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Le journal pour les jeunes, par les  jeunes

Oscars 2021 : “And the Oscar goes to…”

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Alexandre Manevy

Directeur du pôle culture chez CSactu.
Le dimanche 25 avril dernier s’est tenue la traditionnelle et prestigieuse cérémonie des Oscars à Los Angeles, qui célébrait là sa 93ème édition et le cinéma de 2020. En période de crise sanitaire omniprésente, l’évènement s’est vu forcé de prendre de nouvelles dispositions dans son déroulement et sa mise en place. Le lot de surprises habituelles a également rythmé la soirée, placée sous une ambiance plus conviviale et « simple » qu’à l’accoutumée. Entre renouveau, récompenses inattendues et découvertes de grands films, la cérémonie n’aura pas manqué de faire réagir, pour s’en tirer non sans honneurs.

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Steven Soderbergh et l’apport de nouveautés 

Cette année, les Oscars ne se déroulaient pas dans l’habituel Dolby Theatre de Los Angeles, mais dans l’ancienne gare majeure Union Station réhabilitée de la ville. COVID-19 oblige, cette décision a été prise afin que nommés et équipes techniques puissent se croiser et travailler dans des conditions respectant les mesures sanitaires. Se faisant, les invités se sont faits beaucoup moins nombreux cette année, la plupart des nommé.es étant dans leurs pays d’origine. Un lieu donc totalement inédit et insolite, mais qui est loin de représenter la seule nouveauté marquante de cette 93ème édition. 

À la tête de l’équipe de production (qui s’occupe du déroulement de la soirée) de la cérémonie : Steven Soderbergh, réalisateur pour le moins atypique auteur de films cultes comme Ocean’s Eleven ou Traffic. Celui-ci étant reconnu pour expérimenter et innover au sein de ses métrages, à l’image de son film Paranoïa, filmé entièrement à l’iPhone 7, Soderbergh a mis de sa patte pour livrer une soirée haute en couleurs et en remaniement. 

Tout d’abord, exit le.la présentateur.rice inhérent.e aux cérémonies. À la place se succèderont acteurs et actrices, qui présenteront chacun le temps de quelques minutes une ou plusieurs catégories de récompenses, avant de passer le micro. La volonté derrière cette nouveauté était de profiter du cadre pittoresque pour transformer la soirée en un talk-show plus convivial et chaleureux, plus vivant et faisant intervenir de manière simple un large panel d’invités. 

Soderbergh a donc pensé sa soirée comme une assemblée d’amis filmée, assez mise en scène pour être cadrée mais laissant une grande liberté à ses intervenants. 

Cette idée de véritable talk-show s’est retrouvée également dans les discours des personnes récompensées. Habituellement, chaque oscarisé.e disposait d’une trentaine de secondes pour réciter son élocution. Pour cette 93ème édition, à l’image de la présentation, exit là aussi ce temps imparti. Chacun et chacune disposera du temps qu’il ou elle jugera nécessaire pour faire part de son discours. Soderbergh et son équipe espéraient en cela une soirée qui semblerait plus personnelle, et tel n’a pas été le cas avec Thomas Vinterberg. 

Le cinéaste, récompensé du meilleur film international pour son acclamé Drunk, s’est laissé aller à la confidence. Ayant perdu sa fille juste avant le tournage du film dans un accident de voiture, Vinterberg livre un discours magnifique et émouvant, soulignant l’importance que celle-ci aura eu : « Nous avons fini par faire ce film pour elle, comme son monument. Alors, Ida, c’est un miracle qui vient de se produire. Et tu fais partie de ce miracle. Peut-être as-tu tiré des ficelles quelque part. Je ne sais pas. Mais celui-ci est pour toi ». 

La soirée a aussi été agrémentée d’un petit jeu : un blind-test musical, qui aura fait participer nombre des invités présents dans l’ancienne gare. Un instant inédit hors du temps et de la cérémonie qui aura vu l’immense Glenn Close livrer un twerk hilarant et investi. 

Enfin, la présence accrue des plateformes représentant une nouveauté de taille pour cette saison. Netflix, Amazon et leurs consœurs du streaming sont habituellement boudées par les Oscars. Pour cause, l’un des critères requis pour qu’un film puisse être nommé est d’avoir été diffusé au minimum une semaine dans un cinéma du comté de Los Angeles, évinçant d’emblée les films présents en digital. 

Mais de par la crise sanitaire et la production et distribution de films réduite, nombreux auront été les films revendus par leurs studios à des plateformes. Tel est le cas des Sept de Chicago, réalisé par Aaron Sorkin et nommé 6 fois, ou du Mank de David Fincher, leader des nominations avec pas moins de 10 décrochées. 

