Le journal pour les jeunes, par les  jeunes

Madagascar secouée par une révolte de la génération Z

Depuis fin septembre 2025, Madagascar est le théâtre de manifestations massives menées par la génération Z. Cette jeunesse connectée et mobilisée revendique la corruption, les inégalités et les insuffisances de l’État. Ce mouvement a provoqué une crise institutionnelle majeure, culminant avec la fuite du président Andry Rajoelina et la mutinerie de l’armée.

Partagez ce post

Des manifestants affrontent les forces de l'ordre dans le quartier d'Ambohijatovo au centre de la ville basse, pour dénoncer les coupures d'eau répétées et les délestages d'électricité qui paralysent la vie quotidienne le 25 septembre 2025 à Antananarivo, Madagascar. (Photo by Victor LOCHON/Gamma-Rapho via Getty Images)

Les racines profondes de la révolte

Le déclencheur immédiat des manifestations a été des coupures répétées d’électricité et d’eau à Antananarivo. Cependant la colère des jeunes traduit des frustrations bien plus profondes. La pauvreté touche une large partie de la population. En effet plus de 75 % de la population vit avec moins de 2 dollars par jour, tandis que le chômage des jeunes dépasse les 40 %. À cela s’ajoutent des accusations récurrentes de corruption et de mauvaise gestion des ressources publiques, qui alimentent un sentiment de marginalisation et d’impuissance.

La génération Z malgache, née dans l’ère numérique, a rapidement organisé la contestation via les réseaux sociaux. Discord, Instagram et des serveurs privés sont devenus les principaux canaux de coordination, permettant des mobilisations rapides et décentralisées. Les manifestants ont adopté des symboles culturels populaires inspirés de mangas et d’icônes de la pop culture pour créer un sentiment d’appartenance et de cohésion générationnelle.

Le déroulé des manifestations et l’escalade

Les rassemblements ont commencé pacifiquement, regroupant principalement des étudiants et jeunes urbains dans la capitale et d’autres villes. Cependant, la réponse du gouvernement a rapidement radicalisé le mouvement : gaz lacrymogènes, arrestations massives et tirs signalés ont entraîné un bilan humain tragique. Selon les Nations unies, au moins 22 personnes ont été tuées et plus de 100 blessées, tandis que le gouvernement conteste certains chiffres.

Le 11 octobre, une mutinerie au sein de l’unité d’élite CAPSAT a eu lieu. Autrefois fidèle au président, cet événement a marqué un tournant. L’unité a rejoint les manifestants et pris le contrôle de l’armée, nommant le général Demosthène Pikulas à sa tête. Cette alliance militaire avec la jeunesse a radicalement changé l’équilibre des forces et fragilisé le pouvoir exécutif.

Face à la pression et aux menaces, Rajoelina a finalement quitté le pays le 12 octobre à bord d’un avion militaire français. Le 14 octobre, le président Rajoelina a dissous l’Assemblée nationale pour tenter de stopper une procédure de destitution imminente. Cette décision a été largement contestée par l’opposition et par des juristes, qui la jugent anticonstitutionnelle.

Le président Emmanuel Macron saluant Andry Rajoelina, président de Madagascar, le 9 juin 2023 au palais de l’Elysée à Paris.
(Photo by Chesnot/Getty Images)

Conséquences sociales, politiques et économiques

La crise a plongé Madagascar dans une situation d’instabilité sans précédent. Le gouvernement intérimaire, dirigé par le Premier ministre Ruphin Zafisambo, peine à restaurer l’ordre et à contenir les tensions. Les appels à grève générale et les perturbations dans le commerce, le transport et les services publics accentuent la précarité et menacent l’économie déjà fragile du pays.

Sur le plan politique, la fuite du président et la dissolution de l’Assemblée nationale ont déclenché une véritable crise institutionnelle. Les manifestants, bien que victorieux sur le plan symbolique, continuent de réclamer la démission définitive de Rajoelina et des réformes structurelles pour garantir la transparence, l’équité et la justice sociale.

Les organisations internationales et ONG, telles qu’Amnesty International et l’ONU, appellent à des enquêtes indépendantes sur l’usage disproportionné de la force et la libération des personnes arrêtées. La France et d’autres pays observent la situation de près, craignant que l’instabilité malgache n’affecte la région de l’océan Indien.

Le phénomène global de la génération Z en action

La révolte malgache ne doit pas être analysée isolément. À travers le monde, la génération Z, armée des outils numériques et d’une conscience politique aiguë, remet en question les systèmes établis. Deux exemples récents illustrent cette dynamique

Au Maroc

Depuis fin septembre 2025, les jeunes Marocains manifestent pour la justice sociale, la réforme de l’éducation et de la santé, et contre la corruption. Les protestations, organisées via les réseaux sociaux, ont conduit à plusieurs morts et à l’arrestation de centaines de manifestants. Les autorités ont tenté d’apaiser la contestation par des concessions partielles, mais la colère persiste.

Au Népal

Au Népal, les manifestations de la génération Z ont été déclenchées par des restrictions sur les réseaux sociaux et un mécontentement face à la corruption. Les protestations ont abouti à la démission du Premier ministre K. P. Sharma Oli et à la dissolution de la Chambre des représentants. Là encore, la jeunesse, connectée et organisée, a joué un rôle central dans le changement politique.

09/09/ 2025/ : Illustration des violences menées lors des protestations de la génération Z au Népal.
(Photo par Skanda Gautam/SOPA Images/LightRocket via Getty Images)

Les événements à Madagascar illustrent l’émergence d’une jeunesse déterminée à transformer l’ordre établi. Ces mouvements, qu’il s’agisse de Madagascar, du Maroc ou du Népal, révèlent une génération connectée, exigeante et capable de contester des pouvoirs longtemps considérés comme invincibles. Les États, confrontés à cette nouvelle dynamique, devront réévaluer leur rapport à la jeunesse et aux technologies pour éviter que la contestation ne se transforme en instabilité prolongée.

écoutez aussi : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/geopolitique/geopolitique-du-vendredi-03-octobre-2025-5083873

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Total
0
Share

CSMAG, votre point actu’ mensuel !

Nous souhaitons faire de ce magazine le reflet de l’esprit de CSactu, en y intégrant toute nos nouveautés : articles de fond, podcasts, émissions sur Twitch, conférences et bien plus encore. 

Chaque mois, nous nous engageons à vous offrir un magazine qui, tout en valorisant le travail de notre rédaction, mettra en lumière l’ensemble des initiatives portées par CSactu.