversité des corps, des sexualités et des pratiques ainsi que des récits plus réalistes, sensuels ou encore artistiques, cette forme de pornographie propose un regard neuf sur la sexualité et replace l’érotisme au centre de son intérêt. Loin de se limiter au regard masculin dominant, le porno éthique se concentre également les perspectives féminines et queer, en mettant en lumière l’identité et les vécus singuliers de chacun. Alors que près d’un quart des consommateurs de pornographie sont des femmes, l’enjeu d’une production respectueuse de leurs corps et pensée pour elles apparaît plus urgent que jamais.


Figure emblématique de ce mouvement, la réalisatrice suédoise Erika Lust s’impose depuis plusieurs années comme l’une des pionnières de la pornographie éthique et féministe. Dans ses productions, consentement explicite, diversité des corps et narration soignée remplacent les clichés déshumanisants d’un secteur trop souvent dominé par la logique du profit au mépris des acteurs. Erika Lust démontre qu’un autre monde pornographique est possible : celui qui respecte autant ceux qui le font que ceux qui le regardent.

À l’inverse de contenus pornographiques concrètement imagés, créer et projeter sa propre imagination constitue également pour les plus réfractaires un vecteur d’érotisme. La littérature érotique et les audiosporn connaissent un regain d’intérêt dans ces formes d’alternatives. En misant sur l’imaginaire plutôt que sur la surexposition visuelle, ces formats invitent les consommateurs à se réapproprier et à explorer leur désir dans un espace plus intime. Des plateformes comme Voxxx et Femtasy (dédiées aux femmes) et Coxxx (dédiée aux hommes) proposent des récits audio immersifs regroupant plusieurs genres, conçus pour stimuler le désir sans images crues ni mises en scène trop violentes. Contre les vidéos formatées des tubes pornographiques, ces contenus laissent l’auditeur libre d’habiller mentalement les voix, les corps et les lieux. 

Pour autant, malgré la pluralité des formats alternatifs, les résultats traduisent un phénomène socioculturel : le porno mainstream reste la norme dominante dans l’imaginaire collectif, largement imposée par les plateformes massives, bien connues du grand public. Avec près des deux tiers des répondants (62 %) qui déclarent ignorer ces alternatives, on peut en déduire un manque de diffusion ou de visibilité de ces contenus, malgré leur essor. 
Les alternatives, pourtant promues comme plus éthiques, peinent à s’ancrer dans les usages, sans doute freinées par des tabous, un accès moins direct, ou un manque de médiatisation. C’est en restant dans l’ombre que cela alimente la difficulté à déconstruire des habitudes de consommation standardisées par des années de contenus gratuits et massifs.

Graphique : Répartition en pourcentage des alternatives à la pornographie mainstream identifiées par les répondants.
Source : enquête CSactu (Louhane PELLIZZARO), 2025.

Si certains voient dans ces productions alternatives un climat plus respectueux des pratiques, les risques perdurent toujours. En dépit de leur subtilité, ces espaces restent régis par les logiques industrielles du porno, avec des modèles économiques qui misent toujours sur la dépendance et la surconsommation ainsi que des catégories parfois trop hard pour le simple érotisme qu’ils prétendent défendre. L’accès reste toujours simple : il suffit encore une fois d’affirmer en un seul clic que le consommateur est majeur pour errer dans les coulisses de presque toutes formes de pornographie.

La pornographie, par l’essor des tubes et sa massification, a engendré une standardisation, une exploitation des corps et s’est érigée en un pionnier de la perversion humaine. Dépravation des tendances et des pratiques, banalisation de la violence, mécaniques déshumanisantes, le tout en démocratisant son accès – le plaisir personnel n’a rien à envier aux façades d’une industrie corrompue. Si elle veut faire du bien à ses consommateurs, elle prône le mal chez ses acteurs. Les résultats de cette enquête témoignent des formes d’intériorisation des codes pornographiques dans les comportements, et alimentent les réflexions sur la manière dont l’industrie, en exploitant la viralité numérique, a contribué à établir de manière pérenne un univers sexuel structuré par des rapports de domination au détriment des femmes et des minorités. Après tout, comme déclare Paul, âgé de 34 ans : “Aujourd’hui, l’accessibilité trop facile en a fatigué toute sa moelle. À l’instar du sucre, le porno n’est plus appréciable à la valeur qu’il pourrait avoir, et n’est qu’apprécié que comme un bien de consommation courant banal et sans saveur”.

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