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Premier meeting de Valérie Pécresse: le lancement de la campagne

CSactu

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Samedi 11 Décembre 2021, Valérie Pécresse s’est présentée non plus simplement devant les sympathisants LR, comme jusqu’à présent, mais devant l’ensemble des Français. Une semaine exactement après son élection, elle a officiellement lancé sa campagne pour la présidence, et en cette occasion, prononcée son discours fondateur, posant les bases de son projet politique pour la France. Les cadres des Républicains étaient tous présents ou presque. Les « quatre mousquetaires » de la primaire, selon le mot de leur ancienne concurrente, mais également Christian Jacob, à la tête du parti, d’anciens ministres, des maires en fonctions et différents élus étaient présents. Rachida Dati, François Baroin, l’ancien ministre Brice Hortefeux ou Gérard Larcher, Président du Sénat pour ne citer qu’eux. Une grande photo de famille pour un départ en unisson autour de la cheffe fraîchement élue.

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Premier meeting de la candidate Valérie Pécresse à la Maison de la Mutualité, à Paris, samedi 11 décembre. © Matthieu Mirville/ZUMA PRESS/MAXPPP
Spectres du passé

Si l’on s’intéresse à la teneur de ce qui a été dit, les références au passé sont nombreuses. Une histoire de France brossée dans le sens de la Seconde Guerre mondiale, de De Gaulle pour changer, des maquis, et de l’ombre pesante de Pétain ou du nazisme sur Oradour-sur-Glane. Cela permet à Valérie Pécresse de s’inscrire dans une continuité, celle du prétendument « camps du bien », et tout à la fois de s’opposer au camps qui serait « mauvais », celui d’Eric Zemmour et des heures sombres qu’il porterait avec lui. Ce sont des arguments rhétoriques qui ont la particularité de ne pas être neufs. Ils sont mêmes recyclés depuis des années, puisque Emmanuel Macron avait tenu un discours à Oradour puis à un mémorial de la Shoah durant l’entre-deux-tours de 2017. Manœuvre permettant de bien faire comprendre aux Français allant voter le dimanche suivant, qui est le gentil et qui est le méchant dans ces élections, au regard de l’héritage attribué à l’autre. Au delà de cet aspect incisif, qui permet de définir les positions de chacun, l’évocation du passé permet à Valérie Pécresse de revenir sur son parcours et celui de sa famille politique. Cela donne un ancrage à sa campagne et lui donnerait du sens. Dans la continuité de De Gaulle et des résistants, Chirac et Sarkozy sont évoqués comme de bons souvenirs tirés d’un temps nostalgique, où la droite était au pouvoir. La mémoire serait-elle la tourmenteuse des jaloux ? (Victor Hugo)

Des adversaires désignés

Une campagne électorale, c’est comme une campagne militaire, il faut des adversaires. Le premier est tout trouvé, nous l’avons évoqué. Les positions de Zemmour sur Pétain et sa vision de la collaboration sont rappelés de manière bien allusive, à qui ne s’en souviendrait pas. Même à ceux qui s’en souvenaient d’ailleurs. Sont évoqués aussi les mouvements de gauches, caricaturalement, « idéologies fumeuses, déboulonneurs de statuts, petits procureurs de notre passé ». Les Verts encore sont pointés du doigt : « je suis une écologiste des résultats, pas des constats ». Mais le véritable adversaire, présenté par la candidate est le Président de la République sortant : ce sera « Emmanuel Macron ou nous ». Il n’est pourtant toujours pas candidat, mais cela semble ne faire aucun doute pour l’ensemble de la classe politique. Elle dénonce en particulier son « immobilisme ». Ce qui est incroyable, c’est que, mot pour mot, Macron-candidat se voulait en être le pourfendeur en 2017. « Un Président ne devrait jamais dire cela » a-t-elle affirmé d’un ton péremptoire. Il serait bien présomptueux de sa part, de prétendre savoir mieux que lui, ce qu’il faudrait dire, ce qu’il faudrait faire. Mais après tout, c’est le sens même des élections. Notons pourtant qu’elle ramène les élections à une question de personne, pas à une question d’idées ou de programme. Ce détail est très intéressant car cela permet d’éviter le sujet des divergences. Ainsi y a-t-il une différence si flagrante entre Macron et elle ?

Liberté, liberté où es-tu liberté ?

« Le premier des droits de l’homme c’est la liberté individuelle, la liberté de la propriété, la liberté de la pensée, la liberté du travail ». Cette phrase n’a pas été prononcé par Valérie Pécresse. Pourtant on ne saurait rêver meilleur résumé de son programme. L’auteur véritable de cette phrase ? Jean Jaurès.

