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Les festivals durables façonnent l’avenir de la musique live

Dans un monde en plein bouleversement écologique, l'industrie des festivals doit repenser sa manière de fonctionner si elle veut rester lucrative. Une poignée d'entre eux s'activent afin de créer la recette la plus efficace pour assurer cette durabilité

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Les foules déplacées par les gros festivals représentent une énorme partie de l'empreinte carbone de ces derniers. @Robin Lecomte
Les foules déplacées par les gros festivals représentent une énorme partie de l'empreinte carbone de ces derniers. @Robin Lecomte

Dans un monde en plein bouleversement écologique, l’industrie des festivals doit repenser sa manière de fonctionner si elle veut rester lucrative. Une poignée d’entre eux s’activent afin de créer la recette la plus efficace pour assurer cette durabilité.

Après avoir accueilli plus de 280 000 festivaliers et 180 groupes du monde entier durant quatre jours d’intensité acoustique, la 18e édition du Hellfest s’est close le 22 juin dernier.  Chaque été, cette véritable légende de l’industrie déplace les foules, comme des milliers de festivals à travers la France. Les Vieilles Charrues, Solidays, Lollapalooza, tous suivent le modèle de l’expansion et du gigantisme.

« Il y a un certain nombre de festivals durables, indépendants et associatifs, qui sont menacés par d’autres, détenus par des grands groupes, qui ne sont pas du tout sur des logiques de préservation de la planète« , accuse Fanny Adjadj-Delanoë, responsable communication du Festival de Thau. 

Si leurs considérations pour les problématiques environnementales augmentent, l’activité de ces grosses machines du divertissement ont un impact non négligeable sur les écosystèmes. « Aujourd’hui un festival ça n’a rien d’écologique« , affirme Julien Macou, chef de projet développement durable pour le Festival Terres du Son. Ambre-Charlotte Grattepanche, responsable communication du festival Les Nuits Secrètes, complète « à partir du moment où l’on crée on pollue« . Pour retrouver de l’espoir, certains festivals ont fait le choix d’adopter des modes de fonctionnement durables. Le média Vert a d’ailleurs pris le pari de tous les regrouper au sein d’une cartographie. Nous en avons contacté quelques-uns qui nous ont aiguillés sur la manière de créer un festival respectueux de l’environnement. 

S’ils abordent cette question chacun à leur manière, on retrouve dans ce type de festivals quelques mesures incontournables que même les gros commencent à adopter. L’exemple le plus évident est celui de l’optimisation des déchets. Le recyclage est devenu un automatisme avec la mise à disposition de plusieurs poubelles, permettant aux meilleurs festivals de recycler 99% de leurs déchets. Les gourdes, les écocups et la vaisselle lavable sont quant à eux devenus des stars utilisées de manière systématique. Des gestes qui sont devenus presque évident pour la majorité des organisateurs et des festivaliers. « Quand on regarde à l’intérieur de nos poubelles, le tri est bien fait et on retrouve peu de déchets dans la prairie« , assure avec optimisme Maëla Le Picard, organisatrice de l’Horizons festival. Un constat partagé par les organisateurs du Festival de Thau. Le plastique à usage unique n’a plus la part belle et s’est vu être remplacé par le carton et autres solutions innovantes (bambou, comestible, papier,…). 

L’envie d’aller plus loin

Plus rarement, des gestes pour optimiser la consommation d’énergie sont adoptés. Quand les uns choisissent de s’alimenter sur le réseau électrique général au lieu de s’appuyer sur des générateurs, d’autres comme Terres du Son font le choix fort du solaire. Si l’on oublie les odeurs, la solution des toilettes sèches commence également à émerger sur quelques évènements. Pour beaucoup de festivals provinciaux, l’aspect local va aussi revêtir une grande importance. Parfois appliqué sur la programmation avec des artistes français voire locaux, ce sont surtout les commerçants et artisans du coin qui vont être mis en avant sur des stands dédiés.

Au-delà des personnes, des produits du terroir sont proposés sur les cartes des points de restauration. Cette logique de circuit court et de local, permet à la fois un apport économique fort pour le territoire et de réduire l’empreinte carbone de la nourriture proposée sur les festivals. De plus en plus d’entre eux instaurent cette logique au sein d’une carte BIO, végétarienne, voire végane, afin de supprimer la viande, principal vecteur d’émissions carbone et de souffrance animale. 

