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2025 : l’odyssée d’Eutelsat, des abysses aux hautes sphères.

C’est une courbe qui raconte bien plus qu’un simple cours de Bourse. Depuis un an, l’action Eutelsat évolue comme un sismographe de l’angoisse technologique européenne. D’abord négligée, ensuite encensée, puis lynchée, enfin sauvée — provisoirement. Derrière les variations saccadées d’un graphique haussier, c’est tout un continent qui tente de se repositionner dans la bataille pour l’espace.

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Le logo d'Eutelsat s'affiche sur un smartphone, avec le drapeau français en arrière-plan. (Illustration photo : Avishek Das/SOPA Images/LightRocket via Getty Images)
INDIA - 2025/03/24: In this photo illustration, an eutelsat logo is seen displayed on a smartphone with the flag of France in the background. (Photo Illustration by Avishek Das/SOPA Images/LightRocket via Getty Images)

D’un opérateur en sommeil à l’ambition satellitaire européenne

Fondée en 1977, Eutelsat fut longtemps l’un des piliers tranquilles des télécommunications par satellite en Europe. Mais l’essor de l’internet terrestre, l’irruption de nouveaux acteurs privés et le déclin progressif des usages géostationnaires l’ont laissée à l’arrière-garde. Jusqu’au tournant OneWeb. En 2023, Eutelsat fusionne avec la constellation britannique en reconstruction, rêvant d’un « Airbus de l’orbite basse ». Une réponse continentale à Starlink, qui inonde déjà les cieux de ses milliers de satellites. Mais la greffe est lente, la rentabilité incertaine. Et la patience des marchés limitée !

Avril : l’explosion verticale

Puis survient l’inattendu. En avril 2025, dans un climat de méfiance extrême, l’action explose. De 1 € à plus de 11 € en quelques séances : une envolée de plus de 1000 %. Certains crient à la manipulation, d’autres à la spéculation débridée. En coulisse, on évoque des rumeurs de commandes étatiques, des signaux faibles venus de l’Agence spatiale européenne, ou des mouvements tactiques de fonds souverains. Rien ne filtre. Mais l’impact est net : Eutelsat revient dans la lumière, quitte à éblouir.

Juin : l’État reprend le contrôle du récit

Il faut ensuite attendre le mois de juin pour que le scénario s’écrive clairement. Le 19, un contrat-cadre avec l’armée française relance la dynamique : +14 % en séance. Le 20, c’est l’État lui-même qui entre dans l’actionnariat, via un apport de 717 millions d’euros, soit près de 30 % du capital. La Bourse réagit avec exaltation. Le titre grimpe de nouveau, flirtant avec les +27 % sur la journée. En deux temps, Eutelsat passe d’entreprise fragilisée à acteur stratégique de la défense nationale.

Géopolitique en orbite : la souveraineté face à l’incertitude américaine

Ce réinvestissement de l’État n’est pas neutre. Il intervient dans un contexte où l’alignement transatlantique vacille. L’aide américaine à l’Ukraine est contestée au Congrès, la Maison-Blanche temporise, et Elon Musk — via Starlink — détient désormais une influence directe sur des théâtres de guerre européens. En cas de rupture, qui contrôlerait l’accès au réseau satellite occidental ? Pour Paris, la question n’est plus théorique. Elle devient doctrine.

Dans cette perspective, Eutelsat-OneWeb n’est pas une entreprise à sauver, c’est un levier de souveraineté à sanctuariser. L’espace devient stratégique ; il exige une politique industrielle assumée.

Dérive ou doctrine ?

Mais derrière le spectaculaire redressement boursier, une autre incertitude persiste : Eutelsat pourra-t-il exister en dehors de l’État ? Sa rentabilité repose encore sur des investissements colossaux, un retard technologique partiel, et une guerre de standards qu’il n’a pas encore gagnée. Sans subvention, sans client public, que vaudra vraiment ce géant hybride, mi-public, mi-pionnier ?

Dans le ciel, la politique reprend ses droits

Eutelsat ne revient pas seulement de loin. Il change de nature. Sa trajectoire n’est plus celle d’un opérateur de satellites commerciaux, mais celle d’un instrument géopolitique européen. Entre avril et juin, entre effondrement et ascension, entre spéculation et stratégie, l’entreprise a vu sa gravité se déplacer. De la Bourse à l’État. Des marchés à la défense. Du doute à la doctrine.

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