Cette édition des Oscars aura donc vu une surreprésentation de Netflix avec un record de 36 nominations, dont 7 s’avèreront payantes pour la plateforme. 

Une soirée riche en émotions placée sous le signe de la diversité 

Depuis maintenant de nombreuses années, les Oscars font face à une polémique récurrente quant au manque de représentation des femmes et des minorités dans les palmarès. L’Académie a ainsi décidé de changer cette vision, la promesse de mixité et de diversité ayant été tenue pour cette 93ème édition. 

Outre de nombreuses stars représentantes des mouvements minoritaires aux États-Unis appelées pour intervenir en tant que présentatrices de la soirée (Regina King ouvrant le bal, suivie de Halle Berry, Angela Bassett et Zendaya parmi d’autres), nombreuses ont été les récompenses célébrant la diversité. 

D’abord, le meilleur second rôle masculin a été attribué à Daniel Kaluuya pour son interprétation du leader des Black Panthers, Fred Hampton, dans le film Judas and the Black Messiah (lequel repart également avec le trophée de la meilleure chanson originale). 

Également, le prix du meilleur court-métrage de fiction a été remis à la production de Netflix Two Distant Strangers. Le film s’intéresse, sous un angle fantastique à la Un Jour sans fin, aux nombreuses violences policières perpétrées sur les communautés noires de par le monde. 

Sans oublier le prix honorifique humanitaire remis à l’acteur-réalisateur Tyler Perry pour l’ensemble de ses actions. 

La soirée a également été marquée par la récompense du meilleur second rôle féminin, décerné à l’actrice sud-coréenne Youn Yuh-jung pour le film Minari. Jouant une adorable et particulière grand-mère dans ce métrage s’intéressant à la vie d’une famille immigrée sud-coréenne dans la campagne américaine, l’actrice devient alors la première de nationalité sud-coréenne à être récompensée aux Oscars. 

Du haut de ses 73 ans, Youn Yuh-jung a délivré un discours qui n’a laissé personne indifférent, empli d’humour, de tendresse et de modestie (probablement la meilleure intervention de la soirée). 

Démarrant son speech en faisant part de son admiration pour Brad Pitt (qui lui a remis la statuette), l’actrice fait ensuite rire l’assemblée en rappelant la prononciation de son nom, écorché par l’acteur juste avant. Toute souriante, celle-ci avoue ensuite « Ce soir, vous êtes tous pardonnés », traduisant sa douceur, conquérant le cœur de tous. 

Avouant ensuite qu’elle n’en revenait pas de participer à une cérémonie si prestigieuse, et encore moins de remporter un prix face à « cinq nommées (…) chacune gagnantes pour un film différent », Youn Yuh-jung remercie ensuite ses deux fils, qui l’ont « poussée à travailler ». « Voici le résutat, car votre maman a travaillé dur ». 

Terminant son passage sur scène par toujours plus d’humour et de tendresse, l’actrice a véritablement marqué de sa personnalité une cérémonie qui manquait jusque-là de rires et d’émotion. 

Outre la diversité, l’Académie a voulu également célébrer la mixité cette année. En témoigne la réalisatrice-scénariste Emerald Fennell, récompensée du meilleur scénario original pour son étrange Promising Young Woman et également nommée dans la catégorie meilleure réalisation. 

Cependant, la personnalité ayant fait fort sensation durant cette soirée a bien été la réalisatrice Chloé Zhao, sur laquelle nous reviendrons plus tard dans l’article, traduisant la volonté de mixité des Oscars.

https://images.app.goo.gl/PmyJTdqfdWKwdQ3k8

La consécration française 

Cocorico ! Nombreux sont les français qui ont décroché une statuette pour cette 93ème cérémonie des Oscars. 

Tout d’abord, Nicolas Becker a été récompensé du meilleur son pour son travail sur le film Sound of Metal, relatant l’histoire d’un batteur de heavy metal joué par Riz Ahmed qui perd soudainement l’audition. Becker avait déjà travaillé sur l’impressionnant Gravity d’Alfonso Cuarón. 

Le meilleur court-métrage documentaire a été remis à Colette, réalisé certes par l’américain Anthony Giacchino mais produit par la française Alice Doyard, présente aux côtés du cinéaste pour récupérer la tant espérée statuette. 

