« Un homme violent« . Voici le portrait peu glorieux de Jean-Luc Mélenchon qu’ont fait la journaliste à Libération Charlotte Belaïch et le journaliste au Monde Olivier Pérou dans leur ouvrage « La Meute« , paru officiellement le 7 mai.
« Comme ce message envoyé à Marine Tondelier qui disait regretter les querelles intestines de la gauche : Je vais te mettre la dose que tu mérites. C’est une violence qui se diffuse dans tout le mouvement », explique Charlotte Belaïch au micro de France Inter. Des accusations qui ne s’arrêtent pas à cette violence. Cette enquête relate des purges du parti à la moindre contradiction du leader des Insoumis comme celles de Raquel Garrido et Alexis Corbière, Clémentine Autain, François Ruffin, Danielle Simonnet, pour ne parler que des plus connus ou encore de la tyrannie de la campagne de Jean-Luc Mélenchon, membre Insoumise elle aussi, Sophia Chikirou. Sans oublier le fonctionnement de LFI comparé à une “secte” où le gourou est Jean-Luc Mélenchon.
Des réponses en cascades
Forcément, le mouvement insoumis, attaqué frontalement par ces révélations qui s’additionnent à celles faites suite au documentaire Complément d’Enquête, n’est pas resté sans rien faire. Les cadres Insoumis n’ont pas tardé à réagir. Manuel Bompard a notamment tenu à mettre les choses au clair concernant un fait bien précis. Dans les lignes de « La Meute », on retrouve une citation attribuée à Jean-Luc Mélenchon contre le député de la 4ème circonscription des Bouches- du-Rhône : « Achète-toi un cerveau« . Des propos qu’il a démentis sur BFMTV.
« Cette scène n’a jamais existé. J’ai passé deux heures et demi d’entretien avec les journalistes et à aucun moment, ils ne m’ont interrogé sur cette scène pour avoir ma version. Si on m’avait interrogé là-dessus, j’aurais pu leur dire simplement que cette scène n’a jamais existé. Soyez sérieux !« , s’insurge-t-il.
D’autres députés de La France Insoumise vont même encore plus loin, en dénigrant le travail journalistique des auteurs de cette enquête. C’est notamment le cas d’Hadrien Clouet, député LFI de la première circonscription de Garonne.
« On manque de temps dans la vie pour les bons livres, alors les mauvais… mieux vaut lire de la vraie science politique écrite par des chercheurs ou des chercheuses, y compris à propos de LFI, que les ragots de deux journalistes incapables de manipuler le moindre concept théorique pour fournir une démonstration. Mais c’est plus exigeant et moins commercial !«
Dans l’embarras…
Quelques soient les réactions des Insoumis, cet événement ne fait pas du bien à l’image du parti et surtout à celle de Jean-Luc Mélenchon. Le leader de LFI était assez fragilisé déjà avant la parution de cette enquête. Selon un sondage Ifop commandé en novembre par Sud Radio et Paris Match, il est la deuxième personnalité politique la moins appréciée, juste derrière Eric Zemmour. Et ce ne sont pas ces dernières révélations qui l’aideront à remonter la pente. Néanmoins, du côté de ses sympathisants, cela ne change pas grand-chose. C’est ce qu’explique une militante de LFI souhaitant rester anonyme.
« Je n’ai pas appris grand-chose avec ce livre. On sait tous que Jean-Luc Mélenchon est comme cela. Mais vous croyez que des hommes politiques comme Emmanuel Macron ou Marine Le Pen sont des enfants de chœur? Je ne crois pas. Si on est obligé de passer par là pour changer les choses, tant pis. »
Faites ce que je dis pas ce que je fais
Même s’il est peu probable que le livre “La Meute” fasse tourner dos au noyau dur des électeurs de Jean-Luc Mélenchon, elle a de quoi les faire réfléchir. Depuis des années, LFI prône la fin de la « monarchie présidentielle« , veut l’avènement d’une VIème République plus démocratique avec un pouvoir moins descendant et pourtant le fonctionnement en interne du parti est décrit de manière antinomique par Charlotte Belaïch et le journaliste au Monde Olivier Pérou.
« Que des partis de droite qui ont une tradition bonapartiste ne soient pas des organisations réellement démocratiques. Cela ne me paraît pas choquant. Que le FN ait été un parti personnel pendant des décennies, qu’il n’y ait pas eu d’élection, c’est presque logique. Par contre, à gauche, j’ai l’impression qu’il y a quand même, normalement, une éthique démocratique, une exigence démocratique, de mon point de vue. Surtout quand on a pour ambition, justement, de refonder la démocratie sur des bases radicalement nouvelles« , met en exergue Hugo Melchior, chercheur en histoire contemporaine et membre de la Société française d’histoire politique.
Un statut présidentiel discuté ?
Même si on ne sait pas encore si la gauche sera unie en 2027, il semble difficile de la voir menée par Jean-Luc Mélenchon. Il a toujours été un homme politique clivant mais l’enquête « La Meute » le fait passer dans un pallier. Le chef de file des Insoumis va devoir trouver une solution et vite.
« Si Jean-Luc Mélenchon est candidat pour la quatrième fois, il faudra qu’il opère une réparation d’image comme il l’avait fait en 2017. Et comme il l’avait fait aussi en partie en 2022, il sera obligé, de toute façon, de réparer son image. Avec cette enquête ou encore les accusations d’antisémitisme, c’est un passage obligé pour lui« , explique Hugo Melchior.
Néanmoins, ces révélations arrivent presque au bon moment pour le mouvement qui aura le temps de lisser son image d’ici les prochaines élections présidentielles. Il est difficile de savoir quel sera l’impact de cette enquête sur le score des Insoumis en 2027. Néanmoins cela ne va pas leur faciliter la tâche.
Être toujours plus efficace
Même si toutes les révélations sont niées en bloc par le mouvement insoumis, leur explication peine à convaincre. Le même terme touche en boucle du côté des Insoumis : l’efficacité. Mais cela est-ce suffisant pour mettre de côté la démocratie ?
« L’argument de l’efficacité, c’est le seul qu’ils ont. De mon point de vue, il n’est pas suffisant. Pourquoi est-ce qu’on pense que plus de démocratie ou une vraie démocratie partisane se ferait forcément au détriment de l’efficacité électorale, nuirait à l’unité, à la cohésion ? Même au sein du Parti Communiste Français, les directions étaient quand même censées être élues. Alors même s’il y avait une logique de cooptation, de promotion de certains cadres au détriment d’autres, un rejet des courants et des tendances, la démocratie restait un peu plus présente qu’à LFI« , dit Hugo Melchior.
L’enquête menée par les deux journalistes a duré deux ans et demi avec plus de 200 personnes interrogées et reflète forcément une forme de vérité. La gauche française n’est pas en état de grâce. Le Parti Socialiste peine à retrouver sa grandeur d’antan; les Écologistes montent en puissance mais pourraient être court en 2027. Le Parti Communiste est peu présent dans la sphère politique. Et enfin La France Insoumise perd en crédibilité avec les nombreuses accusations qui lui sont incombées. Le constat est accablant. À force de se rêver en rempart contre le chaos, la gauche finit par devenir son propre champ de ruines…
