Un impact environnemental considérable
2 milliards. C’est le nombre de tampons et de serviettes menstruelles jetées chaque année en France selon l’association Zero Waste France. Tout au long de leur cycle de vie, de leur fabrication à leur gestion post-utilisation, les protections jetables ont un impact significatif sur l’environnement. En effet, elles sont principalement composées de coton et de plastique. Dès l’extraction des matières premières, ces textiles sanitaires posent problème. Les cultures de coton sont par exemple extrêmement gourmandes en eau. Une fois récolté, le coton est traité, généralement avec des produits chimiques. Ceci polluent alors les sols, les nappes phréatiques ou encore les réseaux d’eau. C’est la cas du chlore, utilisé pour blanchir le coton.
Selon l’Ademe (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie), les protections hygiéniques représentent avec les autres textiles sanitaires (couches, lingettes, mouchoirs…) 13% des ordures ménagères résiduelles, soit 30 kg par an et par habitant. Une fois jetées, ces protections et leurs emballages sont enfouis ou incinérés. Ces deux modes de traitement des déchets sont des sources de pollution de l’air et des sols. Mais cela provoque également des émissions de gaz à effets de serre. Pire encore, les protections menstruelles qui sont jetées dans les toilettes ou dans la nature. Les microparticules de plastique et autres substances chimiques ne sont pas toutes traitées par les stations d’épuration. Aussi, elles polluent donc durablement les sols et les cours d’eau et portent atteinte à la biodiversité.
Le constat est sans appel : les protections menstruelles jetables sont des produits hautement dangereux pour l’environnement. Pourtant, selon une étude réalisée par Opinion Way en 2017, les serviettes hygiéniques jetables et les tampons restent les protections les plus utilisées par les femmes menstruées. Des alternatives existent malgré tout, mais restent encore trop méconnues. Manon Richert, responsable communication de Zero Waste France explique : “En termes de présence publicitaire et de marketing, les produits réutilisables sont beaucoup moins visibles. Il y a eu un matraquage publicitaire pour les produits jetables pendant des décennies, encore aujourd’hui, c’est difficile de contrer ça”.
De multiples alternatives
Cup, culotte menstruelle, protège-slip lavable… Les solutions plus respectueuses de l’environnement sont tout de même le choix de plus en plus de femmes. En effet, elles sont également moins dangereuses pour la santé. Leur fabrication nécessite moins d’eau et d’ingrédients nocifs et leur durée d’utilisation est bien plus longue, environ 5 ans.
Le frein principal à leur démocratisation : leur coût. “Les protections réutilisables peuvent sembler plus chères, explique Manon Richert, mais comme elles ont une durée d’utilisation beaucoup plus grande, en réalité sur le long terme elles sont plus rentables.” Il faut cependant pouvoir payer d’emblée une somme qui peut paraître conséquente. Pour rappel, près de 4 millions de Françaises sont victimes de précarité menstruelle en 2023.
L’association Zero Waste France déplore le manque de sensibilisation pour faire connaître ces solutions. “Des décisions politiques pourraient être prises de manière transversale par plusieurs ministères (santé, égalité entre les femmes et les hommes, transition écologique). Dans les écoles, il faut sensibiliser de manière beaucoup plus massive”, explique la responsable communication. Pour elle, les campagnes portées par les associations environnementales ne sont pas suffisantes. Elles devraient davantage passer par les professionnels de santé.
L’entrepreneuriat au service de l’innovation !
Pour permettre aux personnes menstruées de réduire leur impact environnemental et de protéger leur santé, d’autres alternatives innovantes voient le jour. Parmi elles : Lubia. C’est une marque, dont le fondateur Théo Kack Kack, a été frappé par la dangerosité des protections hygiéniques. Cette dangerosité est tant pour la santé des femmes que pour l’environnement. Avec son équipe, il s’applique depuis 2021 à mettre au point des applicateurs de tampons hydrosolubles. Fabriqués à base d’alcool polyvinylique (PVA), un matériau qui se dissout dans l’eau, l’impact carbone de ces applicateurs serait divisé par 3. “Le meilleur moyen d’avoir un impact écologique positif, c’est d’amener les gens à changer leur consommation, explique le jeune entrepreneur, si on arrive à rendre les produits du quotidien plus écologiques en changeant leur production, les gens pourront devenir “plus écolos” sans forcément a avoir à changer drastiquement leur manière de consommer.”
“Si c’était un problème de mec, il y aurait des réglementations”
Mais durant le développement de son projet, une découverte frappe particulièrement Théo Kack Kack. Celle du manque de réglementation quant à la fabrication des protections périodiques. “Si c’était un problème de mec, on aurait déjà trouvé des solutions et il y aurait surtout des réglementations”, réagit-il.
En effet, selon un rapport de l’Anses : “En Europe, il n’existe pas de réglementation spécifique encadrant la composition, la fabrication ou l’utilisation des produits de protection intime.” L’Union européenne a repoussé la révision d’un règlement Reach qui devait pourtant avoir lieu avant la fin de la mandature. Créé en 2007, ce règlement européen répertorie, enregistre et évalue les substances chimiques présentes dans les jouets, le maquillage, les peintures ou encore les produits d’hygiène féminine. “C’est assez dramatique, proteste Manon Richert, ce règlement n’est pas à jour et doit être réformé“.
À l’échelle du pays, pour l’association Zero Waste France, les pouvoirs publics ont encore un gros travail à faire. Justement, en mars 2023, la Première ministre Élisabeth Borne annonçait le remboursement par la sécurité sociale des protections hygiéniques réutilisables à partir de 2024. Mais cette mesure n’est pour beaucoup pas suffisante. La chargée de communication questionne : “Pourquoi cantonner ce remboursement aux femmes de 25 ans et moins ? Les personnes menstruées le sont jusqu’à la ménopause, soit 50 ans environ.” Pour elle, c’est un premier pas dans la bonne direction mais cette annonce reste à concrétiser.