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L’architecture moderne a-t-elle remplacé le beau ?

L'architecture moderne a-t-elle remplacé le beau ? De nos jours, les villes se ressemblent de plus en plus, et ce, à travers tous les continents : des immeubles toujours plus grands aux formes rectilignes, dénoués d’ornements et aux couleurs monotones. Pourquoi avons-nous construit des bâtiments qui inspirent la morosité si la population y vivant ne les apprécient manifestement pas ?

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Résidence Monsey-Nord à Lyon. Credit : Photographes en Rhône-Alpes : Résidence Moncey-Nord.
Résidence Monsey-Nord à Lyon. Credit : Photographes en Rhône-Alpes : Résidence Moncey-Nord.

Certains immeubles semblent faits pour les photos, d’autres pour être oubliés. Pourquoi l’architecture moderne est-elle souvent considérée comme « moche » tandis que les bâtiments plus anciens émerveillent ?

Pourquoi nos villes se sont-elles transformées ?

De nos jours, les villes se ressemblent de plus en plus, et ce, à travers tous les continents : des immeubles toujours plus grands aux formes rectilignes, dénoués d’ornements et aux couleurs monotones. Pourquoi avons-nous construit des bâtiments qui inspirent la morosité si la population y vivant ne les apprécient manifestement pas ?

Pour répondre à cette question, revenons dans les années suivant la fin de la Seconde Guerre mondiale. Des centaines de milliers de logements détruits par la guerre conjugués à l’arrêt des constructions durant les conflits, la crise du logement en France empire de façon considérable. Pour répondre à cette problématique : les grands ensembles, « typiquement des ensembles de logements collectifs, souvent en nombre important (plusieurs centaines à plusieurs milliers de logements) […] marqués par un urbanisme de barres et de tours » (Wikipédia).

Quelles solutions pour la reconstruction ?

Dans le monde, certains pays résolvent ce problème de la même manière, mais ce n’est pas le cas de tous. Plusieurs autres facteurs sont également à prendre en compte pour comprendre le développement de ce style que l’on retrouve aujourd’hui de façon croissante. La population en hausse aggrave le défi du logement, avec une montée assez impressionnante à partir des années 1950, que ce soit dans le monde (voir graphique 1) ou en France (voir graphique 2). De plus, il existe une forte concentration de la population dans les mêmes espaces en raison de l’exode rural (voir graphique 3), notamment car l’industrialisation se développe dans les villes.

La hausse exponentielle de la population dans le monde a poussé la refonte de l’architecture telle qu’elle était conçue avant. Crédits : Population mondiale : historique, évolution et projection.
Exemple de la France, dont la population a fortement augmenté après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Crédits : La population en France depuis 1801 (Métropole) | Population & Avenir.

En outre, un matériau émerge dans la construction : le béton. Rapide à utiliser, bon marché et permettant de construire haut, il est parfait pour les besoins de l’époque. Pour résumer ce changement d’architecture, on peut citer Hannes Meyer, un des anciens directeurs de l’école d’architecture Bauhaus : « Les nécessités du peuple avant le luxe ». Pourtant, l’architecture moderne n’est pas toujours vue de manière négative, elle impressionne même et attire les gens, cependant elle reste toujours controversée quelle que soit l’époque…

Le phénomène d’exode rural a provoqué une forte baisse de la population rurale française au profit des villes. Crédits : SGF, ICPSR, Insee.

La beauté : subjective ?

Différencions tout d’abord les bâtiments tels que les immeubles qui sont reproduits à l’identique plusieurs fois, des bâtiments ostentatoires comme les monuments ou les immeubles construits ou décorés de manière unique. Les constructions ostentatoires modernes font souvent l’objet de controverses quant à leur beauté, tandis que les immeubles ordinaires modernes sont plus facilement associés à la laideur des constructions en béton.

