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Les maisons du plus français des Chiliens : Pablo Neruda

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Prix Nobel de littérature, Pablo Neruda possédait trois maisons porteuses d’histoire, tant personnelles que nationales. À travers celles-ci, nous voyagerons dans l’esprit du poète chilien, mais aussi dans l’histoire de son pays.

La maison de Pablo Neruda à Isla Negra, sur la côte chilienne.

La Sebastiana : les traces d’un passé d’homme de lettres et politique

Perchée sur les hauteurs de Valparaiso, la maison du poète domine la baie et la zone portuaire de la ville. À l’image des ruelles et murs de la ville, la Sebastiana est à l’extérieur très coloré. L’intérieur, reflétant les goûts et voyages de Pablo Neruda, l’est tout autant. Même ses verres sont de couleur rouge ou verte, car celui-ci pensait que des verres colorés donnaient un meilleur goût à l’eau. À travers les quatre étages de la maison, on y découvre l’intérêt accru du poète pour les objets de collection. Particulièrement ceux qu’il acquérait à travers du monde lors de ses missions de diplomates.

La façade de « la Sebastiana », maison de Pablo Neruda à Valparaiso.

Pablo Neruda a en effet eu une importante carrière politique. Il a été consul dans différents pays d’Asie avant d’être missionné en Argentine, en Espagne puis enfin en France. En 1945, il devient sénateur et intègre le parti communiste chilien. L’année suivante, il aide Gabriel Gonzalez Videla à devenir président. Cependant, dernier se retournera contre les communistes. Neruda s’exile alors en Europe pendant quelques années. Il est toutefois désigné par le parti communiste comme candidat à l’élection présidentielle en 1969. Mais il refuse en faveur de Salvador Allende, élu l’année suivante. Suite à cette élection, Pablo Neruda se voit proposer le poste d’ambassadeur en France qu’il accepte gaiement (1970-1972).

Les inspirations et aspirations du poète

Le dernier étage de La Sebastiana, qui fait office du bureau du poète, représente son attachement pour la France. Dans sa bibliothèque, on y retrouve certaines de ses œuvres, mais aussi des recueils de Baudelaire et de nombreux autres livres français. Également présente, une carte de l’Amérique du Sud rédigée en ancien français attire l’attention par sa grandeur et son originalité.

Aux étages inférieurs, on y découvre la joie de vivre et d’accueillir du poète chilien. Avec son bar personnel jouxtant le salon, Pablo Neruda savait profiter et aimer surtout accueillir de nombreux amis et convives pour le déjeuner. Cela ne l’empêchait toutefois pas de se retirer au moment sacré de la sieste. Il rejoignait ainsi son lit, placé en face d’une grande baie vitrée jouissant d’une superbe vue. Cette manie avait le don d’agacer certains de ses convives, mais ne l’a jamais empêché de conserver son habitude.

La vue du lit de Pablo Neruda sur la baie de Valparaiso.

Colorée et festive, la Sebastiana est à l’image de la ville dans laquelle elle se situe. Mais elle n’est pas l’unique résidence du poète globe-trotter…

La Chascona : Vie sentimentale et mort suspecte de Neruda

Située dans le quartier de Bellavista, quartier le plus coloré et festif de Santiago (le plus similaire à Valparaiso finalement), la Chascona se présente comme une bâtisse d’un bleu profond. Cette couleur s’explique par la volonté du poète de construire cette maison comme un bateau. De nombreux objets de décor nous rappellent ce thème cher à Neruda.

« La Chascona » vue des rues de Bellavista à Santiago.

Ce dernier a commencé à construire son navire en 1953 pour Matilde Urrutia. Elle est la femme avec qui il finira sa vie, mais pour laquelle son histoire d’amour était jusqu’alors cachée. Matilde inspirera le nom de la maison, « la chascona » signifiant en quechua « la décoiffée ». Cela faisait référence à ses cheveux roux bouclés. C’est elle qui se chargera de restaurer la maison après la mort de Pablo Neruda. Celle-ci avait en effet été attaquée le 11 septembre 1973, lors du coup d’État du général Augusto Pinochet contre le président élu Salvador Allende.

La Chascona nous dévoile ainsi l’intimité des dernières années de la vie de Pablo Neruda et de l’amour qu’il partagea avec Matilde Urrutia. Chargée historiquement, cette maison retrace également la mort du poète, qui soulève aujourd’hui encore des interrogations…

Pablo Neruda décède le 23 septembre 1973, soit 12 jours après le coup d’État militaire. Cause officielle : cancer de la prostate. Le poète prévoyait pourtant un départ pour le Mexique le 24 septembre. Il souhaitait essayer de mobiliser les pays étrangers contre ce putsch. Proche d’Allende, grand intellectuel chilien, le profil du poète ne plaisait probablement pas au nouveau gouvernement chilien (à l’instar du chanteur Víctor Jara ; incarcéré, torturé et tué par le régime). Cependant, l’empreinte de Pablo Neruda sur son pays était grande. Si grande que ses funérailles ont été l’occasion de la première manifestation populaire contre la junte militaire.

Il repose désormais avec Matilde Urrutia à Isla Negra dans sa troisième demeure. La plus grande et également remplie d’objets de collection, située sur la côte chilienne au sud de Valparaiso.

Pablo Neruda à Paris en 1949, photo de Marcos Chamudes.

Une mort « naturelle » encore remise en question

Toutefois, les causes de sa mort créent aujourd’hui encore la controverse. Depuis 2011, même le gouvernement chilien s’interroge et a ouvert plusieurs enquêtes. La thèse de l’empoisonnement a été rejetée, mais une expertise internationale de 2017 a aussi repoussé la version officielle d’une mort due au cancer. Alors persiste la thèse d’une bactérie développée en laboratoire et injectée à l’artiste. La dernière enquête en cours a été rouverte à la suite d’une demande de la justice en février 2024.

Malgré le flou persistant autour de cette fin tragique, la vie de Pablo Neruda a été remplie de voyages et d’expériences qui lui ont permis de rédiger un bon nombre d’œuvres. Celles-ci font aujourd’hui rayonner le patrimoine chilien à l’international. Son œuvre continuera éternellement de rayonner, bien que sa vie personnelle eût été également marquée par des relations compliquées avec les femmes. Ayant fait preuve d’infidélité à plusieurs reprises et même de violences sexuelles, comme il l’a lui-même avoué dans son autobiographie posthume « J’avoue que j’ai vécu ».

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