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Cohabitation intergénérationnelle : vivre ensemble autrement

Alors que la solitude touche toutes les générations, des initiatives concrètes redonnent souffle au lien humain. La cohabitation intergénérationnelle se distingue par sa capacité à créer des liens entre jeunes et seniors autour du quotidien, de moments partagés et de véritables complicités. Bien plus qu'un simple toit, elle favorise les échanges profonds, les découvertes culturelles et la présence réconfortante de l'autre, offrant une réponse humaine et durable à l'isolement. Voici le récit de celles et ceux qui ont ouvert la porte de leur logement… et surtout celle de leur cœur !

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Concept de dessin animé sur les soins aux personnes âgées avec des femmes prenant le thé à l’intérieur / Source : Freepik

Le phénomène de la solitude en France

En France, la solitude touche toutes les générations, mais elle est particulièrement marquée chez les seniors et les jeunes adultes. D’après le 10ᵉ Baromètre des Petits Frères des Pauvres (2025), 750 000 personnes de plus de 60 ans vivent en isolement extrême, soit une hausse de 42 % en quatre ans. Près de 2 millions de seniors sont éloignés de leurs proches et 3,6 millions restent exclus du numérique, aggravant leur isolement social et culturel. Les jeunes adultes ne sont pas épargnés. L’étude Le temps des solitudes (Fondation de France, 2025) révèle que plus d’un tiers des 25‑39 ans se sentent particulièrement seuls, un chiffre deux fois supérieur à celui des 60‑69 ans. Chez les étudiants, la solitude est également prononcée: 41 % déclarent un sentiment de solitude supérieur à la moyenne, contre 19 % de la population générale, selon le baromètre COP1 x IFOP 2024.

Ces chiffres révèlent une fracture sociale et générationnelle profonde. La solitude n’est pas seulement un état passager, mais s’apparente à un véritable enjeu de santé publique et de bien‑être.

La cohabitation intergénérationnelle : une réponse concrète et humaine

Dans ce contexte, recréer du lien humain et offrir des occasions de partage devient vital. L’association Générations et Cultures, née en 1981 dans les Hauts-de-France, en a fait le cœur de son engagement. Elle propose des dispositifs de cohabitation intergénérationnelle. Cela offre à un jeune la possibilité d’être logé chez un senior moyennant un loyer modéré, avec des moments de vie partagés, ou d’intégrer des résidences collectives de type Ehpad. Loin de se résumer à un toit, cette démarche se transforme en espace de partage et d’enrichissement mutuel. La solitude s’efface ainsi au contact de l’autre.

« Nous faisons en sorte de créer un binôme construit sur des valeurs d’ouverture, de confiance, de respect mutuel et de bienveillance ».

Margaux Krebs, chargée de mission région au sein de l’association

Chaque cohabitation est, en effet, soigneusement encadrée, depuis l’inscription et l’entretien jusqu’au suivi régulier. L’objectif est de garantir une expérience harmonieuse et sécurisée.

Les motivations des deux générations se rejoignent. Les seniors, souvent des femmes autour de 72 ans, cherchent avant tout de la compagnie et un sentiment de sécurité. Ce besoin contribue également à rassurer leur famille. Les jeunes, eux, recherchent un logement abordable et un environnement humain, où se sentir soutenus et accueillis. Parce que leurs besoins se répondent, la cohabitation devient un espace où des relations profondes peuvent se développer.

« Beaucoup recherchent simplement une présence, pas forcément devoir tout partager ensemble »

Margaux Krebs

Pour les jeunes étrangers notamment, vivre avec une personne âgée devient un véritable point d’ancrage. Ils ont ainsi l’opportunité de découvrir un pays en toute sécurité. « Être avec une personne âgée permet de découvrir le territoire sans être seuls », ajoute-t-elle.

Les histoires racontées par ceux qui ont expérimenté la cohabitation illustrent à quel point cette démarche est humaine et enrichissante. Michel, 74 ans, se souvient avec émotion des six mois partagés avec Nasser, 26 ans, accueilli chez lui durant son service civique.

« Les six mois de cohabitation avec Nasser resteront gravés en moi, tant les moments passés ensemble ont été riches et enthousiasmants. Nos différences de génération et de culture représentaient une source de découvertes et d’enrichissement personnel pour Nasser et moi », confie-t-il. Au fil des semaines, une véritable affection s’est installée . Nasser l’appelait son « papa de France » et l’a même invité à rencontrer sa famille au Cameroun, preuve que leur relation a dépassé le cadre du logement.

