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Le journal pour les jeunes, par les  jeunes

Alain Rousset : ” L’intérêt de la décentralisation et de la régionalisation, c’est la co-construction des politiques publiques ! “

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CSactu

Mardi 30 août 2022, CSactu est parti à la rencontre du Président de la région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset. Des valeurs du catholicisme social à des questions plus contemporaines, comme l'avenir du PS de nos jours en passant notamment par des questions sur la décentralisation et sur son environnement politique. Voici un panorama non-exhaustif des questions auxquelles Alain Rousset a accepté de répondre dans le but de dresser un portrait historique de l'homme politique mais aussi de comprendre les valeurs qui le motivent au quotidien pour exercer sa fonction. Nous avons également pu lui poser quelques questions sur la jeunesse, thématique importante pour notre journal, afin de conclure cet échange. Ainsi, nous vous proposons ainsi de découvrir « l'ADN » d'Alain Rousset.

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Alain Rousset, Président de la région Nouvelle-Aquitaine, dans son bureau, au moment de l'interview - Aurélie Augé/ Région Nouvelle-Aquitaine
Alain Rousset, Président de la région Nouvelle-Aquitaine, dans son bureau, au moment de l'interview - Aurélie Augé/ Région Nouvelle-Aquitaine
À la lecture de votre biographie, nous constatons que vous avez grandi dans un milieu plutôt tourné vers le gaullisme et que vous avez été éduqué dans le catholicisme militant. Pourtant, vous avez fait le choix de rejoindre le Parti socialiste à l’âge de 22-23 ans, pouvez-vous nous expliquer celui-ci et en quoi y retrouvez-vous les valeurs du catholicisme militant qui vous ont été inculquées ?

D’abord, je suis originaire des Monts du Lyonnais, non loin de Lyon et la Savoie, donc des lieux de résistance. Cette histoire amène naturellement à ce que le Général de Gaulle a pu représenter, à un moment donné, y compris pour le monde ouvrier.

Après, sur le catholicisme, c’est une affaire familiale. Je me retrouve assez dans les engagements de la JOC ou de la JEC bien évidemment, même si je n’y ai pas adhéré. Je m’interroge toujours sur le pourquoi d’ailleurs. La relation que j’ai développé avec ce catholicisme social et les valeurs de bienveillance, de solidarité, d’être tourné vers les autres, vers l’accueil, éloigné de tout racisme, mène naturellement vers le Parti Socialiste. On ne peut pas à la fois aller à la messe et puis dans le même temps vilipender, dès qu’on est sorti de la messe, les migrants, la souffrance, les pauvres ou celles et ceux qui traversent des difficultés et que l’on n’accompagne pas.

Vous avez également travaillé pour André Labarrère et Philippe Madrelle comme directeur de cabinet de ces deux présidents successifs de la région Aquitaine de 1979 à 1985. Est-ce que cette première expérience dans la fonction publique vous a donné l’envie de tenter l’aventure de devenir un homme politique en briguant votre premier mandat électif à la mairie de Pessac quelques années plus tard, en 1989 ?

Il se trouve que dans mon village natal, je m’étais déjà présenté comme conseiller départemental, donc j’avais déjà cette envie de participer à l’action publique, de la porter. Peut-être que l’expérience que j’ai acquise, venant d’un milieu ouvrier et connaissant bien le monde agricole aussi, puisque j’y ai beaucoup de famille et que j’y ai passé toutes mes grandes vacances de mes 6 ans à mes 15 ans, m’a également poussé vers ce désir.

Le contact avec un certain nombre de personnalités politiques, vous citez dans votre question André Labarrère et Philippe Madrelle, amène à s’intéresser à la chose publique et ce qui m’importe dans la chose publique, c’est l’action. Ce n’est pas du tout la politique politicienne, qui est malheureusement le lot de la plupart des hommes et femmes politiques – et le centre des débats politiques aujourd’hui – qui m’a donné envie de devenir un homme politique. Donc, briguer une mairie après des attentes d’un certain nombre de militants de Pessac a fait partie de ma démarche.

