« Le Hamas a une action légitime du point de vue du droit international ». Tels sont les termes utilisés par l’eurodéputée de La France Insoumise Rima Hassan sur les antennes de Sud Radio le 27 février. Elle appuie notamment son propos sur une résolution de l’Organisation des Nations unies datant de 1973 qui légitime la « lutte armée dans un contexte de colonisation ».
« Ce droit est parfaitement encadré, vous n’avez pas le droit de prendre en otage des civils et de commettre des exactions telles qu’elles ont été commises« , met-elle en exergue dans la suite de son intervention
Le gouvernement outré
Ces quelques mots ont suffi pour faire réagir plusieurs membres du gouvernement. Tout d’abord, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau qui s’est insurgé d’une telle prise de parole sur X en écrivant qu’il signalerait « à la procureure de la République de Paris ces propos qui relèvent de l’apologie du terrorisme« . Mais il n’est pas le seul à être monté au créneau. Deux de ses camarades du gouvernement ont aussi pris la parole : François-Noël Buffet, ministre délégué auprès du même Bruno Retailleau et Patrick Mignola, ministre chargé des Relations avec le Parlement.
Une sanction évoquée
François-Noël Buffet n’a pas mâché ses mots sur les antennes d’Europe 1. Ce dernier a évoqué une possible sanction : celle de la déchéance de nationalité, « s’il advenait qu’elle soit condamnée pour de tels faits et pour de tels motifs, il faudrait s’interroger sur la question« . Mais alors, cela est-il vraiment possible, CSactu vous explique.
Pour y voir plus clair
Si l’on veut y voir plus clair, il faut tout d’abord définir ce qu’est la déchéance de nationalité. Pour le juriste Paul Lagarde, « la déchéance de la nationalité française est la sanction qui consiste à retirer à un individu qui l’avait acquise la nationalité française, en raison de son indignité ou de son manque de loyalisme« . Même si le terme sanction est ici utilisé, cette perte de nationalité peut-être aussi demandée par un individu de son plein gré. Reste à savoir si celle-ci est applicable dans le cadre de la sortie médiatique de Rima Hassan
Une incompatibilité judiciaire claire
« Étant donné que Rima Hassan était apatride avant d’obtenir la nationalité française en 2010, il est tout simplement impossible de la déchoir de sa nationalité puisqu’il faut au moins deux nationalités pour subir celle-ci. Concrètement, quand je regarde les conditions de la déchéance de nationalité, elles n’apparaissent pas remplies », explique Karine Shebabo avocate au barreau de Paris depuis plus de vingt ans exerçant en droit pénal, droit des étranger·es et droit de la famille. Ces menaces ne seraient donc pas juridiquement justifiées assez étonnant lorsque l’on prend en compte que ce sont des membres du gouvernement eux-mêmes qui ont affirmé cela.
Un effet d’annonce et puis c’est tout.
« C’est toujours pareil, c’est un effet d’annonce, mais ça vous en avez tous les jours avec M. Retailleau et avec M. Darmanin. C’est pour faire croire qu’on agit, donc on brasse de l’air et on va faire croire qu’il va y avoir une réponse. Certes le comportement de Rima Hassan est problématique au regard de son statut de députée européenne, mais c’est un point de vue politique si vous voulez, il n’y a aucun besoin de s’attaquer à sa nationalité française« , met en exergue l’avocate.
Un exemple frappant
Pour continuer sa démonstration Maître Shebabo utilise un exemple bien précis de ces fameux effets d’annonce utilisés par le gouvernement qui sont finalement seulement des fausses informations.
« Leur dernier projet de loi encore en cours est d’interdire le mariage avec des Français pour des personnes en situation irrégulière pour éviter que ces derniers acquièrent les papiers suite à cette union. Mais lorsque vous vous référez à la Cour nationale du Droit d’Asile, vous allez vous rendre compte que ce n’est pas du tout le cas. Si je suis marié avec un.e Français.e et que je suis rentré en situation irrégulière en France, je n’ai aucun papier après le mariage . Dès qu’un expert va se pencher sur la question, il va se rendre compte qu’en fait, c’est la montagne qui a accouché d’une souris. Il utilise toujours la même rhétorique et cela est très inquiétant. Il s’agit de mensonges«
Un risque de condamnation
Si Maître Shebabo condamne fermement la demande de déchéance de nationalité pour Rima Hassan car elle est tout simplement impossible juridiquement, elle ne met pas hors de cause pour autant la députée européenne de La France Insoumise. « Une plainte pour apologie du terrorisme n’est pas inenvisageable et si les faits sont avérées elle pourrait bien sûr être sanctionnée, il ne faut juste pas inventer des sanctions qui n’existent pas dans le cas de Rima Hassan«
Si jamais une plainte pour apologie de terrorisme venait à être portée, ce ne serait pas une première pour Rima Hassan qui a déjà été poursuivie pour ce chef d’accusation. L’une d’entre-elle émanait notamment de l’association Observatoire juif de France suite à ce tweet : « Si les Franco-Israéliens sont autorisés à servir dans l’armée israélienne tout en jouissant des acquis de la double nationalité« , alors « tout Franco-Palestinien doit pouvoir rejoindre la résistance armée palestinienne. » L’eurodéputée LFI n’en est donc pas à son coup d’essai. Reste à savoir si la justice va cette fois-ci la sanctionner ou non, la seule chose dont on est sûr est que la déchéance de nationalité ne pourra pas être appliquée. Résultat, même le gouvernement peut proliférer des fake news…