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La tribune des généraux dans Valeurs Actuelles : une aubaine pour le Rassemblement National ?

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Juliette Messa

Etudiante en double licence d'Histoire-Médias à la Sorbonne et à Assas, je porte un grand intérêt à l'actualité politique et aux humanités. Curieuse et intrépide, toujours à la recherche des dernières informations, je souhaite devenir journaliste. Bonne lecture !
Publiée ce 21 avril sur le site de l’hebdomadaire d’extrême-droite Valeurs Actuelles, une tribune rédigée par des généraux à la retraite reproche le « délitement » de la France. Dénoncée par l’exécutif et de nombreuses personnalités politiques, celle-ci a été saluée par Marine Le Pen, invitant ses signataires à « rejoindre le RN ».

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Armée et généraux

« Un quarteron de généraux en retraite » qui « ne voient et ne comprennent la nation et le monde que déformés à travers leur frénésie » : telles ont été les paroles prononcées par le Président de Gaulle pour qualifier les quatre généraux à la tête du putsch d’Alger le 21 avril 1961. Ces derniers s’opposaient vigoureusement au projet d’indépendance de l’Algérie envisagé par l’exécutif et ont tenté de soulever les militaires pour maintenir l’Algérie française. Soixante ans plus tard, une tribune parue dans Valeurs Actuelles et signée par une vingtaine de généraux à la retraite ainsi qu’un millier de militaires dénonce le « délitement qui frappe notre patrie » et le chaos croissant de la société, qui ne s’achèverait que par la « guerre civile ». 

Écrite à l’initiative de Jean Pierre Fabre-Bernadac, ancien officier de gendarmerie et responsable du blog « Places d’Armes », destiné à ceux «  qui aiment la France et réalisent que celle-ci est au bord du gouffre », la tribune déplore l’état alarmant dans lequel se trouverait le pays. Un délitement qui s’expliquerait dans la société par la montée de « l’anti-racisme », de « l’islamisme et des hordes de banlieues » ainsi que par la violence contre la police. 

Non-datée, cette lettre ouverte est à destination de tous les représentants de la République, qu’il s’agisse du Président, des membres du gouvernement ou encore des parlementaires. Dénonçant l’inaction de l’État et son « laxisme », les signataires de la tribune insinuent la possibilité d’un coup de force, se disant prêts à « l’intervention de nos camarades d’active dans une mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisationnelles et de sauvegarde de nos compatriotes sur le territoire national ».

Une salve de réactions liées au contenu de la tribune

Le gouvernement a tenu à condamner les propos tenus dans cette tribune : le jour même de sa publication, la ministre des armées Florence Parly a demandé des sanctions à l’encontre des signataires, jugeant leurs “actions inacceptables” et « irresponsables . Celle-ci a ajouté sur Twitter que « les armées ne sont pas là pour faire campagne mais pour défendre la France » . Mercredi 28 avril, à l’issue du Conseil des ministres, le Premier Ministre Jean Castex a condamné « avec la plus grande fermeté » cette tribune, qu’il juge « contraire à tous nos principes républicains ». 

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Le Premier Ministre Jean Castex le 28 avril 2021

Interviewé par Le Parisien, le général Francois Lecointre, chef d’État Major des armées, s’est déclaré choqué, assurant que «  les officiers généraux vont passer chacun devant un conseil supérieur militaire ». S’il admet que l’un des signataires, le général Christian Piquemal, avait déjà été radié en 2016 des cadres de l’armée pour avoir participé à une manifestation interdite contre les migrants à Calais, il réaffirme que « plus les responsabilités sont élevées, plus l’obligation de neutralité et d’exemplarité est forte ». 

En effet, comme l’a rappelé Jean-Daniel Levy, directeur général de Harris Interactive, sur Public Sénat le 26 avril, le surnom de « La Grande muette » n’a pas été donnée à l’armée sans raison précise : cette dernière est soumise au devoir de réserve, interdisant aux militaires d’exprimer leurs opinions politiques au vu et au su de tous. Par ailleurs, il souligne que le rôle de l’armée est d’être « au service du pouvoir politique et non pas en pression du pouvoir politique » , tout en insistant sur le caractère novateur de la tribune, les signataires s’étant exprimés à visage découvert pour laisser entrevoir la possibilité de ramener l’ordre sur le territoire. 

