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Iran : Ces femmes à la recherche de liberté

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Marie Mir

En Iran, Nika Shahkarami et Mahsa Amini, deux jeunes femmes tuées par la police des moeurs ont déclenché une vague féministe envahissant le pays. Face au régime patriarcal et répressif de l’Etat Islamique en Iran, jeunes, parents et lycéens se mobilisent afin de faire régner leur droit et imposer leur liberté face au port du voile obligatoire.

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Manifestation contre le régime iranien à Istanbul, le 11 octobre dernier, suite à la mort de la jeune Mahsa Amini. ©2022/REUTERS/Murad Sezer
Nika Shahkarami et Mahsa Amini, deux noms gravés dans l’histoire

Le 1er octobre 2022, Nika Shahkarami, âgé de 16 ans, est secrètement enterrée par les autorités iraniennes. Quelques jours plus tôt, elle se rend à une manifestation à Téhéran où elle poste une vidéo d’elle-même brûlant son voile et militant contre le régime iranien. Portée disparue, puis finalement retrouvée morte, son histoire fait scandale dans tout le pays. 

Quelques semaines plus tôt, Mahsa Amini, âgée de 22 ans, fut interpellée et arrêtée par la police des mœurs à la sortie d’un métro. Cette police est un district particulier, cherchant à faire régner les lois autour de la tenue vestimentaire et du port adéquat du voile. Battue, elle finit par tomber dans le coma et décède trois jours après. Ainsi, le 16 septembre, Mahsa Amini fit une erreur qui lui coûta la vie : laisser dépasser quelques mèches de cheveux de son voile.

Aucun signe d’agressivité détectée, Mahsa Amini n’était pas en train de manifester mais elle représentait une victime parfaite, tout comme Nika Shahkarami. 

“Les filles de la rue de la Révolution” 

En 2017, la lutte contre le hijab avait déjà débuté. Au mois de décembre, Viva Movahed, une activiste pour le droit des femmes, descend dans la rue de la Révolution, ôte son foulard et le fait tournoyer sur un bâton. Ce geste fut reproduit par des milliers de jeunes femmes, souhaitant elles aussi, faire valoir leur opinion. Ces révoltes durent depuis 5 ans maintenant et continuent de s’inscrire dans une lutte historique et politique acharnée contre le port du voile. 

Elles militent pour leur droit, leur liberté, et continuent de s’indigner de cette répression régnant depuis de nombreuses années. De nombreuses violences sont également faites aux femmes, notamment l’harcèlement sexuel étant un gros problème. 

Un contexte socio-politique chaotique

Peu de libertés règnent au sein de la société iranienne : ❝La population contestataire n’a ni la prospérité économique, ni la liberté de choix, ni la liberté individuelle, ni la liberté collective, et se trouve dans une situation extrêmement délicate pour sa survie. Or, il y a un verrouillage total du système politique et judiciaire. Tous les pouvoirs sont aux mains des ultraconservateurs, et le régime, au lieu de répondre favorablement aux revendications, n’a fait que répondre par la répression. Est-ce que tout le monde est devenu féministe tout à coup? Probablement pas, mais les mécontentements déjà présents se sont greffés à cette histoire de Mahsa et des droits des femmes.❞ , explique la chercheuse et autrice de Femmes et pouvoir en Islam. 

https://www.slate.fr/story/234367/revolte-femmes-contestation-iran-hijab-voile-mahsa-amini-recuperation-ethnocentrisme-orientalisme

À cela s’ajoute un taux de chômage dépassant les 27% chez les jeunes et une inflation à plus de 40%. Le taux de pauvreté continue de s’embraser menant à une précarité générale de la population. 

Le troisième mouvement social d’avant-garde

Une vague de protestations inédite couvre l’intégralité du territoire touchant principalement les femmes, mais aussi les lycéennes venant s’ajouter à ce mouvement. Des photos de ces jeunes femmes en train de brûler leur foulard et de faire des doigts d’honneur à l’Ayatollah Khomeini et Khamenei régnant depuis plus de 45 ans, font le tour du monde. TikTok suit la cadence avec la trend montrant de nombreuses femmes se couper une mèche de cheveux en guise de soutien. 

Une vague de solidarité s’est alors installée tout autour de ces femmes. À l’échelle nationale mais également internationale, tous se rassemblent sur les places publiques afin d’exprimer leur contestation et mal-être.

Manifestation, dimanche 2 octobre 2022 à Paris, en soutien aux manifestants iraniens et à Mahsa Amini, décédée peu après son arrestation par la police des mœurs en Iran. © Aurélien Morissard, AP

Après deux vagues sociales d’avant-garde précédentes portant sur un mécontentement général de la population en 1979 et des élections électorales frauduleuses en 2009, cette dernière vague se déroule sous nos yeux depuis presque un mois. Les femmes en sont les principales leaders. Après de longues années où les hommes refusaient catégoriquement de porter soutien aux revendications politiques et sociales des femmes au sein du Moyen-Orient, ce n’est plus le cas en Iran. 

