Jusqu’au 7 septembre prochain, le Petit Palais consacre une exposition à la célèbre maison de couture Worth. Sur près de 1 100 m², sont exposées plus de 400 pièces (vêtements, accessoires, parfums) qui portent tous la signature de la maison Worth. Une enseigne emblématique qui a contribué à la renommée du savoir-faire français dans le domaine de la haute couture. Mais derrière la célèbre maison de mode, se cachent les membres de la famille Worth qui ont tous, à leur façon, contribué à la pérennité de cette mythique institution pendant près d’un siècle. Plongeons alors dans l’histoire de la mode en découvrant l’exposition Worth, Inventer la haute couture.
Les amateurs de mode attendent ce rendez-vous avec impatience. On parle évidement de la fashion week parisienne qui a lieu deux fois par an et durant laquelle les créations des plus célèbres maisons de mode sont dévoilées. Lorsqu’on pense à la semaine de la mode de Paris, on s’imagine instantanément des défilés de mannequins portant les créations des couturiers devant un parterre d’invités et de photographes. Ce que l’on sait moins, en revanche, c’est que la mise en place de la saisonnalité des collections (une collection « printemps-été », une autre « automne-hiver »). Mais aussi l’idée de faire porter les vêtements à des mannequins en chair et en os nous vient d’un seul homme : Charles Frederick Worth. Justement, le Petit Palais, a décidé de le mettre à l’honneur jusqu’au 7 septembre prochain grâce à travers sa nouvelle exposition : Worth, Inventer la haute-couture.
D’une famille modeste d’Angleterre au luxe de la haute couture parisienne
Mais qui était donc Charles Frederick Worth ? Voici la première question à laquelle on peut répondre après avoir visité l’exposition éponyme présentée au Petit Palais. S’il naît en 1825 dans une famille anglaise modeste, cela ne l’empêchera pas de s’expatrier à Paris dès 1845. Là-bas, il travaille d’abord pour la maison Gagelin, qui vend des châles et des vêtements de prêt-à-porter. Rapidement, le talent de Charles Frederick Worth se révèle au point qu’il crée une division couture au sein de l’entreprise dans laquelle, pour la première fois, il exerce en tant que couturier. Lorsque ses créations sont dévoilées au grand public pour les Expositions Universelles, d’abord celle de Londres en 1851 puis celle de Paris, quatre ans plus tard, c’est un véritable succès. Son talent est reconnu puisqu’il remporte plusieurs prix. En 1858, il décide alors de créer sa propre maison de couture avec son associé Otto Bobergh.
Des vêtements très divers sont exposés
La première partie de l’exposition retrace ensuite les débuts de la maison Worth & Bobergh. Les premières robes exposées datent de la deuxième moitié du Second Empire. Rapidement, le couturier se « fait un nom » notamment grâce à l’impératrice Eugénie qui le nomme concepteur de mode pour la cour. Les richissimes clientes affluent alors du monde entier pour être habillées par cette maison de couture. A l’époque, les femmes de la haute société changeaient plusieurs fois de tenue par jour. Au début de l’exposition, le visiteur découvre donc des vêtements très divers : mentaux d’opéra, robe d’intérieur, robe de bal… Sont également exposées des pièces uniques créées à l’occasion d’évènements spécifiques (par exemple, des robes de mariée).
Charles Frederick Worth, un couturier ingénieux et visionnaire
Worth n’est pas seulement un couturier, c’est surtout un visionnaire. Ainsi, il change totalement la conception qu’on avait jusqu’alors de la création des vêtements de haute-couture. Tandis qu’auparavant le couturier était un artisan au service de ses clientes (il confectionne le vêtement sur-mesure qu’on lui demande), Worth décide de lancer ses propres collections en laissant libre-court à son imagination. De ce fait, il crée des modèles inédits, fabriqués à l’avance et qui sont ensuite présentés dans des salons privatisés par une clientèle aisée. C’est vraiment novateur, car Charles Frederick Worth est entièrement libre dans sa création, la cliente ne décidant plus que du choix des couleurs ou des tissus utilisés.
Charles Frederick Worth est surnommé l’inventeur de la haute couture
De plus, il est un des premiers à changer régulièrement ses collections, ce qui donnera naissance à la saisonnalité de la mode : des vêtements plus chauds en automne et en hiver et plus légers pour le printemps et l’été. Il va également apposer sa griffe sur ces créations puisque, sur chacune d’elles, on retrouvera une étiquette portant son nom écrit à l’encre noire. Enfin, il aura l’ingéniosité de faire porter ses pièces à des mannequins vivants, ce qui n’était pas très commun à l’époque. Cette idée lumineuse permettra donc à ses clientes de s’imaginer le vêtement porté.
Le génie de Worth permet de ce fait de faire connaître sa maison de couture, ensuite d’en faire une référence dans le milieu de la mode et enfin, de devenir, au fil des ans, une entreprise prospère. Symbole du raffinement, mais aussi du savoir-faire français, cette maison de couture habille les plus grandes personnalités de l’époque : Sarah Bernhardt, Franca Florio et Lady Curzon. D’ailleurs, des robes portées par ces deux dernières sont exposées au Petit Palais.