Le 20 mars 1998, vous êtes élu pour la première fois Président du conseil régional de la région Aquitaine. De nos jours, vous occupez encore ce poste pour la région Nouvelle-Aquitaine née de la réforme territoriale de 2015 impulsée par François Hollande. Comment visualisez-vous votre rôle de Président de région et quels sont les domaines de « la chose publique » qui vous passionnent ?

Le Président du Conseil régional est un peu le maire de la région avec deux différences. La première, c’est que la Région a des compétences spécifiques et cela a son importance. Une mairie a des compétences plus globales auxquelles s’ajoutent une part d’urbanisme, le social, les services publics locaux par exemple.

Ensuite, je suis naturellement attiré par le domaine des entreprises, suite à une expérience professionnelle de reconversion industrielle que j’ai pu vivre avec les entreprises pendant une dizaine d’années. Ce qui m’intéresse, ce sont les aspects d’emploi, de technologies, de réindustrialisation. La région Nouvelle-Aquitaine a été celle qui a créé le plus d’emploi industriels nets en France en 2019, soit 36%.

Donc cette appétence pour la compétence économique, autour de la recherche, la formation, l’innovation et aujourd’hui, bien entendu, tous les défis qui se posent autour de la transition énergétique et écologique, la qualité de vie au travail comme source de compétitivité et de productivité, la question de la souveraineté dans un certain nombre de productions avec l’exemple des médicaments et l’électronique, tout cela est mon cheval de bataille et fait partie de mon ADN.

Lorsque vous êtes entré pour la première fois dans les locaux de l’Hôtel de la région Aquitaine en tant que nouveau Président de région, quel a été votre ressenti ?

Énormément de fierté parce que j’ai participé, avec d’autres amis, autour d’André Labarrère puis de Philippe Madrelle, aux premières lois de décentralisation. Donc au passage entre un établissement public où l’Assemblée régionale était plutôt composée d’élus au deuxième degré, c’est-à-dire des conseillers départementaux, des députés, des sénateurs, des maires de villes de plus de 10 000 habitants, et où l’on voyait les limites de l’action régionale parce que l’établissement public n’amenait pas à des stratégies régionales sur le plan industriel, mais au bouclage de plans de financements d’un certain nombre de projets qui étaient dans les territoires, à un établissement qui est force de propositions sur le plan politique. Ce qui ne signifie pas que ces projets ne sont pas accompagnés aujourd’hui, pour peu qu’ils rentrent dans les compétences régionales.

J’ai voulu démontrer que, comme les autres régions européennes, et nous avons beaucoup moins de moyens à notre disposition, la région Nouvelle-Aquitaine pouvait émettre des politiques et pas seulement distribuer des subventions.

Pour rebondir sur votre propos précédent, quel est votre positionnement sur la question de la décentralisation qui s’opère progressivement en France depuis les années 90 et quel bilan en faîtes-vous aujourd’hui ?

La décentralisation est un phénomène qui s’est complètement arrêté et elle a même régressé avec Emmanuel Macron. C’est une de mes grandes déceptions ! D’ailleurs, nous ne savons plus « qui fait quoi » ! Nous n’avons pas poursuivi ce que François Hollande a voulu faire en spécialisant les compétences des régions. Tout est dans tout et réciproquement, donc nos concitoyens, ne s’y retrouvant pas, ne vont plus voter ! Donc la décentralisation est à l’arrêt aujourd’hui. Tout cela s’est transformé en une peau de léopard, même si les régions essayent de maintenir des stratégies sur les transports ferroviaires, le développement économique et l’innovation, la transition écologique etc. Aujourd’hui, il y a une vraie crainte ! En plus, le retour qui avait été proposé par Nicolas Sarkozy du poste de conseiller territorial ramènerait la région 40 ans en arrière…

Au travers de cette question de la décentralisation, comment définiriez-vous le rôle de la Région ?

La région doit porter des politiques d’avenir ! Elle a été conçue dans les années 60, à l’exemple de tous les pays démocratiques. Tous les pays démocratiques sont décentralisés voire fédéraux. Seule la France est un pays centralisé. Il y a un commencement aujourd’hui de décentralisation en France mais, il y aura, un jour, une contradiction entre le centralisme, le jacobinisme et la démocratie.