Mais le français lauréat des plus importantes récompenses est bien évidemment le dramaturge Florian Zeller. Celui-ci a été auréolé de l’Oscar du meilleur scénario adapté (tiré de sa propre pièce Le Père), partagé avec le scénariste Christopher Hampton. Le français voit donc son premier film The Father être auréolé de deux récompenses majeures, en plus du meilleur acteur remporté par le bouleversant Anthony Hopkins. Zeller a annoncé s’être inspiré de sa propre grand-mère dont il était très proche, diagnostiquée de démence lorsqu’il avait 15 ans, à l’image du personnage joué par Hopkins. 

(Voir aussi : The Father : le portait angoissant d’une maladie complexe). 

Le sacre de Nomadland : Chloé Zhao et Frances McDormand au sommet

Deux dernières surprises ont secoué la soirée : tout d’abord, la remise du prix du meilleur film, graal de la cérémonie sauvegardé depuis toujours à remettre en dernier, s’est vu voler la vedette par les prix du meilleur acteur et de la meilleure actrice. Une décision controversée car ôtant une partie du grandiose propre aux Oscars, qui avaient pour habitude de se terminer sur une note forte en récompensant le meilleur métrage de l’année, rassemblant toute l’équipe sur scène. 

Pour cette 93ème édition donc, la soirée s’est achevée sur le prix du meilleur acteur, remis à Anthony Hopkins pour sa performance incroyable dans The Father. Mais le comédien n’était pas présent, « coincé (…) dans une bulle sanitaire » comme le confie Florian Zeller au Parisien, terminant la cérémonie sur un moment de flottement et de vide là où le meilleur film aurait pu apporter plus de vie. Hopkins s’est d’ailleurs excusé dès le lendemain sur les réseaux sociaux, remerciant l’Académie et avoue « Je ne m’attendais vraiment pas à ça, donc merci ». 

Cette remise de la statuette du meilleur acteur représente une autre surprise de taille, l’interprète Chadwick Boseman partant grand favori dans la catégorie pour son rôle dans Le Blues de Ma Rainey. En effet, le jeune acteur décédé l’an dernier rassemblait tous les pronostics, tout le monde ayant misé sur une touche finale émotionnelle par le décernement d’un prix posthume. 

Malgré ces dernières surprises, l’immense triomphe (attendu) du somptueux Nomadland de Chloé Zhao n’a étonné personne. 

Le film (qui ne sortira que le 9 juin prochain en France) s’intéresse au parcours d’une nomade, Fern, à travers les étendues arides de l’Ouest américain, vivant dans un van à la suite de l’effondrement économique et sentimental de sa vie. Son existence se retrouvera jalonnée de rencontres et d’échanges éphémères mais toujours intenses avec d’autres individus partageant son mode de vie. 

Nomadland a donc raflé trois des plus prestigieuses statuettes remises lors de la soirée, à savoir celle de la meilleure actrice pour Frances McDormand, de la meilleure réalisation pour Chloé Zhao et du meilleur film, tout simplement. Un tel raz-de-marée étant plus qu’attendu par tous les professionnels comme les cinéphiles de par le monde. 

Au-delà de la prouesse visuelle et narratrice du film, Nomadland marque l’Histoire de bien des manières. 

Tout d’abord, Frances McDormand rejoint le cercle très fermé des actrices les plus oscarisées, aux côtés de Katharine Hepburn et Meryl Streep (qui, pour sa part, n’a gagné « que » deux Oscars de la meilleure actrice, mais également un de la meilleure actrice secondaire). L’interprète de Nomadland avait en effet déjà été récompensée pour ses rôles dans l’hilarant Fargo des frères Coen en 1997 ainsi que dans le bouleversant Three Billboards de Martin McDonagh en 2018. Consécration plus que méritée pour une actrice américaine tout aussi discrète qu’elle est chaleureuse et talentueuse. 

Mais surtout, Chloé Zhao secoue la cérémonie en décrochant la meilleure réalisation, devenant ni plus ni moins que la première femme non blanche à recevoir cette récompense, étant d’origine chinoise. Également, cela n’est que la deuxième fois qu’une femme, une réalisatrice, accède à cette très importante consécration, la première ayant été Kathryn Bigelow en 2010 pour le film Démineurs

La 93ème cérémonie des Oscars se clôture ainsi, ayant rempli sa promesse de diversité et de mixité, tout en ayant apporté de nombreuses nouveautés dans sa forme comme dans son fond. Des inédits originaux mais bienvenus durant cette période pandémique morose pour le Septième Art. Mais heureusement, le cinéma et ses intermittents continuent de vivre, comme en aura témoigné cette scintillante soirée. 

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