Mais pour assumer pleinement cette étiquette de festival durable, certains événements ont pris le pli d’aller encore plus loin et d’intégrer l’écologie comme un élément à part entière de leur programmation. « On est des lieux qui permettent de faire rayonner des messages, parce qu’on réunit beaucoup de monde dans un temps précis pour partager un moment fort.« , soutient Julien Macou. C’est au travers d’animations, de tables rondes, d’expositions, de stands que le message va être passé pour sensibiliser au maximum le public. Des villages entiers sont mis en place au sein des festivals, pour faire de ces thématiques des sujets centraux et inviter chaque festivalier à questionner son mode de vie.

« Le public nous oblige à continuer ces démarches. [..] Si on revient en arrière il y aura une vive réaction de leur part« , explique Julien Macou. Une volonté de sensibilisation qui se poursuit auprès des artistes, des bénévoles et des techniciens. « ça avance de ce côté là, c’était un non-sujet il y a 15 ans, maintenant c’est une thématique qui est discutée, partagée. Certains artistes comme Shaka Ponk ou Cerronne prennent même des mesures concrètes », affirme Ambre-Charlotte Grattepanche. 

Le problème de la mobilité

Si ces gestes permettent d’orienter les organisateurs et festivaliers sur une bonne voie, le plus gros problème n’est toujours pas réglé. La cause principale de pollution de ces événements provient des festivaliers et plus précisément de leurs déplacements.

« 70% de notre impact, c’est le déplacement du public » estime Julien Macou.

Un problème difficile à régler pour les organisateurs qui ne peuvent pas maîtriser le choix de transport de leurs clients. Malgré tout, certains mettent en place des partenariats avec les localités, afin de trouver des solutions d’acheminement vers le lieu des festivités, comme des trains, des bus, des vélos ou du covoiturage. Des navettes éphémères sont même mises en place dans certaines villes, pour transporter un maximum de festivaliers. Ces mesures permettent de faciliter la logistique en limitant le nombre de véhicules sur les lieux. 

Mais sur ce point d’adaptation, les inégalités sont importantes. Difficile d’adapter ce qui se fait sur le réseau de transport en commun parisien pour des festivals comme We Love Green, à l’Occitanie profonde et son Festival de Thau. Face à cette difficulté certains évènements, comme le festival Horizons, ont décidé de limiter leur jauge pour accueillir moins de festivaliers et conserver une taille raisonnable. « En 2025, on a décidé de limiter notre jauge, […] c’est un équilibre à trouver, mais ça permet de mesurer les dépenses et de limiter les risques financiers« , affirme Maëla Le Picard. Une manière drastique mais très efficace qui permet de limiter l’impact sur le lieu de l’événement et sa biodiversité. 

Fonctionner différemment pour durer plus longtemps

Ces nouvelles logiques d’organisation paraissent simples en théorie, mais ne le sont pas vraiment sur le terrain. Si plusieurs festivals ont fait le choix de la durabilité dès leur création, ce n’est pas le cas de tout le monde. S’adapter demande souvent des investissements supplémentaires aussi bien sur le plan économique que logistique. « Aujourd’hui on refuse plus de partenariats qu’on en signe. C’est souvent les pollueurs qui ont le plus d’argent.« , déplore Julien Macou. Un choix qui peut néanmoins s’avérer payant sur le long terme, car cette image de festival durable permet de gagner en visibilité. Une visibilité qui permet d’attirer un public concerné et fidèle dont les préoccupations écologiques augmentent. Une démarche sincère pour beaucoup de festivals, qui peut également s’apparenter à du « greenwashing » pour d’autres qui se contentent des efforts minimum. 

Si la solidarité et l’inspiration entre les festivals durables et indépendants poussent l’industrie vers le haut, le chemin reste encore long. Des organismes comme le Syndicat des musiques actuelles, le Collectif des festivals bretons ou l’association Ecodev s’impliquent au quotidien dans le but de rendre chaque saison festivalière plus respectueuse que la précédente.

Pour veiller à cela, de plus en plus de festivals calculent régulièrement leur bilan carbone. Ces derniers sont accompagnés de certains pouvoirs locaux, qui, à travers leurs subventions,  encouragent l’émergence de festivals durables et laissent aux acteurs de l’industrie la possibilité de faire évoluer les mentalités à travers la musique et la culture. 

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