Pour vous parler des résultats de la décentralisation, je vais vous donner deux exemples : le premier, la réhabilitation des lycées. En 2005, les lycées, les collèges sont dans un état où, à l’époque, on les appelait « les collèges Pailleron » car ils brûlaient régulièrement. Les régions ont multiplié par 6 ou 7 les financements de construction, de réhabilitation, de modernisation d’équipement des lycées.

Deuxième exemple : le transport ferroviaire. En 2000, sous le gouvernement de Lionel Jospin, les TER étaient dans un état déplorable. C’était également la fermeture des lignes, aussi voulue par l’État. Les régions ont permis de ressusciter les TER et aujourd’hui, nous avons un plan d’investissement de près de 2 milliards d’euros. Nous allons également acquérir dans quelques jours 15 nouvelles rames TER. Tout le matériel a été renouvelé sauf les infrastructures qui ne relèvent pas de la compétence des régions mais sur lesquelles nous devons intervenir si nous voulons que les trains continuent de rouler. Or, le ferroviaire, c’est la première réponse au réchauffement climatique.

Comment appréhende-t-on le fonctionnement d’une collectivité territoriale tel que celui d’une région lorsque l’on est Président de région ?

Vous arrivez à cette responsabilité avec un background. Mon background industriel, de maire, de conseiller général mais aussi avec une partie des études que vous avez pu faire et avec les contacts que vous avez pu obtenir. Il y a également l’Association des Régions de France que j’ai présidée durant 12 ans d’ailleurs qui est effectivement là pour relayer les positions des régions, synthétiser leurs problèmes et promouvoir un retour de la décentralisation.

Encore une fois, un pays centralisé est un pays bloqué, un pays qui se révolte ! D’ailleurs, en 1969, lorsque le Général de Gaulle a lancé son référendum de régionalisation après le mouvement de Mai 68, il avait bien compris cela. Il a eu le tort d’y rajouter la réforme du Sénat qui a tué cette aventure et cette modernisation que le ministre Jeanneney avait porté à l’époque.

Cela passe également par le travail, par le contact avec les paysages et les gens, les entreprises, les agriculteurs, tout le mouvement associatif. En structurant parfois le mouvement associatif, industriel, agricole à l’échelle régionale dans le but de co-construire des politiques publiques.

L’intérêt de la décentralisation et de la régionalisation, c’est la co-construction des politiques publiques ! Et c’est ce que nous avons réussi à faire au sein de la région Nouvelle-Aquitaine en réindustrialisant un territoire. Nous constatons, avec mon équipe, que le taux de chômage est toujours plus bas et que nous créons des emplois de qualité tout en accompagnant les entreprises dans leur transition de décarbonation climatique, de RSE etc. Il faut avoir la passion, il faut avoir l’envie, il faut avoir des idées.

Selon vous, quelles solutions devraient être mises en avant par le gouvernement pour que ces politiques publiques puissent se co-construire correctement, fonctionner et pour que nous puissions aller vers l’idéal de décentralisation que vous prônez ?

Il appartient à une volonté politique nationale de le faire. Cette politique nationale, par l’hyper-centralisation qu’Emmanuel Macron a produite, est en totale contradiction. Je pense d’ailleurs que le mouvement des Gilets Jaunes, qui était une agglomération de revendications, fait qu’en l’état de l’organisation des pouvoirs publics, il n’y a pas de solutions. On a dépensé 13 milliards d’euros pour éteindre l’incendie mais il n’y a eu aucune réponse à ce qu’il y a en dehors de la non-augmentation de la TICPE. Il n’y a eu aucune solution qui ait été proposée pour répondre aux problèmes du quotidien – ou ceux de l’avenir – portés par le mouvement des Gilets Jaunes.

Donc, c’est cela qu’il faut essayer. Le problème, c’est celui de l’organisation et non pas celui des personnes. Le modèle d’organisation français jacobin est un modèle colonial. Michel Rocard l’exprimait déjà en 1966 sous le pseudonyme de « Georges Servet » dans l’article intitulé Décoloniser la province, que je vous recommande de lire.

Pour lire Décoloniser la province :https://www.institut-tribune-socialiste.fr/wp-content/uploads/1966/04/66-12_RocardDecoloniser.pdf

Nous allons passer à un temps de réflexion sur des thématiques d’actualité à présent. Le Parti Socialiste a fait le choix de s’allier à la NUPES lors des élections législatives. Est-ce que cela a impacté l’hémicycle de la région et quel est votre avis sur ce choix ?

