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Le Front de libération du peuple du Tigré perd son statut politique, un tournant pour l’Éthiopie

Après avoir dirigé l’Éthiopie pendant près de trente ans, le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) a perdu officiellement son statut de parti politique en mai 2025. Cette décision marque la fin d’une ère pour ce mouvement. Au cœur du pouvoir par le passé, il est aujourd’hui relégué à la marge de la scène politique nationale. Comment expliquer cette initiative ?

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La région du Tigré en Éthiopie, perd son parti politique. ©aboodi vesakaran / Unsplash

Le 14 mai 2025, la Commission électorale nationale éthiopienne a radié le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) du registre officiel des partis politiques, mettant un terme symbolique à l’influence d’un mouvement qui a dominé la vie politique du pays pendant près de trente ans. Le parti est né en février 1975 en réaction à la marginalisation du peuple tigréen, une région au nord de l’Éthiopie. Il s’est rapidement imposé comme un pilier de l’idéologie sociale-démocrate et du nationalisme tigréen. Le TPLF a gouverné l’Éthiopie en coalition avec trois autres partis, formant le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF). Cette coalition a renversé le gouvernement militaire précédent, le Derg. Cette décision historique soulève de nombreuses questions sur l’avenir politique de l’Éthiopie et sur la place du Tigré dans le pays.

De la gloire à l’isolement : le parcours contrasté du TPLF

Sous la direction de Meles Zenawi, Premier ministre de 1991 à 2012, le TPLF exerce une mainmise sur les institutions clés : armée, renseignement, économie, et ressources stratégiques du pays. Le parti façonne la nouvelle Constitution, introduit le fédéralisme ethnique et monopolise l’accès à l’aide internationale, aux prêts et à la gestion des terres. Cette domination s’accompagne d’un contrôle autoritaire, d’une marginalisation de l’opposition et d’une centralisation du pouvoir autour de l’élite tigréenne, malgré l’apparence de coalition multipartite. L’Éthiopie connaît une croissance rapide et une stabilité relative, mais aussi des tensions croissantes entre communautés et des critiques sur l’absence de démocratie réelle.

Le déclin du TPLF s’amorce après la mort de Meles Zenawi en 2012. Son successeur peine à maintenir l’unité de la coalition et à répondre aux aspirations de réformes et démissionne en 2018. L’arrivée d’Abiy Ahmed cette même année marque un tournant. Il lance une série de réformes politiques et économiques et marginalise progressivement le TPLF au sein du gouvernement fédéral. En 2019, il dissout l’EPRDF pour créer le Parti de la prospérité, excluant de fait le TPLF. Isolé, le TPLF se replie au Tigré. En novembre 2020, un conflit armé éclate entre les forces fédérales et le TPLF, plongeant la région dans une guerre meurtrière. Le gouvernement éthiopien désigne alors le TPLF comme organisation terroriste et met fin à son statut de parti légal.

La fin d’un parti historique : entre sanction électorale et crise politique

En mai 2025, la Commission électorale nationale éthiopienne a officiellement radié le TPLF de la liste des partis politiques reconnus. Parmi les motifs avancés figurent l’absence prolongée d’assemblée générale, des divisions internes persistantes, ainsi que le non-respect des obligations légales imposées aux formations politiques. Le parti peut quand-même déposer une nouvelle demande d’enregistrement avant les prochaines élections générales prévues en 2026. Mais la radiation fragilise sa capacité à mobiliser légalement ses partisans et complique son action sur la scène nationale.

Cette décision risque d’alimenter les tensions dans le Tigré, où une partie de la population reste attachée au TPLF comme symbole de résistance et d’identité. La disparition du TPLF en tant qu’acteur institutionnel pourrait modifier l’équilibre du fédéralisme ethnique en Éthiopie, avec des conséquences importantes pour la gouvernance et la cohésion nationale.

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