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Le Paris d’Agnès Varda, de-ci, de-là : une promenade intime et poétique au Musée Carnavalet

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Exposition du 9 avril au 24 août 2025

Depuis le 9 avril, le Musée Carnavalet, lieu dédié à l’histoire de la capitale, accueille une exposition singulière mêlant art, mémoire et cinéma : Le Paris d’Agnès Varda, de-ci, de-là. À travers une sélection d’archives, de publications, de photographies et d’extraits de films, le visiteur est invité à découvrir un Paris vu par l’une des figures majeures du cinéma français, Agnès Varda.

L’exposition tisse un récit sensible et personnel, mettant en lumière une œuvre marquée par un regard unique, celui d’une femme libre et inventive. Elle offre une plongée dans l’univers de cette cinéaste, photographe et plasticienne franco-belge, connue pour des œuvres emblématiques comme Cléo de 5 à 7 ou Sans toit ni loi. Proche du mouvement Rive Gauche, contemporain de la Nouvelle Vague de Truffaut et Godard, Varda occupe une place singulière dans l’histoire du cinéma. Elle partage sa vie avec Jacques Demy, réalisateur des Parapluies de Cherbourg et des Demoiselles de Rochefort, jusqu’à sa disparition en 1990.

Une des rares femmes réalisatrices dès les années 1950, Agnès Varda s’est aussi tournée vers l’art contemporain, créant des installations visuelles à la fois puissantes et éphémères. L’exposition explore cette richesse créative à travers un fil conducteur : Paris, et plus précisément, la rue Daguerre, épicentre de sa vie et de son œuvre.

Une adresse, un monde : la rue Daguerre

« Je n’habite pas Paris, j’habite Paris 14ᵉ », disait-elle.
De 1951 jusqu’à sa mort le 29 mars 2019, Agnès Varda a vécu au 86 rue Daguerre, entre Denfert-Rochereau et la gare Montparnasse. Cette rue, qui porte le nom d’un pionnier de la photographie, est devenue pour elle un lieu de vie, d’inspiration et de création.

Son domicile abritait un studio de prises de vues, un laboratoire, une cour : un véritable laboratoire artistique, où elle rencontrait, filmait, photographiait, exposait. C’est là, en 1954, qu’elle organise sa toute première exposition, dans sa cour transformée en galerie à ciel ouvert.

Archives, films et photos : la poésie du quotidien

Grâce aux photographies d’Agnès Varda et aux archives de Ciné-Tamaris, sa maison de production, l’exposition révèle une facette moins connue de son œuvre : son travail de photographe. À travers des images prises dans la rue Daguerre, mais aussi ailleurs dans Paris, on découvre un regard tendre et minutieux, qui donne à voir ce que le quotidien rend invisible.

Certains extraits de films présentés sont inédits ou inachevés, et dévoilent une ville discrète, poétique, souvent ignorée par les regards pressés. Le Paris d’Agnès Varda n’est pas celui des monuments, mais celui des passants, des rideaux entrouverts, des objets ordinaires et des gestes furtifs.

L’atelier vivant de la rue Daguerre

La rue Daguerre est plus qu’un décor : c’est un personnage à part entière dans l’univers de Varda. On y croise ses voisins, ses amis, des scènes d’intimité. Une femme nue allongée dans la cour, une collection d’objets insolites, des fenêtres ouvertes sur des vies… Tout y devient matière à création.

« Mon père est venu voir l’endroit. Il a dit : « Tu veux vraiment habiter dans cette écurie ? » J’ai répondu : « Oui, oui. » »
Les Plages d’Agnès, 2008

Les Plages d’Agnès, 2008

À l’entrée de la maison, une plaque en céramique orange signée Valentine Schlegel, sculptrice et compagne, rend hommage à Varda avec un dessin de son visage et sa coupe bicolore, devenue iconique.

Plaque en céramique signée Valentine Schlegel.

En 1954, après avoir conçu elle-même le carton d’invitation, elle transforme sa cour en galerie d’exposition. Du 1ᵉʳ au 19 juin, elle y présente des portraits, des nus, des objets du quotidien, dans un espace libre et accessible à tous.

Un studio perché au-dessus de l’atelier

À l’étage, Agnès aménage un véritable studio photo. Un mur y est décoré de grandes ailes dorées en bois sculpté : ses amis s’amusent à poser avec, dans un esprit de jeu et de poésie. Une toile signée André Borderie repose sur un chevalet, comme un clin d’œil à l’amitié et à la création. C’est dans ce lieu intime qu’elle photographie ses proches, sans artifices, avant de recevoir de jeunes comédiens en quête d’une image ou d’un portrait.

Studio : des ailes dorés en bois, toile signée André Borderie, une sculpture et un appareil photo.

Paris, avec tendresse

Dans toute son œuvre, Agnès Varda donne à voir un Paris intime et poétique. Elle photographie autant des inconnus que des célébrités, sans distinction : tous sont filmés ou capturés avec le même respect, la même attention. Elle révèle la beauté discrète de la ville, celle que l’on ne remarque plus. Son art nous invite à ralentir, à regarder autrement, à prêter attention aux choses simples.

Photographie : Suzanne Flon (Actrice, à l’arrêt de bus « Saint-Germain des prés » – Paris 6e) 1956
Daguerreotypes, film 1975 : Des portraits silencieux des habitants de le rue Daguerre

Cléo de 5 à 7 : les coulisses d’un chef-d’œuvre

L’exposition consacre une section entière à Cléo de 5 à 7, film phare de Varda sorti en 1962. Grâce à des scénarios annotés, des photographies de tournage et des documents rares, le visiteur plonge dans les coulisses de ce film devenu culte.

Ce parcours révèle l’élaboration minutieuse du film, des premières ébauches jusqu’au choix des lieux de tournage dans Paris. Il met en lumière le regard audacieux de Varda sur le temps, l’errance, le corps féminin et les rues de la capitale comme décor vivant.

Bague portée par Corinne Marchand (Cléo) durant le film.

Une plage pour raconter une vie

À près de 80 ans, Agnès Varda se tourne vers elle-même avec Les Plages d’Agnès, un film autobiographique original et touchant. Plutôt que de suivre un récit classique, elle construit une œuvre-mosaïque mêlant souvenirs, mises en scène et humour.

Pour parler de son lien à Paris, elle choisit de transformer la rue Daguerre… en plage ! Sable, cabines, transats : l’imaginaire prend le dessus sur le réel. Fidèle à son style inclassable, elle brouille les frontières entre documentaire, performance et installation.

Une exposition comme un hommage vivant

Le Paris d’Agnès Varda, de-ci, de-là est bien plus qu’une rétrospective. C’est une promenade dans un univers à la fois modeste et profondément inventif, une déclaration d’amour à une ville vue à hauteur d’humanité. Une rencontre avec une femme libre, lucide, joueuse, dont le regard continue d’éclairer les images et les rues.

Cette exposition révèle comment Varda a su capter la poésie des lieux les plus ordinaires, en y insufflant sa fantaisie et son sens du détail. Elle nous rappelle que l’art peut naître d’un trottoir, d’un visage inconnu ou d’un éclat de lumière. Chaque salle est une invitation à voir Paris autrement, avec les yeux curieux et bienveillants d’Agnès. À travers ses œuvres, c’est aussi une réflexion sur le temps, la mémoire et la liberté qui s’ouvre au visiteur.

Agnès Varda photographiée dans sa cour rue Daguerre par Collier Schorr le 22 juillet 2018 (Séance pour Interview Magazine).

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