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Le journal pour les jeunes, par les  jeunes

Rémi Cardon : « Pour faire basculer la société, il ne faut pas rester devant sa télévision mais aller sur le terrain ! »

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Elu sénateur SER de la Somme à 26 ans, faisant de lui le plus jeune sénateur de la Vème République, Rémi Cardon revient pour CSactu sur son parcours, ses combats politiques et sur l’abstention des jeunes. Une interview d’un jeune sénateur à destination des jeunes !

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Rémi Cardon
Vous êtes depuis le 27 septembre 2020 le plus jeune sénateur de France, après avoir été élu suite à la victoire de la liste d’union de la gauche dans la Somme. Pourquoi avoir souhaité devenir sénateur ?

Rémi Cardon. Avant d’être sénateur, je travaillais dans le privé en tant que chef de projet auprès de collectivités territoriales pour les accompagner dans leur transition numérique. Après un fort engagement politique dès le lycée, dans les instances lycéennes, j’ai été élu conseiller municipal de la ville de Camon, près d’Amiens, à l’âge de 19ans, puis au CESER Hauts de France. J’ai progressivement évolué, en devenant le premier fédéral du Parti socialiste de la Somme en 2018, puis je me suis dit que j’allais me lancer dans l’aventure des élections sénatoriales, qui ont porté leurs fruits. Cela a demandé une véritable campagne de terrain , avec plus d’une centaine de rendez-vous en mairie avec les maires et dix mille kilomètres de parcourus dans le département.

Sachant que la moyenne d’âge des sénateurs est de 61 ans, comment vivez-vous le fait d’être le plus jeune sénateur de France dans l’histoire de la Vème République ? 

R.C. Pour vous rassurer, je le vis bien ! Mes collègues et camarades sont bienveillants et tandis que mon âge permet d’apporter une vision nouvelle de la société, un élan de fraicheur, eux m’apportent un certain historique et de nombreuses idées. Nos échanges sont bons et fluides, il y a un véritable esprit de camaraderie. Toutefois, le plus important n’est pas tant l’âge que la volonté politique et je me suis avant tout engagé pour défendre mes idées, construire des propositions de lois, auditionner des personnalités importantes sur des projets de lois.

Pour revenir sur votre engagement politique et associatif, pourquoi avoir rejoint le Mouvement des Jeunes socialistes dès vos 15 ans , puis des associations d’éducation populaire ? 

R.C. Je viens d’une famille socialiste et, même si j’ai eu une grande liberté dans le choix de mon positionnement politique, le fait de me rendre très jeune à des manifestations, sur les épaules de mon père, ou de participer à des collages et des tractages m’a influencé dans mon envie de militer. J’admirais également l’historique du Parti socialiste, pour avoir permis de nombreux acquis sociaux, pour les personnalités reconnues qui en furent issues, et pour les valeurs qu’il porte. Je me suis également construit dans l’éducation populaire, qu’il s’agisse de la fédération Léo Lagrange (NDLR : association d’éducation populaire fondée en 1950 par Pierre Mauroy), du CRAJEP (NDLR : Comité Régional des Associations de Jeunesse et d’Education Populaire, investi dans la mise en œuvre de politiques publiques éducatives) ou encore des CEMEA (NDLR: Centres d’entrainement aux Méthodes d’Education Active). Par ailleurs, je préfère m’investir dans un parti où réside une envie de gouverner, afin de transposer les paroles en actes. Ainsi, j’ai voulu faire le choix d’un parti permettant de construire un projet et de changer le quotidien des gens, comme l’en atteste son historique.

Quels sont les combats politiques pour lesquels vous souhaitez vous investir ? 

R.C. Il y en a plusieurs. Tout d’abord, cela me fait mal au cœur de voir le #générationsacrifiée. Durant la crise, on retrouve une génération se sentant délaissée par la République. Si le gouvernement a mis en place la plateforme « Un jeune, une solution », dans les faits, beaucoup d’entre eux sont laissés de côté, avec un million de jeunes sans formation ni emploi. Dès lors, pourquoi les 18-25 ans, disposant de la majorité légale, n’ont-ils pas la majorité sociale, alors que le reste de la population, qu’il s’agisse des 25-65 ans et des retraités, a droit au revenu de solidarité active puis au minimum vieillesse ? De plus, la « garantie jeunes universelle » du gouvernement ne s’adresse qu’à 200 000 jeunes, alors que plus d’un million de jeunes sont en difficulté. Je m’investis également dans la lutte contre la fracture numérique, l’ayant fréquentée professionnellement en construisant des sites internet, des intranets et d’autres espaces numérisés avec des collectivités. Dans la Somme, un département plutôt rural, le développement de la fibre prend du retard alors que dès la date de mai 2022, l’intégralité des démarches administratives sera dématérialisée. Dès à présent, il est donc nécessaire de s’engager dans nos territoires pour accompagner les citoyens dans l’accès au numérique et éviter que certains d’entre eux ne soient isolés. Dans une société se digitalisant de plus en plus, il convient aussi de travailler sur la cybersécurité : en effet, les coûts de dommages liés à la cybersécurité atteignent près de 6 000 milliards de dollars, de réels dangers sont à combattre. Enfin, il faut veiller à la défense des services publics de proximité, qui est la meilleure réponse pour lutter contre l’isolement, les déserts médicaux et pour veiller à la protection des individus par l’Etat. Dans la Somme, ce phénomène est flagrant, on remarque davantage la disparition de services publics que leur apparition. Par ailleurs, le département se doit de s’engager dans la lutte contre le dérèglement climatique, notamment à cause de l’utilisation de canons à grêle (NDLR: canons visant à programmer un dérèglement climatique pour empêcher l’apparition de nuages, de pluie et de grêle afin de protéger les productions agricoles). 

