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Christelle d’Intorni (UDR), rapporteure de la commission d’enquête sur TikTok : « TikTok expose les jeunes à des contenus toxiques »

Rapporteure de la commission d’enquête sur TikTok, la députée Christelle d’Intorni, membre de l'Union des droites pour la République, alerte sur les dangers de la plateforme pour les jeunes. Contenus inappropriés, santé mentale, rôle des parents et des créateurs… Elle explique les choix de la commission et les leviers d’action possibles face à ces dérives.

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Assemblée Nationale / dhenry (Pexels.com)
Assemblée Nationale / dhenry (Pexels.com)
Pourquoi une commission sur TikTok ? Quels constats vous ont poussé à lancer cette enquête parlementaire sur TikTok ? Quels signaux d’alerte sur l’usage des jeunes et les effets des réseaux sociaux ont motivé cette initiative ?
Christelle d’Intorni députée UDR des Alpes maritimes

La création de cette commission d’enquête répond à une urgence : mieux comprendre et encadrer les effets des réseaux sociaux, en particulier TikTok, sur la santé mentale des mineurs. Aujourd’hui, des enfants de 10 ou 12 ans passent plusieurs heures par jour sur ces plateformes, exposés à des contenus qui altèrent profondément leur perception du monde, de la sexualité, des relations humaines, de la violence. On est confronté à une véritable urgence de santé publique. Les chiffres sont glaçants : les tentatives de suicide chez les moins de 18 ans ont explosé, les troubles anxieux, les phobies scolaires, les comportements autodestructeurs se multiplient. Ce n’est pas qu’un effet post-Covid : c’est un effondrement lent, structurel, lié à l’isolement, à la perte de repères… et à une cause majeure que personne n’ose affronter franchement : l’exposition permanente aux réseaux sociaux.

L’approche inédite de la commission : diversité des intervenants Vous avez auditionné près de 80 personnes, des experts jusqu’à des influenceurs controversés comme Adrien Laurent. Pourquoi avoir intégré ces profils, et qu’avez-vous retenu de leur parole, parfois en décalage avec les enjeux soulevés ?

Nous avons auditionné près de 80 personnes, car il fallait croiser les regards : chercheurs, professionnels de santé, éducateurs, responsables de plateformes, parents… et oui, aussi des influenceurs, même controversés. Parce que comprendre les dérives, c’est aussi aller au contact de ceux qui les incarnent.

Quand j’ai interrogé Adrien Laurent en commission, je lui ai posé une question très simple : “Accepteriez-vous que votre propre fille de 13 ans vous suive sur TikTok ?” C’est une manière directe de poser la question de l’exemplarité, et de confronter les créateurs à leurs responsabilités. Ces contenus, jamais un adulte responsable ne les autoriserait dans une cour de récréation, et pourtant ils sont diffusés, sans filtre, à nos enfants.

Responsabilités partagées et limites actuelles. Entre créateurs, plateformes et familles, où situer la véritable responsabilité face à la surexposition des jeunes à des contenus sexualisés ou à risque ? Peut-on continuer à s’en remettre uniquement au contrôle parental?

Non, le contrôle parental ne suffit plus. Il faut cesser de faire peser toute la responsabilité sur les familles alors que les plateformes ont une part décisive dans cette situation. Aujourd’hui, TikTok, Instagram ou Snapchat ne sont pas de simples espaces neutres : ce sont des usines à mal-être, à pression sociale, à injonctions permanentes. L’algorithme de TikTok peut pousser en quelques minutes une adolescente de 12 ans vers des vidéos sur les troubles alimentaires, la chirurgie esthétique, ou la sexualisation du corps. À un garçon de 13 ans, on montre du sexisme, de la violence, de la transgression. Les plateformes ne peuvent plus se dédouaner. Elles ont une part de responsabilité dans l’exposition à la pornographie, dans l’addiction, dans le harcèlement en ligne. Elles doivent rendre des comptes.

Impact sur la santé mentale et sur les représentations sociales Quels effets concrets, d’après vos travaux, les contenus de TikTok ont-ils sur la santé mentale et la construction des représentations sociales et sexuelles des adolescents ? Avez-vous pu accéder à des données sur l’algorithme ou à des témoignages marquants ?

Nous avons recueilli de nombreux témoignages, parfois bouleversants. Des jeunes en dépression, des enfants de 11 ans confrontés à la haine en ligne, à l’hypersexualisation, à la comparaison permanente. Ce ne sont pas que des impressions : ce sont des effets documentés. Anxiété, troubles du comportement alimentaire, chute de l’estime de soi, comportements à risque… surtout chez les jeunes filles. Les plateformes, via leurs algorithmes, construisent des normes sociales toxiques, qu’on retrouve ensuite dans les cours de récréation, dans la vie intime des adolescents. TikTok n’est pas un simple divertissement. C’est une machine algorithmique puissante, pensée pour capturer l’attention, générer de l’addiction, influencer les comportements. Sans aucun filtre éducatif ou moral.

Et après ? Régulation, Europe et volontés politiques La commission a formulé plusieurs propositions (interdiction avant 15 ans, vérification d’âge, etc.). Ces mesures vous paraissent-elles applicables ? Et à l’échelle française ou européenne, sentez-vous une volonté réelle d’agir ?

Ce que je propose n’est pas une série de mesurettes. C’est un changement de paradigme. On ne peut pas continuer à considérer que le numérique, l’école, la famille, la santé mentale, ce sont des sujets séparés. Tout est lié. Il est temps de réarmer l’école, de protéger nos enfants avec clarté, autorité, fermeté. Ce que j’essaie de porter à l’Assemblée, c’est un message de courage. Oui, il faut taper fort. Oui, il faut interdire certaines choses. Oui, il faut restaurer la peur de la sanction pour les harceleurs, et la reconnaissance des victimes. On a trop attendu. Trop pleuré après des drames. Il faut agir maintenant.

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