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Le projet Périclès pour installer l’extrême droite au pouvoir

Discret, riche, stratège : Pierre-Édouard Stérin, milliardaire français et catholique traditionaliste, s’impose aujourd’hui comme l’un des grands architectes de la nouvelle droite identitaire. Grâce à sa fortune bâtie avec Smartbox, il investit massivement dans un projet de transformation politique de la France : le projet Périclès. Le rachat en 2024-2025 du média Cerfia, très suivi sur les réseaux sociaux, marque un tournant décisif dans cette stratégie d’influence. Pierre-Édouard Stérin mise sur le projet Périclès et le média Cerfia pour installer l’extrême droite au pouvoir. Découvrez les coulisses de cette stratégie.

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Le compte de Cerfia sur X (ex-Twitter). Crédits : Camille Fontaine
Le compte de Cerfia sur X (ex-Twitter). Crédits : Camille Fontaine

Qui est Pierre-Édouard Stérin ?

Pierre-Édouard Stérin en 2018. © Wikimedia

À 50 ans, Pierre-Édouard Stérin s’impose comme une figure majeure – mais longtemps méconnue – du capitalisme français. Self-made-man, il fonde l’entreprise Smartbox en 2003, spécialisée dans les coffrets cadeaux. Grâce au succès international de ce concept, il devient milliardaire. Il crée en 2009 Otium Capital, son fonds d’investissement personnel, avec près de 1,6 milliard d’euros sous gestion.

Mais Stérin n’est pas qu’un entrepreneur. Il est aussi un catholique ultraconservateur, opposé à l’avortement, au mariage pour tous, à la PMA et à la GPA. Exilé fiscalement en Belgique depuis 2012, il affirme reverser ses économies d’impôts à des œuvres qu’il juge “justes” – essentiellement des structures chrétiennes, identitaires ou de droite conservatrice. Il finance aussi des événements comme La Nuit du Bien Commun. Sterin a aussi affirmé vouloir léguer sa fortune à ses causes plutôt qu’à ses cinq enfants.

Le projet Périclès : installer durablement l’extrême droite au pouvoir

Révélé par plusieurs médias en 2024, le projet Périclès constitue le cœur de la stratégie politique de Pierre-Édouard Stérin. Il s’agit d’un plan de conquête culturelle et institutionnelle de long terme, dont l’objectif est d’installer au pouvoir une droite ultraconservatrice, identitaire et religieuse. Doté d’un budget de 150 millions d’euros sur dix ans, ce projet vise à structurer un écosystème politique capable de rivaliser avec les élites actuelles.

Le projet prévoit notamment la création d’instituts de formation pour cadres politiques, le financement de think tanks, de cellules juridiques, ainsi que le soutien actif à des médias conservateurs ou à des plateformes de diffusion de contenus orientés. Il entend aussi former ce que Stérin appelle un “clergé intellectuel”, une élite idéologique façonnée pour porter et diffuser les valeurs traditionnelles, patriotiques et chrétiennes qu’il défend. Inspiré par les stratégies mises en œuvre aux États-Unis par la mouvance Trumpiste ou par le pouvoir hongrois de Viktor Orbán, Périclès repose sur l’idée que la conquête politique passe d’abord par la conquête des esprits.

Le rachat de Cerfia : un tournant dans la conquête culturelle

C’est dans cette logique que s’inscrit le rachat du compte Cerfia, un média alternatif très suivi sur X (ex‑Twitter), en juin 2025. Ce compte, qui cumulait plus d’un million d’abonnés, se spécialisait dans l’actualité rapide, souvent brute et virale. Il touchait un public jeune et populaire, peu sensible aux médias traditionnels.

Selon les enquêtes de BFMTV, Blast et 20 Minutes, le rachat a été réalisé via des sociétés écrans liées à Otium Capital, dont Médiane et Adventure, orchestrées par Adrien Aversa, proche de Stérin. Depuis octobre 2024, Cerfia diffuse des contenus de plus en plus orientés : faits divers anxiogènes, récits d’agressions, accent mis sur l’insécurité, l’immigration ou la religion musulmane.

Ce rachat marque un tournant, car il permet à Stérin de s’implanter directement dans les réseaux sociaux. Un mouvement stratégique quand on sait que c’est désormais là que se forme l’opinion publique. Cerfia devient un outil d’influence de masse, efficace, discret, et bien plus difficile à contester qu’un média partisan.

Réactions : inquiétudes, malaise et stratégie de dissimulation

La révélation de ce rachat a suscité de nombreuses réactions critiques. Plusieurs journalistes et chercheurs ont exprimé leur inquiétude face à cette forme d’entrisme culturel. L’influence idéologique s’opère par des médias apparemment apolitiques, mais en réalité financés et pilotés par des acteurs engagés. Les critiques ont notamment pointé la stratégie d’opacité délibérée adoptée par Stérin, qui a dissimulé son implication derrière un enchevêtrement de sociétés écrans.

Des spécialistes des médias alertent également sur le risque de désinformation “douce”. Sans diffuser de fake news au sens strict, Cerfia oriente le regard du public vers certains sujets (violence, immigration, faits divers anxiogènes) en évitant tout traitement critique ou contextualisé. Plusieurs voix dénoncent une forme de manipulation insidieuse, qui détourne l’usage des réseaux sociaux pour servir une vision politique très marquée, sans que le public n’en ait clairement conscience.

Écoutez aussi un podcast sur ce sujet : https://www.radiofrance.fr/mouv/podcasts/culture-internet/culture-internet-du-mercredi-18-juin-2025-4004604

Avec le projet Périclès et le rachat de Cerfia, Pierre‑Édouard Stérin ne se contente pas de financer des idées : il construit un écosystème idéologique, articulant formation, médias, culture et réseaux sociaux. Sa stratégie est claire : façonner les esprits aujourd’hui pour rendre l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite non seulement possible, mais légitime et durable.

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