Photo de Michel et Nasser / Source: Association Générations et Cultures

Samira, 31 ans, a passé une année entière chez Martine, 63 ans, et garde de cette période un souvenir profondément positif.

« Ce n’était pas seulement une cohabitation. Sa maison était un environnement chaleureux où je me suis très vite sentie à l’aise. Cette année passée avec elle a été enrichissante ».

Pour Samira, cette présence bienveillante a été un soutien précieux. Elle l’a aidée à rompre avec la solitude et retrouver un cercle social lors d’un moment vulnérable de sa vie.

Danièle, 73 ans, vit quant à elle avec Maëlys, 18 ans, étudiante à Arras. Elle décrit une expérience tout aussi lumineuse . Ici encore, la cohabitation dépasse largement le cadre matériel : elle devient souffle, présence, et source de joie partagée.

« Avec Maëlys, son entrain, son sourire et sa gentille écoute, ce sont le soleil et la vie qui sont entrés dans la maison, doublés du sentiment d’être utile. Les liens tissés avec sa famille donnent un repère précieux. Cela n’a pas de prix. »

Des rencontres qui transforment et recréent du lien social

Ces témoignages montrent que la cohabitation intergénérationnelle agit sur plusieurs niveaux. Sur le plan social et humain, elle permet aux seniors de retrouver des liens affectifs et amicaux, tandis que les jeunes gagnent stabilité et repères dans leur quotidien. Sur le plan culturel et éducatif, elle devient un laboratoire d’échanges et de découvertes. « Certains seniors ne pouvant plus voyager, voient dans leur jeune compagnon l’occasion de ‘voyager’ à travers ses échanges, ses repas, sa culture et sa langue », confie Margaux Krebs. Les jeunes, quant à eux, apprennent à mieux comprendre l’expérience des seniors et à saisir les nuances d’une autre génération. Ces interactions prennent vie au quotidien à travers des repas partagés, des sorties, des activités culturelles ou même la simple conversation.

L’impact émotionnel est tout aussi fort. La cohabitation offre un sentiment d’utilité et de contribution aux seniors, tout en apportant aux jeunes un cadre sécurisant et chaleureux. « Pour beaucoup de personnes âgées, ça leur fait du bien de se sentir utile, de se sentir encore capables d’aider quelqu’un », raconte Margaux Krebs. La cohabitation déconstruit également les clichés . Les seniors réalisent que les jeunes peuvent être responsables et engagés. Les jeunes, eux, découvrent que les seniors peuvent rester actifs, dynamiques et passionnés.

Selon la chargée de mission région, certaines cohabitations dépassent largement le cadre temporaire et deviennent des relations durables. Elle raconte ainsi qu’à Valenciennes, un senior de 85 ans héberge quelqu’un depuis neuf ans. Ils partagent activités, sorties et moments de convivialité. Ces liens peuvent ainsi perdurer bien au-delà de la simple cohabitation initiale. Elle évoque également le parcours d’une jeune Algérienne venue étudier en France. Sa présence auprès d’une senior passionnée par le bénévolat et la protection des animaux a permis de créer des riches échanges autour de cette passion commune. « Elles vont souvent le samedi ensemble faire du bénévolat », précise Margaux Krebs.

Ces habitudes et moments répétés témoignent d’un lien stable et vivant qui s’inscrit dans la durée. Cette cohabitation intergénérationnelle vient alors instaurer un véritable réseau social. La solidarité, les échanges et la découverte mutuelle viennent enrichir la vie quotidienne et remplacer la solitude. Les anecdotes abondent : repas partagés, sorties culturelles, bénévolat commun, échanges sur la famille ou les voyages… Chaque interaction tisse un fil invisible mais solide entre les générations, redonnant sens au quotidien et aux relations humaines.

Face à l’isolement, ce type de cohabitation se révèle un remède concret et profondément humain. Vivre ensemble ne se limite pas à partager un logement . C’est aussi partager du temps, de l’attention, de l’affection et des expériences, tissant un réseau de solidarité où chaque génération trouve richesse et inspiration dans l’autre. Comme le résume un membre de l’association :

« La cohabitation intergénérationnelle, c’est bien plus qu’un toit : c’est un partage de vie, de culture et d’humanité. »

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