La plus haute juridiction polonaise s’est donc exprimée contre la suprématie du droit européen. Cela marque de manière importante un nouveau conflit interne pour l’Union Européenne. En effet, cette déclaration est une vraie violation des traités européens signés depuis de nombreuses années. Les Polonais, dont plus de 80% soutiennent leur appartenance à l’Union Européenne, se sont montrés inquiets devant cette décision de leurs instances, à tel point que des manifestations européistes ont eu lieu un peu partout dans le pays.
Cette déclaration a été accueillie très froidement par les autres Etats membres et Bruxelles. Ainsi, Clément Beaune, secrétaire d’Etat aux affaires européennes, déclarait que, « quand vous signez un contrat et que vous dites ‘ma propre règle vaut plus que ce que j’ai signé avec vous, il n’y a plus de contrat.’ C’est très grave parce que c’est le risque d’une sortie de la Pologne ». L’Union Européenne, à travers David Sassoli, le Président du Parlement Européen, s’est également exprimé en rappelant que « la primauté du droit européen ne peut être remise en cause, car c’est s’attaquer à l’un des principes fondateurs de notre Union ».
Cependant, cette annonce n’est pas le premier signe d’une tension grandissante entre les institutions polonaises et l’Union Européenne. Ainsi, une loi entrée en vigueur en mai 2020 permet de sanctionner les juges qui remettent en question les réformes de la justice nationale. Cette loi a été jugée comme contraire au respect de l’Etat de droit de l’Union Européenne. À la suite de cette loi, la Cour de Justice de l’Union Européenne a été saisie en mars 2021.
Une sanction financière a notamment été évoquée par l’Union Européenne contre la Pologne. L’Union Européenne n’a pas encore validé les 23 milliards d’euros de subventions et les 34 milliards de prêts bon marché prévus pour le pays, qui doivent leur être versés dans le cadre du gigantesque plan de relance post-Covid.
Cependant, cette décision n’est pas une première dans l’histoire de l’Union Européenne et de ses Etats membres. Ainsi, Florence Chaltiel-Terral, professeure de droit public et spécialiste de l’Union Européenne, rappelle qu’« il y a eu plusieurs jurisprudences de Conseils constitutionnels, en France, en Allemagne, voire en Italie, qui disaient que la Constitution nationale votée par le peuple primait sur les traités de l’Union Européenne ».
Le Premier Ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a voulu calmer les tensions, en assurant que « Varsovie restera dans la famille européenne ». Cependant, tant que le gouvernement polonais ne reviendra pas sur cette loi concernant les juges, la question du maintien de la Pologne au sein de l’Union Européenne reste entière.