Frankfurter Berg, quartier à Francfort-sur-le-Main en Allemagne. Crédit : L’architecture moche : ça passe ou ça casse ? | Twist | ARTE.
Le Ministère fédéral Autrichien de l’innovation. Crédits : L’architecture moche : ça passe ou ça casse ? | Twist | ARTE.

Dans le documentaire d’Arte « L’architecture moche : ça passe ou ça casse ? », l’urbaniste Eugene Quinn fait une visite guidée des bâtiments les plus « laids » de Vienne qui rencontre beaucoup de succès. Étrangement, sa tentative pour la visite guidée des bâtiments les plus « beaux » de Vienne s’est confrontée à un désintérêt total : 0 inscrit. Pourquoi trouve-t-on les bâtiments que l’on apprécie les moins visuellement parfois plus intéressants que ceux que l’on préfère ? L’architecture moderne ostentatoire se veut souvent transmettre des idées ou des émotions plutôt qu’un sentiment communautaire ou des valeurs, telles qu’on pourrait les ressentir lorsque l’on entre dans une église ou dans un château.

Mais cela ne répond pas encore à la question : comment qualifie-t-on un bâtiment de « moche » ou de « beau » ? Dans le documentaire, une des touristes fait une remarque intéressante : « est-ce vraiment laid ou mes goûts et mes idées diffèrent de cette époque ? ». 

Des codes qui évoluent au fil du temps

Pour illustrer cette idée, quel meilleur exemple que le Paris Haussmannien ? De 1853 à 1870, à la demande de l’empereur Napoléon III, Georges Eugène Haussmann, préfet de la Seine, prend en main le projet de transformation de Paris. Larges boulevards droits lumineux, immeubles uniformes et création de réseaux d’égouts, l’objectif de ce nouveau Paris est de rendre la capitale plus belle, propre et fonctionnelle. Néanmoins, le projet se heurte à de nombreuses critiques. Haussmann rase des quartiers et il est alors accusé de détruire une partie de l’histoire de Paris mais aussi de repousser les classes populaires en périphérie car les nouveaux immeubles ne sont pas accessibles à tous. Cette transformation est à la fois très populaire et très mal perçue. Pourtant, de nos jours, le Paris Haussmannien est une fierté française, représentant une partie de Paris et plus largement de la France auprès du monde entier.

De la même manière, la Tour Eiffel fait polémique. Face aux critiques, Gustave Eiffel écrira en 1887 dans un numéro du Temps : « Soutiendra-t-on que c’est par leur valeur artistique que les pyramides ont si fortement frappé l’imagination des hommes ? (…) Qui n’en est pas revenu rempli d’une irrésistible admiration ! Et quelle est la source de cette admiration, sinon l’immensité de l’effort et la grandeur du résultat ? » Pour revenir aux bâtiments modernes, on peut prendre ces exemples pour se demander si les bâtiments d’aujourd’hui que l’on trouve laids trouveront leur place dans le futur.

D’autre part, on peut s’attarder sur le « biais du survivant » qui, comme expliqué par Carl-Maxence Vinh sur la chaîne ARCHITEKTON – histoires d’architectures, signifie que toutes les générations précédant la nôtre ont supprimé ce qu’elles pensaient ne pas être pertinent ou joli, tel que le Baron Haussmann, et que l’architecture moderne n’a pas encore fait encore ce tri car trop récente.

Que construire demain ?

Après avoir réfléchi aux avantages des constructions du passé et celle de la modernité mais également aux inconvénients, vers quoi se tournent les architectes d’aujourd’hui ?

Comme le révèle Carl-Maxence Vinh, une des critiques de l’architecture moderne se trouve dans la perte de valeurs de ses bâtiments, il trouve alors un combat commun à tous : l’environnement. L’architecture écologique est en effet de plus en plus populaire. Elle peut se tourner de manière productiviste en essayant d’utiliser le maximum de technologie ou bien de manière plus frugale en trouvant ses racines dans les matériaux biosourcés et locaux, et ainsi retrouver le savoir-faire de l’architecte qui aurait plus de sens que dans le monde de l’industrialisation.

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