Ce mouvement est marqué par de nombreux hommes militant également contre ces injustices et répressions. Au premier rang réside le visage de jeunes femmes, au deuxième, ceux de jeunes hommes inquiets et indignés de la perte de si jeunes personnes. Ces jeunes sont suivis de près par l’ancienne génération, proclamant alors un ras-le-bol général de la population face au gouvernement. Lycéennes, étudiantes, hommes, femmes, parents, tous font un affront général au gouvernement. 

Cette entraide mutuelle entre hommes et femmes ne relève pas seulement de la sympathie ou encore de la compassion, elle témoigne d’un profond mal-être au sein de cette société, poussant chacun à agir afin de pousser ce mouvement à son maximum.  

Réprimés par le sang, ces citoyens ne peuvent faire valoir leurs opinions librement. 

Les autorités générales iraniennes optent pour une réponse classique mêlant répression, censure et arrestations. On comptabilise entre 92 et 156 personnes tuées incluant des hommes, des femmes et de nombreux mineurs, selon le dernier bilan de l’ONG Iran Human Rights. Similaire au modèle syrien, l’Etat Islamique répand la terreur au sein du territoire en tuant de jeunes innocents et contestataires. 

“Femmes, vie, liberté”

“Femmes, vie, liberté”, voici le slogan de ce mouvement, visant à mettre fin au régime iranien désirant contrôler le corps de ces nombreuses femmes. Ce slogan résonne dans les rues tel un cri de guerre, de colère et d’indignation, appelant toutes les femmes à se rebeller contre ce régime. L’Iran s’embrase au fur et à mesure des semaines, incitant les jeunes un peu plus chaque jour à lutter contre ces injustices.

Mise en évidence d’une affiche prônant le slogan “Femme, Vie, Liberté” au sein d’une manifestation en soutien aux manifestants iraniens © Patrice Lapoirie

Cette grande vague féministe dit non au voile obligatoire, considéré comme une contrainte insupportable signifiant une servitude insoutenable face au patriarcat inscrit dans leur société depuis des décennies. Le hijab est au cœur d’une bataille symbolique, que ce soit pour aller au travail, manifester ou simplement sortir, de nombreuses femmes bravent la loi de 1983 sur le voile obligatoire. Risquant leur vie, elles dénoncent l’instrumentalisation du port du voile. Chaque jour, leurs libertés diminuent de plus en plus. Au point que le code vestimentaire féminin et les punitions se sont largement resserrés : décrets et lois fusent depuis l’arrivée de l’ultraconservateur Raïssi en juin 2021. En effet, les violences faites aux femmes par des policiers se sont aussi largement multipliées. 

Que va-t-il se passer ? 

Quelles que soient les différences sociales qui peuvent exister, tous se mobilisent étant déterminés à faire valoir leurs droits et leurs libertés, créant ainsi un mouvement massif au sein de l’Iran. La plus grande difficulté réside tout de même dans le manque d’opposition structuré mais surtout dit “officiel”. En effet, les syndicats ont été interdits par le gouvernement, afin d’éviter les rébellions et contestations. Pourtant, cela n’empêche pas les citoyens d’agir et de manifester dans les rues. 

Nima Naghibi, professeure à l’université métropolitaine de Toronto a expliqué ceci : 

« Il est difficile de savoir si ce mouvement de protestation sera durable, et jusqu’à quel point le gouvernement poursuivra sa répression sanglante. Je pense que celui-ci est conscient que s’il recule maintenant, cela pourrait être le début de l’affaiblissement, voire du renversement du système. Il ne peut donc pas se le permettre, mais les manifestants ne semblent pas non plus avoir l’intention de s’arrêter ».

« Ce qui est terrifiant, c’est que nous avons vu depuis la révolution de 1979 que ce gouvernement n’a pas peur des effusions de sang. Il est cependant extraordinaire de constater qu’à maintes reprises, les jeunes femmes iraniennes n’ont pas eu peur de sortir dans la rue et de risquer leur vie pour obtenir les droits fondamentaux qu’elles méritent. », ajoute-t-elle.

https://www.slate.fr/story/234367/revolte-femmes-contestation-iran-hijab-voile-mahsa-amini-recuperation-ethnocentrisme-orientalisme

Pour l’heure, nul ne sait véritablement ce qu’il adviendra de ce mouvement mais une chose reste sûre : ces revendications sont des cris du cœur résonnant dans le monde entier, mettant en avant la colère du peuple iranien. 

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