Taylor Swift est une des rares chanteuses à détenir l’ensemble des droits portant sur l’intégralité de son catalogue musical. Une véritable victoire pour l’artiste qui s’est battue six ans et a dû débourser plusieurs millions de dollars pour accéder à cette indépendance totale. C’est aussi un coup de tonnerre dans une industrie musicale souvent critiquée pour exploiter les artistes qui la font pourtant exister.
Six ans, c’est la durée d’une longue bataille menée par Taylor Swift. La chanteuse américaine voulait racheter les droits de ses six premiers albums. Cela lui permet d’être détentrice de l’intégralité de son œuvre musicale. Ce souhait est devenu réalité le 30 mai dernier lorsqu’elle a annoncé à ses fans, sur son site Internet, être (enfin) parvenue à son but. Concrètement, cela signifie qu’elle détient les droits sur l’ensemble des morceaux qu’elle a composés et interprétés. Mais également sur les vidéoclips, les pochettes des albums ou encore les films tournés lors de ses concerts. Comme le dit si bien la chanteuse « Toute la musique que j’ai faite m’appartient désormais. »
La source du conflit : le contrat qui liait Taylor Swift au label Big machine Records.
On pourrait croire que cette situation est totalement normale : Taylor Swift a écrit ces chansons, elle les a interprétées aussi. C’est aussi son image qui est apposée sur les pochettes de ces albums et c’est elle qui apparait sur les clips. En réalité, ce n’est pas si simple. Revenons quelques années en arrière. La jeune Taylor, alors âgée de 14 ans, signe chez le label Big Machine Records en 2005.
En collaboration avec cette maison de disques, elle sort ses six premiers albums. Dans le contrat qu’elle a signé en 2005, il est clairement stipulé que les droits portant sur les enregistrements originaux (appelés masters), ainsi que leur exploitation, reviennent au label. C’est une clause très courante dans les contrats liants artistes et maisons de disques. Ainsi, seul Big Machine Records se voit reconnaître le droit d’accorder (ou non) des licences pour que la musique de Taylor Swift soit utilisée dans des films ou des publicités par exemple. Autrement dit, cette maison de disques perçoit l’argent versé par les licenciés qui souhaitent exploiter le catalogue musical de Taylor Swift. La chanteuse n’en touche qu’une partie, versée sous forme de royalties.
En 2019, l’artiste est « dépossédée » de son propre catalogue musical
En 2018, la chanteuse décide de quitter ce label. Un an plus tard, le PDG de Big Machine Records revend le catalogue musical de l’artiste. Cette dernière souhaitait vivement acquérir les droits sur ses six premiers albums. Seulement, c’est Scooter Braun, qui était notamment le manager de Justin Bieber ou encore d’Ariana Grande, qui remporte la mise. Taylor Swift se sent alors complètement dépossédée de sa propre musique. D’autant que Scooter Braun a fait l’objet de nombreuses controverses ces derniers temps et qu’elle est en froid avec lui. À l’époque, sur Tumblr, elle écrit
« Aujourd’hui, Scooter m’a dépouillé de l’œuvre de ma vie, que je n’ai pas eu la possibilité d’acheter. En fait, mon héritage musical est sur le point de reposer entre les mains de quelqu’un qui a essayé de le démanteler. »
Taylor’s version ou la revanche de Taylor Swift
Mais Taylor Swift n’est pas du genre à se laisser impressionner. En effet, avec l’aide de ses avocats, elle comprend quelque chose de primordial. Certes, elle ne détient plus les droits sur les enregistrements originaux des morceaux de ses six premiers albums. En revanche, elle reste titulaire des droits d’auteur sur ses chansons. Autrement dit, elle détient encore les droits sur les paroles, les mélodies de ses titres, ce qui lui permet de les réenregistrer comme elle le souhaite. Elle peut ensuite librement décider comment ces morceaux réinterprétés seront exploités. C’est donc ce qu’elle décide de faire, un travail titanesque. Entre 2021 et 2023, la chanteuse réenregistre donc les albums Fearless, Red, Speak Now et enfin 1989. Ces réenregistrements d’album sont rapidement appelés Taylor’s version par les auditeurs de l’artiste. Ils sont pour la plupart choqués qu’elle n’ait pas pu acquérir les droits sur sa propre musique en 2019.
Le succès des Taylor’s version
La grande majorité d’entre eux décident donc de délaisser les versions originales pour écouter les albums réinterprétés par Taylor Swift. Cette opération est un véritable succès puisque les écoutes en ligne de Fearless (Taylor’s Version) et Red (Taylor’s Version) ont largement dépassé les versions originales. Seulement, la chanteuse n’a pas eu le temps de réenregistrer les deux albums Taylor Swift et Reputation car elle a également sorti de nouveaux projets avec Republic Records, sa maison de disques actuelle. Elle s’est aussi produite sur le Eras Tour, une des tournées les plus rentables de tous les temps puisqu’elle a engrangé plus de deux milliards de bénéfice.
Racheter son propre catalogue en payant plusieurs millions de dollars
Grâce à cela, Taylor Swift est devenu une des premières artistes millionnaires. C’est avec cet argent qu’elle a pu racheter les droits portant sur ses six premiers albums. En effet, Scooter Braun les avait cédés au fonds d’investissement Shamrock Capital. Ce dernier a accepté de revendre les droits à la chanteuse. On ne connait pas exactement la somme qu’a dû dépenser Taylor Swift pour racheter les droits sur ses six premiers albums (Billboard a cependant estimé qu’environ 360 millions de dollars ont été versés).
Le coût, aussi élevé soit-il, était le prix à payer pour accéder à une indépendance totale. Désormais, Taylor Swift détient l’entièreté des droits sur l’ensemble de sa carrière musicale. Elle est donc libre d’exploiter sa musique comme elle le souhaite. Seules Rihanna et Dua Lipa ont réussi cet exploit avant elle. En effet, racheter son propre catalogue musical requiert d’importants moyens financiers et c’est pourquoi la plupart des artistes vendent leurs droits aux labels et ne cherchent jamais à les racheter. Certains, comme Paul McCartney, ont pu essayer de racheter leur catalogue musical, mais n’y sont pas parvenus.
Les streams des albums Taylor Swift et Reputation ont explosé
C’est carrément une opération gagnante pour la chanteuse américaine puisque, suite à ce rachat, les écoutes de ses albums ont explosé. Par exemple, selon le journal The Hollywood Reporter, les albums Taylor Swift et Reputation, les seuls qui n’avaient pas été réenregistrés, ont respectivement augmenté de 220 % à 175%.
Une victoire personnelle, politique et un espoir pour les autres artistes
Une victoire personnelle qui pourrait inspirer d’autres artistes à s’émanciper d’une industrie musicale critiquée. En effet, nombreux sont ceux qui déplorent que les artistes ne touchent qu’une infime partie des revenus générés par leur musique. Taylor Swift elle-même s’était emparée du problème puisqu’en 2014, elle avait choisi de retirer l’intégralité de ses morceaux de la plateforme Spotify. Une façon pour elle de critiquer la faible rémunération versée aux artistes par les plateformes d’écoutes en ligne. En 2018, Taylor Swift donnait également un très bon conseil aux futurs artistes « j’espère que les jeunes artistes ou les enfants qui ont des rêves musicaux liront ceci et apprendront comment mieux se protéger lors d’une négociation. Vous méritez de posséder l’art que vous créez. » On espère donc qu’à l’avenir, de plus en plus d’artistes s’imposeront dans une industrie musicale qui a encore trop souvent tendance à les asservir.