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Le journal pour les jeunes, par les  jeunes

Malgré la guerre, le club nomade du Shakhtar Donetsk continue d’avancer

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Victor Ollivier

Étudiant en journalisme, je suis passionné par le sport, l’histoire et la géopolitique
Le FC Shakhtar Donetsk subit la loi de la guerre depuis 2014, année de son exil de la région du Dombass. Un an après le début du conflit total entre Russie et Ukraine, les « mineurs » n’ont toujours pas posé pied à terre. Mais guidés par un combat qui dépasse l’enceinte des stades, les Ukrainiens continuent de porter leur étendard à travers l’Europe.

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L'équipe Ukrainienne fait preuve d'une forte unité dans cette période si particulière (Source : Eurosport)

La somptueuse cérémonie d’inauguration de la Dombass Arena, en 2009, semble bien loin. Pourtant, la construction du luxueux stade, financée par l’oligarque et président du club Rinat Akhmetov, intervenait au meilleur des moments. La bande de Willian, Fernandinho et Luiz Adriano venait d’offrir au Shakhtar Donetsk son premier titre européen, avec la Coupe UEFA 2009, quelques semaines plus tôt.

Trois ans plus tard, le stade accueillait une demi-finale d’Euro de haut vol, entre l’Espagne de Xavi et Iniesta et le Portugal de Cristiano Ronaldo. Mais la guerre est venue tout balayer. L’arène du Shakhtar fut bombardée, puis est devenue pendant un temps de centre de distribution d’aide alimentaire pour la région, avant d’être prise par des rebelles pro-russes. Ses joueurs eux, ne peuvent que l’imaginer. Si l’invasion russe a figé le stade sur les huit dernières années, ses joueurs sont eux en perpétuel mouvement, exilés en dehors de leurs terres.

L’itinérance ininterrompue

Au sein de l’interminable voyage du club ukrainien depuis 2014, le billet obtenu par le Shakhtar pour les huitièmes de finale d’Europa Ligue n’est pas le moins apprécié. Dans un match fou face à Rennes en terre bretonne, les hommes d’Igor Jovičević ont rageusement emporté une place pour le tour suivant (2-1, 4-5 aux tab). Une nouvelle occasion d’hisser le drapeau ukrainien dans le ciel européen. Car c’est bien pour cette raison que se bat l’équipe depuis un an. « C’est pour l’Ukraine, notre pays », lâche le coach du Shakhtar, pourtant Croate, à l’issue de la qualification des siens.

Au renversement du régime pro-russe de Viktor Ianoukovitch en 2014, les affrontements éclatent dans la région du Dombass. Vladimir Poutine, qui craint un rapprochement avec l’ouest, soutient militairement les forces séparatistes pro-russes. Le club du Shakhtar doit vite se délocaliser, et les joueurs posent leurs valises à Lviv jusqu’en 2017. Puis à Kharkhiv, où ils sont fréquemment forcés à déplacer l’emplacement de certains matchs européens sous fond de tension avec la Russie. Et avant le début de l’invasion, les « mineurs » devaient jouer sur la pelouse de leur plus grand rival depuis la création du championnat ukrainien en 1991, le Dynamo Kyiv. A l’occasion des rencontres européennes de cette saison, le Shakhtar recevait dans le stade polonais de Varsovie, pour éviter tout risque d’attaque.

Dans cet exil infini, joueurs et membres du staff se gardent bien de se plaindre. Les professionnels ukrainiens ont tous obtenu une dérogation pour ne pas être incorporés à l’armée, et défendre le pays sur le front sportif. Conscient du sort du reste de la population, Igor Jovičević relativise à propos de la situation de ses joueurs : « Notre quotidien est éprouvant mais ce n’est rien par rapport à tout un pays qui se bat ». Et dans cette situation, le technicien trouve aussi des avantages : « tant qu’on joue en Coupe d’Europe, c’est une occasion de retrouver nos familles, de voir nos proches, qui sont à Varsovie. Sans compétition européenne, nous n’y serions pas retournés ». 

Made in Ukraine

Les années passées loin de la Dombass Arena n’avaient pas drastiquement changé l’effectif du Shakhtar. Mais la tentative d’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine a modifié cet aspect du club. Pendant une décennie, des Brésiliens ont été recrutés à la pelle par le club des « mineurs ». Brandao, Douglas Costa ou récemment Tête, les dizaines d’auriverde de passage ont participé à la formation de l’identité du club, et l’ont poussé sur le toit de l’Europe en 2009. Avec la guerre, presque tous les étrangers ont déserté les rangs de la Premier-Liha, pour s’installer dans un contexte sécurisé et stable. A Donetsk, seul l’attaquant Burkinabé Lassina Traoré est resté, et continue d’évoluer dans le championnat ukrainien. L’effectif, lui, s’est totalement métamorphosé. Les Ukrainiens ont pris les commandes, et ont assumé les nouvelles responsabilités qui leur ont été confiées. 

Une jeunesse pleine d’ambition

Poussée par une fierté commune, la jeunesse ukrainienne du Shakhtar a pris les devants. Contre Rennes, pour le barrage retour de la Ligue Europa, la moyenne d’âge du onze de départ dépassait tout juste les 24 ans. Et à l’exception de Taras Stepanenko, capitaine expérimenté de 33 ans, aucun joueur n’a encore soufflé ses 27 bougies. Dans un effectif à remodeler complètement au début de saison, Igor Jovičević n’a pas eu à forcer ses jeunes issus du centre de formation pour tout donner sur le terrain. Trop justes pour la Ligue des Champions (Donetsk finit 3e de son groupe derrière le Real Madrid et Leipzig), les Orange et Noir ont bien rebondi en Ligue Europa. En championnat, le club compte deux longueurs de retard sur le SK Dnipro-1, premier.

Mais les titres et classements sont bien loin des aspirations des membres du club. C’est plutôt une sorte de remerciement que le club rend à son peuple à chaque match. En évoquant les habitants au front, Igor Jovičević parle de jeu : « on voudrait que, quand ils regardent le match, ils soient fiers de notre jeu, plus que du résultat. » Ce jeu qui permet aux supporters de s’évader un moment, d’oublier le reste de sa vie pendant 90 minutes. De se concentrer le temps d’un match sur un ballon, un terrain, le tout animé par 22 acteurs. Pour faire abstraction du reste, ce jeu, les Ukrainiens en ont bien besoin.

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