Le soft power saoudien s’étend de plus en plus, faisant de l’Arabie saoudite un État attractif aux yeux du monde, en mettant particulièrement l’accent sur le sport. Cette stratégie se manifeste d’abord par une candidature quasi systématique pour accueillir d’importantes compétitions sportives. L’objectif du pays est clair : devenir le futur hub sportif international. Le Royaume adopte une politique de “sports washing” qui se renforce face aux grandes puissances.
Les prochaines échéances majeures pour le géant pétrolier comprennent l’Asian Football Cup masculine en 2027 et la Coupe du Monde de football masculine de 2034. Bien que le football soit souvent considéré comme le sport mondial prédominant, l’Arabie saoudite diversifie ses investissements sportifs. Les millions de “pétrodollars” dont dispose le Royaume ont été injectés dans un tout nouveau sport, défiant le monopole américain : le golf. Le LIV Golf fait ainsi son entrée sur la scène du golf, ciblant les stars de ce sport pour assurer sa place face à la concurrence américaine.
Quand on pense golf, on pense Ryder Cup. En tant que troisième compétition la plus suivie au monde, elle détermine tous les deux ans quelle équipe, entre l’Europe et les États-Unis, se voit remettre le trophée. La 43e édition en 2023 a vu une victoire européenne, instaurant une agréable rivalité, bien que les États-Unis restent les plus titrés de la compétition. La Ryder Cup réunit des nations entières, fruit d’une collaboration entre la PGA of America et la PGA European Tour, qui choisissent alternativement les lieux de rencontres sur leurs sols respectifs.
Cependant, malgré la mainmise du circuit PGA sur la compétition, le Royaume d’Arabie saoudite parvient à attirer les golfeurs d’élite en les incitant à intégrer le circuit saoudien. Et cela non pas en se basant sur la qualité des greens, mais en garantissant un soutien financier pratiquement inébranlable à chaque joueur qui quittera l’historique Ryder Cup.
« Par amour du Jeu »
Le golfeur espagnol Jon Rahm a annoncé le jeudi 7 décembre qu’il quittait le circuit américain PGA pour rejoindre le LIV Golf. Malgré une proposition attrayante de 400 millions de dollars du circuit saoudien, le numéro 3 mondial a décliné cette offre initiale. Bien qu’il ait déclaré en 2022 que cette somme “ne changerait rien” à sa vie, il semble que l’augmentation de cette offre ait pu influencer sa décision.
La nouvelle proposition financière oscille entre 450 et 600 millions de dollars, mais les véritables motivations de Jon Rahm semblent être liées aux innovations apportées par le LIV Golf. Cependant, après avoir répété pendant un an que “3 tours, pas de cut, pour moi ce n’est pas un tournoi de golf, je veux jouer contre les meilleurs du monde dans un format qui existe depuis des centaines d’années”, le PGA Tour et d’autres golfeurs peinent à y croire. Les contradictions dans ses déclarations sont pointées du doigt, car d’un côté, il affirme “ne pas jouer au golf pour l’argent” mais “par amour du jeu ».
Malgré sa victoire au Masters en avril dernier et à l’US Open en 2021, Jon Rahm a fini par céder, suivant ainsi d’autres vainqueurs tels que Dustin Johnson, Brooks Koepka, Bryson DeChambeau, Lee Westwood ou encore Cameron Smith, qui ont avant lui succombé aux fonds saoudiens illimités.
Garder son statut sur le PGA tour : à quel prix ?
L’Espagnol, très attaché au PGA Tour, ne souhaite pas perdre l’opportunité de jouer sur le PGA. Cependant, le circuit américain, anticipant de nombreux départs, a clairement exprimé son intention de sanctionner quiconque participerait au LIV Golf. Après la signature de son contrat avec le royaume, Jon Rahm a déclaré : « Je veux conserver mon statut sur le PGA Tour et le DP World. Je n’y renoncerai pas et j’espère qu’avec la liberté que m’offre le LIV Golf, je pourrai jouer sur ces deux circuits ». En tant qu’Espagnol, l’Open d’Espagne revêt une grande importance pour le golfeur, et il souhaite pouvoir coordonner les circuits au Moyen-Orient, en Europe et en Amérique.
Rahm a signé pour le LIV Golf en sachant pertinemment qu’en juin, les deux circuits concurrents ont annoncé un rapprochement. Cependant, la fusion et la coopération des deux organisations n’ont pas avancé depuis cette annonce, et à ce jour, les joueurs engagés pour le LIV ne sont pas autorisés à participer aux 14 épreuves du PGA American et du European Tour. De plus, au classement mondial, les circuits européens et américains ne reconnaissent pas les points acquis dans ce nouveau circuit.
Cependant, le statut permettant de conserver un pied en Amérique et l’autre en Arabie saoudite ne correspond pas aux aspirations de tout le monde. Chris Stroud, Américain et vainqueur sur le PGA Tour, critique ouvertement le PGA Tour lors d’une interview accordée à Golf Channel et compte bien répondre aux exigences du LIV Golf : « Je vais très certainement abandonner mon statut, même si ce n’est que pour un an », conclut-il. Avant de poursuivre : « Mais cela en vaudra la peine car le Tour a tout fait de travers. J’en assume les conséquences. J’adore le PGA Tour et ce qu’il représente, mais je ne suis pas impressionné par la façon dont tout s’est passé lors des trois dernières années… »
Malgré tout, il existe encore des fidèles au circuit de la Ryder Cup. Rory McIlroy, l’âme de la Ryder Cup et le fer de lance de l’équipe européenne, témoigne d’un amour historique pour cette compétition. En octobre dernier, l’Europe a remporté sa 15ème victoire à la Ryder Cup et pris par une émotion intense, il s’exprimait : « J’aimerais penser que la Ryder Cup représente autant pour eux (les joueurs qui partent sur le LIV) que pour moi » .
Enfin, la question de la Ryder Cup, “si chère” à Rahm, se pose également cart il pourrait en être privé à l’avenir si la situation actuelle persiste. Rory McIlroy a réagi avec un soupçon d’amertume au départ de Rahm, qui va jouer à Bethpage (New York) en 2025. « Suite à cette décision, le Tour européen devra réviser les critères d’éligibilité en Ryder Cup », a souligné McIlroy, s’exprimant ainsi sur le départ de Rahm, qui ne se limitait pas seulement à être un coéquipier au sein de l’équipe européenne, mais qui occupait une place bien plus significative.
Au-delà de la surprise suscitée par Jon Rahm, qui a captivé de nombreux passionnés, son départ pourrait avoir une influence significative sur d’autres golfeurs, les incitant à rejoindre la LIV. Des rumeurs circulent concernant les possibles départs de Patrick Cantlay, Xander Schauffele, Tyrrell Hatton ou Tony Finau, semant l’inquiétude au sein du PGA Tour. Toutefois, compte tenu de la renommée du numéro 3 mondial, les golfeurs de la LIV espèrent une atténuation des sanctions énoncées par le circuit historique américano-européen.