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Diplomatie: quels impacts ont les Papes sur la géopolitique ?

Le 21 avril 2025, le Pape François meurt. S’ensuit une multitude de procédures et de formalités religieuses, des obsèques au Conclave, qui viennent refaçonner le paysage diplomatique et géopolitique international, à l’heure où de nombreux chefs d’Etat entretenaient une relation particulière avec le défunt Pape. La récente élection de son remplaçant, en la personne de l’américain Robert Francis Prévost, rebaptisé Léon XIV, vient également soulever des enjeux qui dépassent la sphère religieuse et Vaticanaise.

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Place Saint Pierre, Avril 2025. © Margot Fontaine
Place Saint Pierre, Avril 2025. © Margot Fontaine

Un nouveau souffle à la relation Trump-Zelensky

Si l’évènement des obsèques tenu le 26 avril a vu se rassembler plus de 250 000 fidèles venus honorer la mémoire du défunt pape, de nombreux chefs d’État étaient également présents à la cérémonie. Parmi les moments marquants de cette cérémonie d’envergure, une rencontre inattendue a retenu l’attention des observateurs.

Lors des obsèques, le président américain et son homologue ukrainien se sont surprenamment entretenus dans la Basilique Saint-Pierre du Vatican. Après les échanges tendus lors de leur dernière rencontre à Washington en février dernier, le ton a cette fois été plus apaisé, marquant un tournant dans leur relation diplomatique. Loin des bureaux orthodoxes, Donald Trump et Volodymyr Zelensky ont salué une rencontre historique durant laquelle ils ont échangé pendant une quinzaine de minutes sur les perspectives d’un accord concernant la guerre en cours en Ukraine.

La diplomatie vaticane sous le pontificat du Pape François s’étant caractérisée par une volonté de dialogue, de médiation et d’engagement en faveur de la paix, le Pape a joué un rôle de médiateur dans les conflits, organisant des rencontres entre dirigeants ennemis et proposant ses bons offices. Pour beaucoup, cette réunion improvisée s’inscrit dans l’esprit d’un dialogue indirectement facilité par la figure du Pape François, dont les appels à la paix avaient marqué les dernières années de son pontificat. Alors que les négociations avec Moscou patinent, peinant à trouver un compromis, l’Ukraine risque gros pour son avenir.

Après son élection, le nouveau pape, Léon XIV, vient également s’immiscer dans cette relation et dans le dossier ukrainien. Sa première visite en tant que pape sera ainsi vraisemblablement accordée à Volodymyr Zelensky. Comme rapporté sur X le lundi 12 mai, les deux hommes ont pu s’entretenir par téléphone. Un échange qualifié de chaleureux, porteur d’un message fort et rempli d’espoir pour le peuple ukrainien. Cela marque également une volonté claire, de la part du nouveau pontife, de poursuivre l’engagement de son prédécesseur en faveur du dialogue et de la paix.

Emmanuel Macron et les souverains pontifes

Le Président français, bien que tenu par les principes de laïcité, entretenait avec le défunt pontife argentin une certaine proximité. Si lors des funérailles de Benoît XVI en 2023, le Président ne s’était pas déplacé et avait fait venir Gérald Darmanin alors ministre de l’Intérieur, Emmanuel Macron a cette fois tenu à venir accompagner le Pape François dans son dernier voyage, annulant le sien prévu pour Mayotte.

Le Pape François tenait lui aussi à entretenir les liens avec “la fille ainée de l’église” et s’y est rendu trois fois pendant son pontificat, faisant de la France le pays le plus visité par le pape François. Les visites étant souvent accompagnées d’un positionnement vis à vis de la politique du président Macron. En 2014 d’abord, en voyage à Strasbourg pour s’adresser au Parlement européen, le Pape se pose contre la politique française, qui avait adopté le mariage pour tous l’année précédente. De retour en 2023 à Marseille, bien qu’ayant depuis tissé des liens de proximité avec Emmanuel Macron, le Pape formule une nouvelle critique de la politique française, mais aussi européenne à l’égard de l’accueil des migrants. Enfin en décembre 2024, pour la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le Pape ne s’est pas présenté à la cérémonie mais a décidé quelques semaines plus tard de se rendre en Corse. S’il n’a pas donné de raison à ce désistement, certains y ont vu une critique de la forte politisation de cette réouverture, notamment en faveur d’Emmanuel Macron, plutôt que d’en faire une véritable célébration de l’Église catholique.

Lors du décès du Pape, le gouvernement français a tenu à lui rendre hommage en annonçant la berne des drapeaux sur les bâtiments publics. Un choix critiqué, cette mesure étant normalement prise pour le décès des anciens présidents. Alors qu’il déclarait en 2005, vis à vis du gouvernement Raffarin, qu’une telle décision « ne correspondait pas à la distinction qu’il faut faire entre convictions spirituelles et choix politiques et nationaux » François Bayrou est revenu sur cette critique, soulignant l’importance donnée au Pape François par le gouvernement.

Dans un certain sens, l’importance et le respect accordés à la personne du Pape ainsi que les liens entre le Pape et la France en la personne d’Emmanuel Macron, bien que complexes et traversés de tensions, ont eu un effet diplomatique non négligeable sur les politiques françaises mais aussi européennes, dont les chef d’états se sont pour beaucoup déplacés pour assister aux funérailles.

Un nouveau Pape pour un nouvel arc

Depuis son élection en Conclave le 8 mai 2025, le nouveau pape Léon XIV a plusieurs fois eu l’occasion de montrer ses ambitions et la ligne qu’il suivrait durant son pontificat. Au delà du cadre religieux, et dans la lignée du Pape François, Léon XIV a réaffirmé son souhait d’œuvrer à la paix mondiale. En appel avec Emmanuel Macron le 15 mai, les deux hommes ont échangé autour d’une résolution des conflits en cours dans le monde en particulier en Ukraine et dans la bande de Gaza.

Le jour précédent cet appel, le nouveau Pape avait reçu des représentants des 23 églises chrétiennes d’Orient, proposant sa médiation aux belligérants du monde entier. Dans son discours, le Pape a déploré les violences faites “de la Terre Sainte à l’Ukraine, du Liban à la Syrie, du Moyen-Orient au Tigré”, et déclaré qu’il “mettrait tout en œuvre pour que [la] paix se répande”.

Lors de sa conférence de presse inaugurale le lundi 12 mai, le Pape Léon XIV a également formulés de multiples appels et demandes à la communauté internationale. Parmi eux, la libération des journalistes emprisonnés « pour avoir cherché et raconté la vérité », à qui il a exprimé « la solidarité de l’Eglise », manifestant son souhait de promouvoir une presse libre, mais aussi l’information et l’éducation des peuples. Cet appel s’accompagne d’un message aux régimes autoritaires censurant la presse: celui de « ne jamais céder à la médiocrité ».

Enfin, lors de sa messe inaugurale ce dimanche, plusieurs dirigeants étaient présents place Saint-Pierre, en plus des 200 000 fidèles, donnant à cette messe un aspect de “mini sommet” diplomatique. Accueillant 150 délégations internationales, le Vatican était, pour cette messe, le cœur de la diplomatie mondiale. Une poignée de main remarquée entre le vice président américain JD Vance et Volodymyr Zelensky, juste avant un nouveau discours pour la paix prononcé par Léon XIV, vient redorer l’image de cette relation ternie par leurs échanges tendus à la Maison Blanche.

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