Le journal pour les jeunes, par les  jeunes

Regain de tensions sociales chez Orange, faut-il craindre le retour des années 2008-2009 ? 

Peu de temps après la condamnation définitive de Didier Lombard et Louis-Pierre Wenès par la Cour de cassation, il semble que le trouble se soit invité de nouveau dans la maison Orange.

Partagez ce post

Photo de Yan Krukau: pexels.com
Photo de Yan Krukau: pexels.com

Le 21 janvier dernier, l’ex-patron et son numéro 2 ont tous deux été condamnés à un an de prison avec sursis ainsi que 15 000 euros d’amende chacun pour cause de “harcèlement institutionnel” dans l’affaire des suicides qui ont frappé l’entreprise au cours des années 2008-2009. En effet, ce ne sont pas moins de 35 salariés qui ont mis fin à leurs jours durant cette période. La justice eut alors fait état d’une politique “jusqu’au-boutiste” et des “méthodes interdites”. Ces suicides sont le résultat d’une volonté de pressurisation et de dégradation des emplois de leurs salariés, dont 16 000 ont été supprimés au cours des 2 ans qui ont précédé ces suicides. 

Si cette sombre période semblait appartenir au passé, la situation actuelle se dessine toutefois sous des traits similaires. De fait, ce sont 4 salariés d’Orange qui ont mis fin à leur jours en l’espace de quelques semaines seulement, portant leur nombre à 8 sur l’année 2024. Et dix pour 2023. 

Un climat anxiogène

Le syndicat majoritaire de l’entreprise, la CFE-CGC, a tenu à s’exprimer sur ce contexte délicat. Un “climat anxiogène” s’est, selon lui, emparé de l’entreprise. C’est pourquoi il a publié, début février, un sondage réalisé auprès de 8 000 salariés, afin d’en savoir plus sur les origines de cette situation. Il en est ressorti “une défiance quant au discours de la direction, une réelle inquiétude quant à l’avenir et un désengagement profond, motivant une volonté de quitter l’entreprise au plus vite” pour les employés. 

Le fond de l’air est-il pour autant le même que durant les “années Lombard” ? Actuellement non, si on s’en tient à l’avis d’Olivier Berducou, délégué syndical central CFDT chez Orange : “Nous sommes très vigilants, mais je n’observe pas aujourd’hui de harcèlement institutionnalisé comme ce fut le cas dans les années 2000”. Nonobstant, une enquête triennale est menée en parallèle sur les conditions de travail. La précédente eut des conclusions similaires à celle menée par la CFE-CGC, faisant état d’une augmentation des inquiétudes pour l’emploi chez les employés, mêlée à une baisse du sentiment d’appartenance. 

L’entreprise aux 40 milliards d’euros de chiffres d’affaires tient à se justifier et rappelle les efforts entrepris pour tourner définitivement le dos à cette période. “Nous comptons dix fois plus de médecins du travail que la moyenne des entreprises françaises, et environ 500 personnes dans la prévention – assistants sociaux, psychologues, etc” souligne Vincent Lecerf, le DRH du groupe.

Des résultats mitigés

Si les suicides qui ont lieu chez Orange ne peuvent être d’origine mono-causale, l’explication principale peut cependant se trouver au sein même de l’entreprise. Celle-ci a connu une baisse des effectifs de 30% en une décennie seulement, contraignant les employés restants à des cadences infernales. De 102 000 en 2013, les emplois ont chuté à 71 000 en France en 2024. 

Cette baisse des effectifs est à lier à l’atonie du marché français, au sein duquel tout le monde ou presque est doté d’un téléphone portable. De même pour la fibre, qui couvre déjà 95% du territoire national. Les marges de manœuvre se réduisent au fil des années pour l’entreprise. A cela s’ajoute une rude concurrence sur ce même marché qui a connu une baisse des prix des forfaits mobiles de 35% en un an. 

L’arrivée de Christel Heydemann aux manettes du groupe en avril 2022 a permis de redresser la barre. Le résultat net a crû de 10 % entre 2022 et 2024, passant de 2,6 à 2,9 milliards d’euros. Quant aux dividendes, ceux-ci sont restés stables, aux alentours de 1,9 milliard d’euros par an sur ces trois années. La nouvelle directrice générale fait la chasse aux économies, et n’hésite pas à supprimer le plus de boutiques possibles, quitte à affecter profondément la vie de ses salariés, contraints de travailler toujours plus. 

Effectivement, plus de 300 boutiques ont été transférées à Orange Store, filiale du groupe aux conventions collectives moins favorables aux salariés que chez l’entreprise mère. Sébastien Crozier, délégué syndical CFE-CGC a tenu à s’exprimer sur cette politique : “Le discours sur la « transformation » du groupe est une novlangue pour justifier la course au profit et les plans de violence sociale, fondés sur la délocalisation et la sous-traitance. Si un technicien installe la fibre chez vous, il y a huit chances sur dix que ce ne soit pas un salarié d’Orange. De même pour la personne qui vous répond au centre d’appels.”. 

Il est aujourd’hui à prévoir que ces situations pour les salariés risquent de se multiplier à travers le pays, marqué par des vagues terribles de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Ceux-ci sont au nombre de 300 depuis septembre 2023 selon la CGT, menaçant près de 300 000 emplois en France, dont les salariés d’Arcelor Mittal ont pâti dernièrement.  

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Total
0
Share

CSMAG, votre point actu’ mensuel !

Nous souhaitons faire de ce magazine le reflet de l’esprit de CSactu, en y intégrant toute nos nouveautés : articles de fond, podcasts, émissions sur Twitch, conférences et bien plus encore. 

Chaque mois, nous nous engageons à vous offrir un magazine qui, tout en valorisant le travail de notre rédaction, mettra en lumière l’ensemble des initiatives portées par CSactu.