Corsage, jupe et traîne en soie crème avec broderie zardozi
en fils métalliques argentés et dorés.
Fashion Museum Bath, Royaume-Uni.
© Fashion Museum Bath / Photo Peter J Stone.
Une plongée dans le quotidien d’une maison de haute couture
Comment est organisée une entreprise de haute-couture ? C’est la deuxième question à laquelle l’exposition apporte une réponse. En effet, plus la maison Worth grandit, plus elle se déploie. Initialement, Charles Frederick et son associé ne louaient que le premier étage du 7 rue de la Paix. Progressivement, ils rachèteront tout l’immeuble. Une partie de l’exposition permet de découvrir l’aménagement du bâtiment : le studio du photographe au dernier étage, les ateliers de confection et d’emballage au 1er, les salons privés dans lesquels les clientes pouvaient faire des essayages au rez-de-chaussée.
Le visiteur peut même se « plonger » dans l’ambiance de ces salons, car dans l’une des pièces de l’exposition, on peut s’assoir et écouter une reconstitution sonore des échanges qui avaient lieu dans ces fastueux endroits. Ainsi, on rend hommage à ces « petites mains » de la mode, celles qui travaillent sans relâche avec le grand couturier et qui ont, elles aussi, construit la renommée de la maison Worth.
Faire revivre la rue de la Paix, le haut-lieu de la mode au début du XXᵉ siècle
La rue de la Paix, justement, est aussi mise à l’honneur, car elle est devenue une place centrale de la mode. De nombreuses maisons de couture, telles que Paquin, Doucet et Dœuillet, s’y sont installées et bien sûr, la maison Worth. D’ailleurs, saviez-vous à partir de quand la maison « Worth & Bobergh » devient seulement la maison « Worth » ? C’est en 1871, lorsque Charles Frederick décide de se séparer de son associé, Otto.
Après le décès du « père de la haute couture », ses fils reprennent le flambeau
Autre date importante : le 10 mars 1895, le jour de la mort du célèbre couturier. Est-ce que le décès du fondateur signe la fin de l’entreprise Worth ? Absolument pas, car ses fils, Gaston et Jean-Philippe Worth reprennent le flambeau. La deuxième partie de l’exposition, dans laquelle le visiteur découvre des pièces datées du début du XXᵉ siècle jusqu’à l’entre-deux guerres, témoigne du talent des deux hommes.
Ces derniers ont réussi à maintenir la réputation de l’entreprise alors qu’ils faisaient face à des nombreux défis. Le plus important d’entre eux était la 1ʳᵉ guerre mondiale. En effet, entre 1914 et 1918, il est plus que compliqué de s’approvisionner en tissus. Pourtant, la maison de mode ne fermera pas ses portes et continuera d’habiller sa richissime clientèle. Leurs créations ont aussi répondu aux nouvelles aspirations sociétales comme l’envie, pour les femmes, de porter des vêtements plus « épurés », avec moins de fioritures. La maison Worth est encore très réputée comme en témoignent les tirages du magazine spécialisé La Gazette du Bon Ton, que l’on peut découvrir durant l’exposition.

Lamé, soie, fils métalliques, verre et métal.
© Collection Louis Vuitton.
Diversifier ses produits, une stratégie payante mise en place par Jean-Charles et Jacques Worth
La maison « Worth », c’est avant tout une histoire de famille puisque au début des années 1920, c’est Jean-Charles et Jacques, les petits-fils du fondateur qui dirigent l’entreprise. Eux aussi auront des idées novatrices, à commencer par la commercialisation, en 1924, d’un parfum appelé Dans la Nuit. À l’époque, il était assez rare que des maisons de couture diversifient leurs produits et se mettent à vendre des cosmétiques ou des parfums. Les années suivantes, la maison Worth sortira de nombreuses flagrances nommées Vers le Jour, Sans Adieu et Je reviens.
En partenariat avec le Conservatoire International des Parfums, vous pourrez venir sentir le parfum Je reviens, dont l’odeur a été reconstituée à l’identique alors qu’il n’est plus commercialisé depuis des années ! Le visiteur peut également admirer les pièces créées par Jean-Charles et Jacques Worth et aussi découvrir le « bleu Worth », une nuance de bleu foncé qui deviendra la marque-signature de la maison de couture.

Verre blanc pressé bleu, flacon en verre soufflé moulé et bouchon en
verre moulé pressé.
© Collection Benjamin Gastaud, Paris, France.
(Re)découvrir cette maison de mode mythique
En bref, visiter l’exposition Worth, Inventer la haute-couture revient à se plonger dans l’histoire de cette maison de mode réputée qui ne fermera ses portes qu’en 1956. C’est aussi s’apercevoir que la maison « Worth » a véritablement marqué ses contemporains grâce à des techniques de commercialisation (vêtements portés lors de défilés par des mannequins, diversification des produits proposés grâce à la vente de parfums…) qui, sont encore aujourd’hui utilisés dans le milieu de la mode. Surtout, c’est une vraie occasion de découvrir la famille Worth qui, durant près d’un siècle, a réinventé, sans cesse, la figure du grand couturier.