Origines
Le 8 mai 2025, la fumée blanche a hissé sur la scène mondiale un pasteur venu du South Side de Chicago. Robert Francis Prevost voit le jour le 14 septembre 1955, dans une famille où se croisent origines italienne, française et espagnole. Il grandit près de la paroisse Saint-Adalbert, un lieu animé : on y sert des repas chauds, on aide les enfants à faire leurs devoirs et on laisse la parole aux nouveaux arrivants du quartier.
Plus tard, ses études l’emmènent de l’université Villanova, où il décroche un diplôme de maths, jusqu’à Rome pour un doctorat en droit canonique. Là-bas, il se retrouve au milieu d’un mélange de langues et de visages : prêtres vietnamiens, chercheurs ghanéens, ouvriers italiens… Autant de rencontres qui lui montrent que l’Église ne se limite pas aux livres et aux rites, mais se vit dans la vie de tous les jours. Autant de voix qui nourriront sa devise – In Illo uno unum (« Dans l’unique Christ, nous sommes un ») – et sa conviction que l’identité catholique n’est jamais un « monolithe mais un kaléidoscope ».
Mission péruvienne
Missionnaire à Chulucanas en 1985, il gagne l’année suivante Trujillo où il restera plus d’une décennie. Directeur de formation, prieur, professeur de morale et de patristique, vicaire judiciaire : l’Américain multiplie les casquettes tout en fondant une paroisse dans la périphérie pauvre de la ville. Lors des inondations d’El Niño en 1998, on le voit, bottes de caoutchouc aux pieds, piloter secours et reconstruction. Cet ancrage, prolongé par un passage à Chiclayo (2014-2015), lui vaudra la nationalité péruvienne en 2015.
De l’Ordre à la machine vaticane
En 2001, les augustiniens confient leurs clés à Robert Prevost. Rempilant en 2007, il passe douze ans à parcourir campus et couvents, de Cebu à Chicago, pour être proche de ses communautés et tenir leurs finances… Ce mélange va plaire au Vatican : Le Pape François le repère, l’invite d’abord en 2019 à la Congrégation pour le clergé, puis, le 30 janvier 2023, lui confie la tour de contrôle des nominations épiscopales, le puissant Dicastère pour les évêques. La confiance du pontife se confirme sept mois plus tard lorsqu’il le nomme cardinal, avant de le hisser, le 6 février 2025, à l’ordre des évêques avec le titre suburbicaire d’Albano.
Conclave « express »
Réunis à 133, les cardinaux ne nécessitent que quatre tours pour l’élire, le 8 mai 2025. En se nommant Léon XIV, il fait écho à Léon XIII, l’auteur de l’encyclique sociale Rerum novarum (1891). Premier pape issu des États-Unis, premier pontife augustinien, il est aussi le deuxième Américain du continent après le pape François.
Un bain de foule
Dimanche 18 mai, vers 9 h, Léon XIV a fait une brève apparition en papamobile devant près de 200 000 fidèles massés place Saint-Pierre. Sous le baldaquin du Bernin, il a reçu le pallium et l’anneau du pêcheur, avant de lancer d’une voix posée : « Brisons ce paradigme économique qui exploite la Terre et abandonne les plus pauvres. » Parmi les personnalités présentes — la présidente péruvienne Dina Boluarte, le vice-président américain J.D. Vance ou le président ukrainien Volodymyr Zelensky — son appel à replacer la justice sociale au cœur de l’Église a trouvé un écho profond.
Justice sociale et écologie
Le pontife rappelle que 28 % des 50 millions d’euros du Denier de Saint-Pierre proviennent déjà des catholiques américains, et annonce son intention de réaffecter ces fonds à des programmes d’« écologie intégrale ». Fidèle à son héritage andin, il lie sans détour crise climatique et pauvreté, dénonçant l’« exploitation simultanée de l’homme et de la planète ».
L’intelligence artificielle, « nouvelle frontière de la doctrine sociale »
Dès ses premiers jours à la tête de l’Église, Léon XIV n’a pas hésité à placer l’intelligence artificielle au rang des grandes révolutions industrielles à réguler : lors de sa première conférence de presse devant 6 000 journalistes, il a insisté sur « la responsabilité et le discernement » nécessaires pour que ces technologies servent le bien commun, reprenant le diagnostic de son prédécesseur le pape François sur la « pollution cognitive ».
Dans les bureaux du Vatican, la note interne Antiqua et Nova rappelle que, dans la tradition chrétienne, « le don de l’intelligence est un aspect essentiel de la création à l’image de Dieu » et qu’il faut encourager les progrès scientifiques à condition qu’ils respectent toujours la dignité humaine. Parallèlement, des initiatives pionnières comme Magisterium AI, entraîné sur 456 documents du patrimoine catholique, et Ephraïm, modèle linguistique façonné par l’ensemble du corpus ecclésial, visent à doter l’IA d’une « perspective véritablement catholique » pour lutter contre la désinformation et faire de la révolution numérique un levier de solidarité plutôt qu’un vecteur de fragmentation sociale.
Chantiers internes
Dès son élection, Léon XIV a voulu rompre avec le style jugé « trop solitaire » de son prédécesseur. Il annonce la création, d’ici 2026, d’un Conseil pontifical permanent ; cardinaux et laïcs réunis, pour valider collégialement les grandes décisions du Vatican, acte fort de son engagement envers la collégialité prônée par la constitution Praedicate Evangelium. Sur le plan financier, il poursuit le nettoyage initié sous François : la banque du Vatican (IOR) a déjà vu 5 000 comptes suspects fermés, et le pape veut désormais publier des rapports budgétaires plus détaillés et externaliser les audits. Objectif affiché : restaurer la confiance des fidèle, d’où les 28 % du Denier de Saint-Pierre provenant des États-Unis et dégager des moyens pour ses projets d’« écologie intégrale ». Cette feuille de route courte mais structurée vise à rendre l’Église à la fois plus collégiale, plus responsable et plus proche de ses fidèles.
Premières vagues de critiques
Pourtant, l’élection express de Léon XIV a ravivé plusieurs zones d’ombre : le réseau SNAP affirme avoir déposé, juste avant le conclave, une plainte l’accusant d’avoir manqué de transparence dans la gestion de cas d’abus à Chicago comme au Pérou; des victimes de Chiclayo soutiennent qu’aucune enquête canonique sérieuse n’a été ouverte sous son épiscopat. Ses anciens partages sur X (ex-Twitter) relayant des critiques de Hillary Clinton et la notion de « gender ideology » nourrissent aussi le doute quant à son impartialité politique et culturelle. Enfin, certains prélats du Sud global redoutent qu’un pontife originaire des États-Unis ne recentre l’agenda ecclésial sur les débats nord-atlantiques, malgré ses appels à l’inclusion des périphéries.
Pour en savoir plus concernant l’impact des Papes sur la géopolitique, cliquer ici:
https://www.csactu.fr/diplomatie-impacts-papes-geopolitiques/: Léon XIV : premier pape américain, un pontificat engagé