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Pile à combustible à hydrogène : La solution anti-pollution des navires de pêche ?

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Noah Kaision

Etudiant en journalisme à Vichy, je suis un grand passionné de sport et plus particulièrement de football et de cyclisme. J'écris dans la rubrique sport de CS Actu pour transmettre ma passion à travers mes articles. Bonne lecture !
Alors que la pollution des navires de pêche n’est plus à prouver, de nombreuses innovations voient le jour pour tenter de réduire leur consommation d’énergie. Parmi celles-ci, la pile à combustible à hydrogène continue de pointer le bout de son nez. Mais peut-elle vraiment s’imposer comme une solution viable pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au sein d’un secteur énergivore ?

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L’Anita Conti est le chalutier qui sert de base d’étude au projet Pilothy (crédit photo : Lionel Flageul)
L’Anita Conti est le chalutier qui sert de base d’étude au projet Pilothy (crédit photo : Lionel Flageul)

Connaissez-vous la pile à combustible à hydrogène ? Cette technologie qui permet de transformer de l’hydrogène en électricité sans rejeter ne serait-ce qu’une seule particule de dioxyde de carbone dans l’air. Encore à ses balbutiements, elle est principalement utilisée dans les transports urbains. Aujourd’hui, son développement continue et ouvre de nouvelles possibilités. Cependant, elle semble, pour l’heure, ne pas être une solution réellement viable dans le secteur de la pêche qui représente environ 4% des émissions de gaz à effet de serre de la production alimentaire mondiale. Son efficacité se révèle effectivement limitée pour décarboner les navires de pêche. La faute, entre autres, à un coût trop élevé, une production polluante et un déploiement contraignant.

Pilothy, un projet expérimental

Le développement de technologies novatrices nécessite toujours des tests afin de vérifier leur viabilité. En ce sens, l’entreprise Barillec Marine, accompagnée des membres l’Interprofession du port de Concarneau (1), a lancé en février 2023 le projet Pilothy. Subventionné par la Région Bretagne, il se déroule sur une période de dix mois divisée en deux phases. La première est dédiée à une étude technique de la solution hydrogène tandis que la deuxième vise à faire valider le concept auprès des autorités compétentes.

L’objectif ? Montrer s’il est possible ou non d’intégrer une pile à combustible à hydrogène sur un navire de pêche et sous quelles conditions. Julien Le Brun, un armateur finistérien qui souhaite trouver des alternatives au gazole, a accepté de prêter l’un de ses bateaux qui correspondait parfaitement à la réalisation du projet. L’Anita Conti, un chalutier de 17 mètres de long, sert donc de base pour l’étude. Le navire a été complètement transformé dans sa partie avant pour accueillir deux bouteilles d’hydrogène en rack, deux batteries de 350kg chacune et deux piles à combustible de 40 kW. L’hydrogène stocké permet de produire l’électricité utilisée à bord du navire. Celui-ci continue cependant d’être propulsé par un moteur diesel.

Les résultats sont mitigés

Aujourd’hui, le projet en est rendu à la seconde phase. Les instances qui peuvent valider que le navire est conforme ont été saisies pour effectuer l’analyse de risques. Les résultats de la première phase, quant à eux, ont été présentés aux armateurs. Ils sont pour le moins mitigés. Le projet à bel et bien réussi à répondre à la demande de la Région Bretagne en proposant un bateau hybride avec des piles à combustible à hydrogène qui, techniquement, fonctionne correctement.

En revanche, la donne est différente du point de vue économique. « Le modèle économique de l’hydrogène n’est viable que si un financement prend en charge les coûts à 100% », explique Yann Guezenec, responsable du projet Pilothy au sein du groupe PIRIOU. « On arrive à décarboner à hauteur de 10 à 15% des opérations de pêche, ce qui représente une économie de gazole de 500 litres par marée. » Un bilan honorable mais insuffisant à cause du prix de l’hydrogène vert décarboné.

« Beaucoup plus cher pour faire exactement la même chose »

« L’équation économique et de rentabilité pour un armateur aujourd’hui est encore très compliquée. » En effet, l’hydrogène coûte aujourd’hui 15 à 20 euros le kilo tandis que le gazole détaxé pour les bateaux de pêche se vend environ 1,30 euro le litre. Une différence trop importante pour les pêcheurs qui ne peuvent se permettre une telle dépense pour propulser leurs navires, et ce même avec les aides qui pourraient leur être proposées. « Quoi qu’il se passe, l’hydrogène coûtera beaucoup plus cher aux armateurs pour faire exactement la même chose ». À ce constat s’ajoute le coût de la transformation des navires et de l’installation des infrastructures sur les zones portuaires : « le passage à l’hydrogène dans un navire équivaut à la moitié du prix d’un bateau neuf », précise encore Yann Guezenec.

Produire de l’hydrogène pollue

L’hydrogène n’est pas non plus exempt de tout reproche en termes de pollution. Sa production rejette une quantité importante de gaz à effet de serre. « À l’heure actuelle, la production d’hydrogène est aussi émettrice de gaz carbonique que l’utilisation du méthane », analyse Bruno Auvity, professeur à Polytech Nantes et membre de la Fédération de Recherche Hydrogène du CNRS. « Pour qu’il soit viable et réponde un minimum aux enjeux de la transition énergétique, il faut qu’il soit produit de manière renouvelable. Cela demande de l’électricité avec un bilan carbone très bas, donc de l’éolien ou du panneau solaire. »

Pour s’affirmer comme une solution viable dans la décarbonisation du secteur de la pêche, l’énergie utilisée doit être verte. Or, aujourd’hui, c’est l’hydrogène gris qui domine alors qu’il pollue beaucoup plus. Le problème : la demande est beaucoup plus forte que l’offre en ce qui concerne l’hydrogène produit à l’aide d’énergies renouvelables. « L’hydrogène peut être une solution de substitution, mais uniquement si nous réduisons drastiquement la demande énergétique de nos sociétés », appuie Bruno Auvity. « Il est très demandeur en énergie. C’est assez coûteux énergétiquement pour en produire », continue l’enseignant-chercheur. 

Un déploiement complexe

Une donnée qui complique considérablement la mise en place de cette technologie à bord des navires de pêche. La réalisation d’un bateau qui consomme de l’hydrogène n’est pas un souci mais son déploiement en est un. « La question n’est pas de savoir si on va réussir à faire un bateau à l’hydrogène. C’est possible, techniquement on sait faire », confirme Bruno Auvity. « Le problème, c’est de réussir à déployer massivement cette solution pour les pêcheurs afin d’avoir une activité rémunératrice. J’ai beaucoup de doutes là-dessus, ça me paraît extrêmement risqué. »

La transition du gazole à l’hydrogène pourrait notamment entraîner une flambée des prix du poisson, une chose que les consommateurs auraient du mal à accepter. Yann Guezenec tire lui aussi la même conclusion : « Personnellement, je pense que pour la petite pêche côtière, l’hydrogène c’est très compliqué. Il y a beaucoup de contraintes d’intégration à bord et ça prend beaucoup de place par rapport au gazole. »  Il sera donc nécessaire de prendre son mal en patience pour voir un jour l’ensemble des navires de pêche se déplacer grâce aux piles à combustible à hydrogène. La Terre, en attendant, continuera de souffrir de la pollution.

(1) L’Interprofession du port de Concarneau est composée par Barillec Marine, Piriou ingénierie, le cabinet d’architecture et d’études navales Coprexma, le motoriste Méca Diesel, l’atelier de mécanique Semim et l’électronicien Marinelec Technologies

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