Vous qui êtes investi dans la lutte contre la précarité étudiante, comment parvenir à apporter les réponses nécessaires à cette urgence ? 

R.C. J’ai défendu une proposition de loi le 20 janvier dernier pour répondre à une urgence. Aujourd’hui, en regardant les fichiers de banques alimentaires, on remarque un rajeunissement de l’âge des personnes y ayant recours. Il n’est pas normal qu’en 2021, un jeune s’interroge sur la manière dont il va pouvoir se nourrir dans la journée, sous peine de quoi il ne pourra jamais se demander comment s’insérer professionnellement. L’extension du RSA serait une réponse d’urgence et simple à mettre en œuvre dans les territoires, étant donné qu’il existe déjà pour les 25-65 ans. Pour trouver des moyens de le financer, il y aurait plusieurs possibilités, comme le rétablissement de l’impôt sur la fortune par exemple. Face à la crise, un plan de relance doit, selon moi, être équilibré : si l’on permet de relancer l’offre aux entreprises, il ne faut pas oublier de relancer également la demande, auprès des consommateurs. Par ailleurs, entre 18 et 25 ans, les jeunes vivent des années importantes. Si on les laisse sans solution, ils risquent de tomber dans la pauvreté et d’accumuler les difficultés.

Que répondez vous à ceux affirmant que l’instauration d’un minimum jeunesse relèverait de l’assistanat ? 

R.C. L’assistanat est un argument très employé par la droite lorsqu’il s’agit de parler du RSA. Or, si l’on ne fait rien pour les jeunes, les coûts risquent d’être considérables sur le long terme. Le besoin du RSA peut pousser certains jeunes à effectuer des choix lourds de conséquences, comme en décidant d’avoir un enfant par exemple (NDLR: entre 18 et 24 ans, un jeune est éligible au RSA s’il a un enfant à charge, indépendamment de toute activité professionnelle). Je proposais de mettre un revenu d’urgence pour les jeunes, par le biais du RSA, pour les réorienter par la suite selon leurs besoins, de manière à les accompagner et à les insérer dans la vie active. Selon moi, il n’y a pas assez de missions locales dans les territoires, alors qu’elles sont pourtant la condition nécessaire pour percevoir la garantie jeunes. Il faut donc créer des droits nouveaux pour les jeunes et mieux les orienter. Mon objectif n’est pas de tendre vers de l’assistanat mais de réconcilier les jeunes avec la République et leur proposer un véritable suivi pour les former et les insérer.

Au Sénat ce 20 mai, Sarah el Haïry, secrétaire d’Etat chargée de la Jeunesse et de l’engagement, a indiqué que la majorité gouvernementale ne travaillerait pas sur la proposition de l’instauration d’un minimum jeunesse ou d’un revenu d’urgence pour les jeunes, préférant privilégier l’accès des jeunes à l’emploi. Comment comprenez-vous cette position ? 

R.C. Je ne comprends pas les propos de Madame la Secrétaire d’Etat lorsqu’aujourd’hui, près de 30% des jeunes de 18 à 35 ans se trouvent en situation de chômage. Effectivement, si la préoccupation d’un jeune est de s’insérer professionnellement, avant d’y parvenir, il peut rencontrer plusieurs difficultés, comme la question de se nourrir ou d’avoir les moyens de se déplacer. Dans la Somme par exemple, toutes les villes ne sont pas desservies par le train : si on n’a pas de permis, on n’a pas d’emploi ! Avant tout, le gouvernement doit donc répondre à la question des besoins primaires des jeunes et leur donner des moyens avant que ceux-ci ne puissent trouver un emploi. Tous n’ont pas la possibilité d’avoir des parents pouvant les aider financièrement, ni même de disposer de la garantie jeunes et d’une mission locale. 

Au premier tour des régionales, près de neuf jeunes sur dix ne sont pas allés voter. Selon vous, que faudrait-il envisager pour les ramener aux urnes ?

R.C. Cela doit passer par des mesures concrètes et simples, en accordant aux jeunes des droits nouveaux dès 18 ans, pour qu’ils voient que la République les protège et les accompagne dans leur cursus. Il faut investir dans cette jeunesse, un investissement d’autant plus rentable qu’à l’avenir, ces jeunes pourront s’insérer professionnellement, payer des impôts et faire vivre la société. Il vaut donc mieux tirer le problème à la racine dès le plus jeune âge plutôt que d’attendre la catastrophe. Sur tous les jeunes abstentionnistes de ces dernières élections, je reste persuadé qu’une grande partie d’entre eux n’est ni en formation ni en emploi. Les politiques jeunesses, tout comme la plateforme « un jeune une solution » ne sont pas à la hauteur de la situation. Comme il n’y a pas de projet faisant vibrer les jeunes, je peux me mettre à leur place, en me demandant la raison pour laquelle je devrais aller voter alors que la République ne s’occupe pas de moi. Il faut donc miser sur l’offre politique qu’on leur propose pour les ramener aux urnes.

Que souhaiteriez-vous dire aux jeunes pour leur redonner de l’espoir ? 

R.C. La solution n’est pas d’attendre que les choses se passent mais d’aller voter, de s’engager, que ce soit dans des partis politiques ou des associations, de manière à les faire changer. Il ne faut pas rester devant sa télévision mais aller sur le terrain au quotidien pour faire basculer la société en notre faveur pour des droits nouveaux. Cela commence dès maintenant, surtout que les présidentielles arrivent bientôt ! Les jeunes vont construire la société de demain et ont intérêt à s’emparer de tous les sujets les concernant. 

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