Cela n’a absolument pas eu d’incidence sur le fonctionnement de la majorité à la région ni le fonctionnement de l’hémicycle puisqu’il n’y a pas de groupe LFI à la région.

Maintenant, la revendication populaire de l’Union de la gauche, qui a été le combat de François Mitterrand, est une revendication que je partage. Pour autant faut-il, notamment au niveau du Parti Socialiste auquel j’appartiens, qu’il y ait une nouvelle analyse de la société et une forme de feuille de route qui soit débattue, discutée.

Si vous lisez le journal Le Monde, vous constaterez que nous avons aujourd’hui énormément de chercheurs et d’intellectuels qui proposent des pistes et je suis très étonné que mon parti ne se saisisse pas de cette production intellectuelle, de cette analyse de la société, pour transformer cela en projet politique. Il faudra donc des initiatives pour changer cela.

D’autre part, en vous tenant ces propos sur la décentralisation, je pense que c’est aussi quelque chose qui me différencie assez notablement des idées de Jean-Luc Mélenchon.

Au sein de la région Nouvelle-Aquitaine, lors des dernières élections législatives, nous avons constaté une percée historique du Rassemblement National avec des scores inédits dans plusieurs départements. Comment expliquez vous cette montée en puissance du RN dans des terres plutôt acquises au PS et à l’UMP historiquement parlant ?

Écoutez, j’ai plutôt envie de commenter le résultat des élections régionales où le Front National à l’époque, était à 18 % au premier tour et de 19 % au second tour en ayant pour tête de liste Edwige Diaz. Donc, lors des élections régionales, nous n’avons pas constaté le succès qu’a obtenu le Rassemblement National de nos jours.

L’explication, selon moi, vient de ce que je vous évoquais concernant l’absence de réponses aux revendications et aux questions que les Gilets Jaunes ont soulevées. Donc, les électeurs se sont dit :

« Nous avons essayé la gauche, nous avons essayé la droite, alors pourquoi pas un parti raciste ? » Ce qui serait, à mon avis, terriblement dramatique pour le pays ! Nous voyons d’ailleurs que les régions résistent mieux à un parti d’extrême droite qu’au niveau national.

Dernier point, le monde populaire et les milieux modestes vivent mal. Ce n’est pas forcément une adhésion au programme du Rassemblement National. Cependant, le Rassemblement National est devenu, ce sont les statistiques qui le montrent, le premier parti des ouvriers, des syndicalisations, des politisations etc.

Je crois donc qu’il est temps que l’on marche sur les deux jambes ! C’est-à-dire qu’il faut que l’on accompagne ceux qui créent, produisent, que cela soit les agriculteurs, les industriels, les entreprises etc. et qu’il faut, dans le même temps, accompagner ceux qui souffrent !

Je suis également atterré par la bêtise d’un certain nombre de débats aujourd’hui ! La « ciottisation » de la vie publique, du débat public est une absurdité qui ne s’appuie sur rien ! Vouloir baisser, selon sa proposition, le niveau de l’imposition sur les successions, nous savons que c’est une catastrophe et que cela ne produit que des héritiers. De plus, dans les faits, plus de la moitié des Français ne payent pas d’impôts sur les successions parce qu’ils ne possèdent rien. Ainsi, on voit bien qu’automatiquement, avec cette proposition, on va favoriser les plus riches. Et favoriser les plus riches du pays ne peut qu’entraîner la colère du pays !

À titre personnel, je n’ai jamais confondu compétitivité et cupidité et il y a un problème aujourd’hui dans les distinctions entre ces deux notions également. On le voit par les propos tenus par un économiste qui n’est pourtant pas classé à gauche quand il évoquait que le fait de supprimer la Flat Tax ou autrement dit, la baisse des impôts sur la production, n’avait donné aucun investissement nouveau. Il faut donc que tout le monde réfléchisse à cela.