Cette tribune a provoqué de nombreuses réactions à gauche de l’échiquier politique : sur Facebook, le Président du groupe La France Insoumise Jean-Luc Mélenchon l’a fustigée, en rappelant l’article 414-3 du Code pénal disposant que « le fait (…) de provoquer à la désobéissance par quelque moyen que ce soit des militaires (…) est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ». Dans un communiqué de presse, le Parti socialiste a indiqué condamner « les propos séditieux tenus par ces militaires qui laissent planer l’option d’un recours à l’armée pour régler les difficultés que rencontre le pays », en récusant « la vision de la société française portée par ces officiers ». 

Tribune de militaires : Jean-Luc Mélenchon annonce faire "un signalement" auprès du procureur général
Le président du groupe LFI, Jean-Luc Mélenchon, a souhaité dénoncer la tribune avec virulence

À droite, si la forme même de la tribune dérange, les propos qui y sont avancés ne sont pas pour autant contestés : interrogé le 28 avril au micro de Sud Radio, le député Les Républicains Guillaume Larrivé a admis que « la situation actuelle de notre pays n’est plus exactement celle de la paix civile ». Pour Rachida Dati, maire LR du 7ème arrondissement de Paris, « ce qui est écrit dans une tribune est une réalité », tout en ajoutant que « les militaires ne sont pas dans leur rôle quand ils font de la politique », position partagée par Valérie Pécresse ou encore l’ancien Premier ministre Jean Pierre Raffarin.

Une tentative de récupération politique par l’extrême-droite ?

Après la parution de la tribune, La présidente du Rassemblement National, Marine Le Pen a invité les militaires signataires à se “joindre à notre action pour prendre part à la bataille qui s’ouvre ». Sur France Info, elle a affirmé « partager leur affliction et leur constat » : pour elle, si le devoir de réserve a été rompu, il convient de s’interroger sur les causes mêmes ayant amené à cette rupture. Par ailleurs, elle a déclaré ne pas avoir jugé cette tribune menaçante, en indiquant que « certains politiques avaient déjà évoqué ce risque de guerre civile », à l’image de Gérard Collomb, ancien ministre de l’intérieur entre 2017 et 2018.

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Marine le Pen au micro de France Info le 27 avril 2021

Toutefois, elle n’a pas souhaité insister sur la menace d’intervention de l’armée de son propre chef, soulignant que « les problèmes se règlent par la politique, et par un projet politique validé par les français dans un cadre évidemment démocratique ». Une position qui vient nuancer les appels à l’insurrection, ce qui n’est pas sans rappeler celui lancé par Philippe de Villiers le 15 avril 2021 dans Valeurs Actuelles « pour éviter la disparition de la France ». 

Partageant les propos véhiculés par la tribune, des mouvements politiques proches du RN ont décidé de se mobiliser : le parti Les Patriotes, fondé par Florian Philippot, autrefois dans les rangs du Rassemblement National, a lancé sur son site internet une pétition en sa faveur. Il est expliqué que la signer revient à apporter son soutien « aux militaires, qui seront sûrement de plus en plus nombreux à signer la tribune », tout en exigeant du gouvernement  « qu’il présente des excuses et qu’il mette fin immédiatement à toute menace et toute sanction ».

La question de l’écho de cette tribune dans l’opinion publique a également été de mise : ainsi, un sondage réalisé pour LCI quelques jours après la publication de la tribune a révélé que, sur un échantillon de 1613 personnes, 58% d’entre elles soutiennent l’initiative des militaires. Par ailleurs, 84% d’entre elles ont estimé que la violence augmente de jour en jour en France.

Si la tribune a provoqué des réactions différentes au sein de la sphère politique, on retrouve toutefois une dénonciation unanime de la tentative de récupération politique par le RN. Invitée sur RTL ce mardi 27 avril, la ministre déléguée à la citoyenneté, Marlène Schiappa, a déclaré que cette tribune dévoilait « le vrai visage du RN, qui est un parti de putschistes », venant contrebalancer les « apparences républicaines, dédiabolisées, respectables » que Marine Le Pen souhaite arborer en vue des présidentielles de 2022. Jean Castex s’est, quant à lui, demandé “comment des gens, et Madame Le Pen en particulier, qui aspire à exercer les responsabilités de l’État, peut-elle cautionner une initiative qui n’exclue pas de se retourner contre l’État républicain ? ». Pour le politologue Jean-Yves Camus, nul doute à avoir :  l’attitude de Marine le Pen reflète « le signe qu’il y a encore de la radicalité sous (sa) dédiabolisation ». 

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