Le service de sécurité du musée Grévin est resté de marbre, une statue de cire a disparu. Le lundi 2 juin, des militants de Greenpeace se sont introduits dans le célèbre musée parisien et ont réussi à dérober la statue en cire d’Emmanuel Macron. D’après une source policière, deux femmes et un homme, se faisant passer pour des touristes, sont rentrés dans l’enceinte. Ils se sont ensuite changés sur se faire passer pour des employés de l’établissement avant de passer à l’acte et partir avec la statue du Président de la République en fuyant par une sortie de secours.
Une geste symbolique
Après avoir réussi cela, la statue à l’effigie d’Emmanuel Macron a été déposée au niveau de l’ambassade de Russie, située dans le 16e arrondissement de la capitale.
« Pour nous la France joue un double jeu. Emmanuel Macron incarne ce double discours : il soutient l’Ukraine mais encourage les entreprises françaises à continuer à faire commerce avec la Russie. On vise nommément Emmanuel Macron, parce qu’il a une responsabilité toute particulière dans cette situation-là« , a expliqué Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France.
Un message lourd de sens
À noter qu’après avoir réalisé ce geste symbolique, Greenpeace a rendu la statue en la déposant devant le siège d’EDF à Paris, devant une pancarte proclamant « Poutine-Macron Alliés radioactifs », après avoir prévenu les autorités. Le musée Grévin a donc récupéré sa statue indemne et les touristes peuvent de nouveau la voir.
Et concrètement alors ?
Si ce passage à l’acte peut ressembler à une simple anecdote, il met tout de même un point important : quels sont les liens économiques entre la France et la Russie en pleine guerre en Ukraine alors qu’Emmanuel Macron condamne depuis des années l’invasion russe dans le pays de Volodymyr Zelensky.
« La Russie n’est pas un pays d’où l’on importe beaucoup et où l’on exporte beaucoup, mais d’un autre côté, ce sont des produits qui sont difficilement remplaçables, et c’est bien un problème qu’il y a aujourd’hui, notamment le gaz liquide. On a diminué beaucoup nos importations de gaz liquéfiés, mais il en reste effectivement, d’où l’action de Greenpeace qui dénonce ce qui reste d’approvisionnement venant de la Russie. Malgré une réelle diminution, on peut dire qu’on contribue à financer l’effort de guerre de la Russie en lui achetant notamment du gaz naturel et quelques autres produits« , met en avant Jean-Marc Siroen, professeur émérite d’économie à l’Université PSL-Dauphine, spécialiste d’économie internationale.
Des sommes colossales
Si l’on essaie de chiffrer tout cela, l’addition est assez assourdissante. D’après des estimations du Centre d’étude de la pollution de l’air et de l’énergie (Crea), l’Europe a acheté pour 22 milliards d’euros de combustibles fossiles à la Russie en 2024 tandis qu’elle a versé 19 milliards d’euros pour soutenir Kiev. Si l’on en croit cette source, l’UE financerait (indirectement) la Russie de manière plus importante que l’Ukraine. Des chiffres totalement incohérents avec le discours des différents chefs d’États européens qui soutiennent depuis plusieurs années les troupes de Volodymyr Zelensky.
Une autre surprise
Si l’on s’est focalisé jusque-là sur le gaz, il y a un autre produit russe dont les Français raffolent : les engrais. Depuis le début du conflit, les importations de ces fertilisants ont bondi de 86%, de 402 000 tonnes en 2021 à 750 000 en 2023. (Source : L’Express). Une augmentation nette s’expliquant par l’étendue de la surface agricole française qui oblige ces achats. Tout comme le gaz, il est assez difficile à substituer et permet à la Russie de garder un lien économique avec la France malgré la guerre.
Un peu de nuance
À noter tout de même quand même que les sanctions envers Vladimir Poutine se sont accrues en 2025 et il a fort à parier que les chiffres évoqués plutôt soient revus à la baisse. Par exemple, à partir du 1er juillet 2025, Bruxelles va progressivement surtaxer les engrais azotés russes et biélorusses, jusqu’à atteindre des tarifs prohibitifs en 2028 afin de définitivement couper les transactions économiques. Néanmoins, il ne fait aucun doute que les transactions entre la France et la Russie vont continuer car l’Hexagone n’a pas les capacités d’y mettre totalement fin. Mais attention, cela ne s’arrête pas là, de nombreuses entreprises françaises sont encore en Russie malgré la guerre actuelle.
Des récalcitrants
Au début de la guerre, Emmanuel Macron avait demandé aux entreprises présentes en Russie de quitter le territoire. Si certaines s’y sont pliées de bonne grâce, certaines sont encore présentes. Auchan, Leroy-Merlin, Danone, Lactalis ou Bonduelle font partie de ceux encore implantés en Russie. Leur justification est très souvent similaire. Il reste pour nourrir la société civile russe et protéger l’emploi de leurs salariés. Petit hic, ils ont très souvent du mal à prouver qu’ils ne participent pas à l’effort de guerre du Kremlin. Une situation assez embarrassante pour le gouvernement français qui se retrouve dans une impasse.
« On peut reprocher à Emmanuel Macron de ne pas avoir été un peu plus exigeant avec ces entreprises mais les pouvoirs du président restent relativement limités. On est dans un état de droit. Cela n’est pas si simple que cela« , met en exergue Jean-Marc Siroen. Les relations économiques entre la France et la Russie durant la guerre en Ukraine ne sont pas totalement à l’arrêt. Même si l’Union Européenne a fortement sanctionné la Russie, l’économie française reste dépendante à certains produits russes comme le gaz et les engrais. Des transactions qui sont bien sûr assez peu mises en avant par le gouvernement qui se veut à 100% aux côtés de l’Ukraine.
Une ambivalence difficile à comprendre mais inhérente à la réalité capitaliste du monde actuel : la guerre n’arrête pas les échanges économiques. On en a encore eu la preuve il y a peu avec les 14 tonnes de pièces détachées pour mitrailleuses fabriquées par la société française Eurolinks, qui devait prendre la direction d’Israël comme l’a montré l’enquête réalisée par Disclose. Le capitalisme prôné par les femmes et hommes politiques n’a pas de limite et ce ne sont pas des dizaines de milliers de morts qui vont le stopper.