Quand on regarde les séries de statistiques sur plus d’un siècle, on s’aperçoit qu’un pays qui est plus juste est un pays qui croît dans la croissance. Même s’il faut la redéfinir, un pays qui croit en cela est un pays plus fort ! Même sur le plan économique, c’est une ânerie. L’inégalité est non seulement un drame social quand elle est portée telle qu’elle est aujourd’hui, doublée d’une ânerie économique !

Avant de passer à la thématique de la jeunesse, je vais vous poser une dernière question sur vos prises de positions. Quel est votre avis sur le qualificatif de « socialiste atypique » qui vous a été consacré par le journal l’Express ?

Je crois que c’est plutôt sur l’action que j’ai menée ici sur la recherche, où l’on a créé de vrais instituts de recherche à l’initiative de la Région, et non de Paris, qui a mené à ce que l’on me prête ce qualificatif.

La bataille que je mène aujourd’hui, c’est de créer une cinquième école vétérinaire en France parce que l’on forme 52 % des vétérinaires à l’étranger. Il y a un projet d’école privée qui est une stupidité car le coût de la formation s’élève à 18 000 euros. Est-ce que les fils d’agriculteurs, pour qu’ils reviennent en milieu rural soigner les animaux, pourront y venir ? C’est la question que je me pose.

Je m’arrête là, parce que l’on est dans des choix politiques. Mais, c’est peut-être cette relation à la réindustrialisation, à la recherche que nous devons poursuivre. Pour illustrer le travail que nous menons avec les équipes de la Région et les chercheurs, nous avons mobilisé 450 scientifiques sur l’analyse du réchauffement climatique, la documentation de ce phénomène et cela depuis plus de 12 ans. Grâce à cela, aujourd’hui, l’ADN de la Région, que ce soit dans le domaine industriel, de la formation, de la recherche est lié à la lutte contre le réchauffement climatique et à l’adaptation.

La notion de « socialiste atypique » est peut-être liée à mon intérêt pour les usines et l’activité économique finalement.

À présent, nous allons passer à la thématique de la jeunesse si vous le voulez bien. Vous avez pris position en faveur de la jeunesse dans de multiples interviews notamment chez France Bleu où vous avez lancé un appel aux entreprises à accueillir des jeunes en stage par exemple. Ainsi, quelles seront les mesures phares que vous proposeriez à destination de la jeunesse durant ce mandat ?

Nous sortons d’un séminaire avec des élus et nous avons beaucoup travaillé sur la question de la jeunesse. Il n’y a pas une seule mesure, plusieurs mesures peut-être, que nous pouvons proposer à destination de la jeunesse.

Il faut que la Région puisse vraiment avoir la compétence de l’orientation, du logement des jeunes qui est un des principaux obstacles à l’ascension sociale. Nous avons travaillé sur beaucoup de sujets liés à la jeunesse comme celui de la lutte contre le décrochage scolaire, ou l’offre de la boîte à outils pour les étudiants en lycées professionnels.

Mais je crois, et cela peut paraître étrange en France, qu’il faut que l’éducation soit une compétence régionale à la lumière de ce qui existe dans tous les pays européens et démocratiques. Il ne s’agit pas de mettre en cause les diplômes nationaux mais de donner la possibilité aux Régions d’agir sur ce domaine au vu de son expérience et de sa proximité avec les réalités qui émanent du terrain.

Quand on voit la place de la France dans le rapport PISA sur l’égalité des chances et l’ascenseur social, qui fait partie de la respiration d’une société, on en traduit que si vous venez d’un milieu modeste, vous êtes bloqués dans un milieu modeste. Une société ne peut pas tenir dans ces conditions selon moi.

Je suis également très inquiet par une réforme qui arrive un peu vicieusement et qui porte sur les lycées professionnels. Les lycées professionnels se sont transformés, nous y avons investi massivement et ils basculent progressivement, pour partie, vers l’apprentissage et on est en train, aujourd’hui, de les mettre sous la responsabilité non pas du ministre de l’Éducation Nationale, mais sous celle du ministre délégué chargée de l’Enseignement et de la formation professionnelle qui est rattachée au près du ministère du Travail. Tout cela est inquiétant !

Durant vos divers mandats, nous pouvons constater que la thématique du transport a été importante, ainsi, quel est votre avis sur le fait que le Pass Jeune TER n’ait pas été renouvelé cet été sur décision de Régions de France ?