Longue anaphore et grand développement fait sur la liberté. C’est la première fois depuis plusieurs années que nous n’avions entendu une telle ode au libéralisme dans la politique française, car c’est bien là le sens qui est donné à toutes ces phrases. Dans le désordre, elle développe successivement la : « liberté de travailler […], liberté de réussir sans s’excuser […], liberté pour les audacieux […], liberté dans l’entreprise ». Avec cela sont évoquées les questions de la taxation des héritages, des retraites à 65 ans ou encore le temps de travail. C’est une égérie du libéralisme économique. Elle l’inscrit d’ailleurs dans une vision plus large par une formule particulièrement évocatrice et intéressante : « [nous sommes] dans une société qui préfère l’ombre pour tout le monde, plutôt que la lumière pour ceux et celles qui osent ». Donc selon elle et grâce à son projet, les plus méritants peuvent réussir sur un fond de XVIIIe siècle, théorisant les « Lumières », plutôt que l’échec pour tout le monde dans un climat « d’obscurantisme », d’Ancien Régime (ou adversaire politique de votre choix). C’est donc une réaffirmation on ne peut plus claire de l’adhésion au libéralisme socio-économique.

Une main de fer dans un gant de velours

Valérie Pécresse ne ménage pas les démonstrations de force en vue de la présidence. Elle veut convaincre qu’elle a les épaules d’Atlas pour supporter la charge de la présidence, et la force de caractère justifiant son arrivée au pouvoir. La formule la plus marquante et la plus reprise est parlante : « Femme de paix je le suis viscéralement, mais je serai cheffe de guerre à chaque fois que la France sera menacée ». Elle insiste énormément sur la grandeur de la France et la fierté d’y appartenir. Elle se veut alors intransigeante sur des sujets comme « l’immigration », « l’islamisme », la place de la France dans le monde, son rayonnement, etc. Nous nous demandons alors quel crédit accorder à ses paroles. Tente t-elle de convaincre l’aile droite de LR incarnée par Ciotti ? En voulant se montrer ferme, inflexible, dans un état aux pouvoirs régaliens puissants, elle rappelle sa fibre gaulliste.

Une main de verre sans gant du tout ?

En filigrane, ce meeting montre la grande fragilité de la position de Valérie Pécresse. Fragile déjà auprès des électeurs. Ils sont écartelés entre Macron et elle, et entre elle et Zemmour (ou Le Pen). Les soutiens au sein du parti sont d’ailleurs très limités, attendus et pourtant peu fiables. Regardons le temps qu’elle consacre à ses collègues de la primaire, aux différents cadres du parti dans son discours. Elle énumère leurs noms, leurs postes, leurs actes. Peut-elle vraiment compter sur eux ? C’est loin d’être sûr. Un personnage comme Eric Ciotti, qui représente presque la moitié des électeurs LR, quelle place espère-t-il au gouvernement de la candidate ? Se retrouve t-il dans ce qu’elle défend ? Il y a un travers au sein de LR qui ne peut qu’inquiéter la candidate. Les partisans sont réunis en fan-club, c’est à dire que chaque candidat a son lot de soutiens, son noyau dur de militants.

L’objectif pour Pécresse est donc de rassembler le plus largement possible. Au sein du parti comme à l’extérieur. Des modérés à la droite la plus large. Mais la posture de libéral intransigeant, a un précédent, Emmanuel Macron. Elle arrive en deuxième, et avec un boulet chevillé au pied qui est le passé de son parti. Elle ne peut pas mobiliser la jeunesse qui a suivi Macron à cause de la nature des partisans de LR. Son meeting en est la preuve, elle a tenu son discours dans une salle vieillissante, peu de jeunes dans une salle peu remplie. Ne tentons même pas de comparer ce meeting à d’autres de ces dernières semaines. Entre le nombre et la ferveur, Villepinte par exemple, était d’une toute autre ampleur. En perspective de cette division en trois blocs à droite plus LREM, Valérie Pécresse semble assez mal partie. Elle est la plus mal placée au vu des différents facteurs que l’on a pu voir pour réunir les voix. Ainsi, une affirmation telle que « je suis Gaulliste, libérale et sociale » est un aveux de faiblesse aussi criant que démagogique. Vouloir faire converger des idées vagues et potentiellement contradictoires. Elle ne s’engage pas à grand-chose dans les faits tandis que chacun de ces trois mots peuvent réconforter une partie de son électorat, et éventuellement une partie de celui des autres. Pour autant, on imagine tout à fait Emmanuel Macron prononcer la même phrase. Ce sont les deux faces d’une même pièce.

Comble du sort, ou du hasard selon les affinités, le premier discours du parti En Marche, le 12 juillet 2016, s’est tenu dans la même salle que celui de samedi dernier, à la Maison de la Mutualité. Ont-ils encore des différences ?

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