Régions de France ne peut pas décider pour une région. Notre décision est issue simplement du résultat de la comparaison que l’on a faite entre différents dispositifs. Les jeunes sont toujours aidés ! Ces dispositifs portent juste d’autres noms, c’est un problème de sémantique si vous voulez.

En tout cas, la stratégie ferroviaire, qui est une stratégie de socle dans la lutte contre le réchauffement climatique est une des priorités de la Région Nouvelle-Aquitaine. Nous avons voulu aller au-delà d’une nos compétences, qui est celle d’assurer le service des TER en rénovant les voies des lignes de dessertes du territoire. Nous avons consacré près d’1 milliard d’euros dans une convention que nous avons passé il y a 2 ans avec l’ancien Ministre des Transports, sur la question de la rénovation ferroviaire et cela sans qu’il y ait de ressources affectées à cette compétence.

En tant que Président de la région Nouvelle-Aquitaine, auriez-vous un ou des conseils de lectures à donner à nos lecteurs et / ou des personnalités politiques que vous recommanderiez de suivre sur les réseaux sociaux ?

(Alain Rousset prend un temps de réflexion avant de répondre à la question) Je suis, à titre personnel, très attaché aux livres d’Histoire. Ainsi, j’ai lu récemment une production initiée par Le Monde concernant l’œuvre de Jules Michelet, grand historien du XIXe siècle, intitulée Histoire de la Révolution française.

J’ai également lu deux fois Les routes de la soie du professeur britannique Peter Frankopan qui est, selon moi, l’un des plus grands ouvrages d’Histoire de ces 15 ou 20 dernières années. Je vous conseille vivement de le lire !

Pour vous parler d’un autre ouvrage historique, je pense également à l’Atlas historique mondial de Christian Grataloup. Cet atlas retrace l’Histoire depuis l’origine de l’humanité avec notamment Homo Erectus, parle des migrations etc.

Ainsi, c’est intéressant de voir ce qu’était la Méditerranée, ce qu’était la Chine, les migrations. C’est d’autant plus intéressant, vous savez, quand vous regardez ce qui se passe aux États-Unis avec les suprémacistes blancs contre les peuples indigènes. Quand vous regardez comment étaient peuplés les États-Unis et l’Amérique du Sud avec la répartition des différentes tribus au XVIe – XVIIe siècle, tout cela est assez fascinant. De plus, se dire que Christophe Colomb, aujourd’hui, après l’analyse que l’on a de la colonisation … Enfin bref, tout ça me semble tellement grotesque, bizarre …

Du côté des romans, j’ai également lu récemment Voyages au centre de la Terre de Jules Verne.

Quel message souhaiteriez-vous délivrer à la jeunesse et/ou à un jeune qui souhaiterait s’engager en politique ?

Je suggère qu’il s’engage d’abord dans le mouvement associatif. Nous avons un besoin de bénévoles, que cela soit dans le domaine du sport, que cela soit dans son quartier de résidence, dans les associations caritatives. Un engagement syndical peut également être une bonne piste. Un parcours comme le vôtre est aussi une bonne illustration de ce que signifie la notion de s’engager.

Je pense que s’engager en politique sans s’être engagé dans une expérience sociale ou sociétale va limiter le parcours et va amener le parcours à être trop idéologique.

À titre personnel, je rêve de présider une ONG sur l’agriculture des pays en voie de développement !

Quel est votre avis sur les initiatives comme CSactu qui proposent « un journal pour les jeunes, fait par les jeunes » ?

Je n’en pense que du bien !

Pour conclure cette interview, souhaiteriez-vous revenir sur un point qui a pu être oublié d’être évoqué durant cet entretien et/ou nous confier une exclusivité ?

Écoutez, je crois que nous avons balayé beaucoup de sujets. Vous avez réellement travaillé votre entretien et c’est ce que j’avais noté en le préparant car vous avez des questions qui portent sur du personnel, de l’action publique, du politique, de la décentralisation, des questions qui me permettent d’évoquer le monde industriel, un peu d’extrême-droite aussi. Ainsi, merci d’avoir été si complet ! Vous m’avez permis d’évoquer l’essentiel de ce qui me tenait à cœur… et même un peu plus !

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