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Le journal pour les jeunes, par les  jeunes

Les dessous de l’aide humanitaire en Haïti

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Pierrick MOUEZA

Je m'appelle Pierrick Mouëza. J’ai obtenu une licence de sociologie à l’Université de Bordeaux. Je suis actuellement en BUT information-communication parcours journalisme à l’Université Clermont-Auvergne. J’ai rejoint CS Actu en septembre 2023. J'aime découvrir l'actualité et la partager autour de moi. J’ai une préférence pour les sujets environnementaux et sociétaux même si je m’intéresse à l’actualité dans sa globalité. J’apprécie aussi le travail de terrain requis dans le cadre journalistique et lors d’enquêtes sociologiques. Bonne lecture ! Je suis joignable par mail : pierrick.moueza@gmail.com. Mon profil LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/pierrick-m-114808296/⁣⁣⁣
La situation en Haïti est « cataclysmique ». Voilà comment l'ONU décrit l'état du pays dans son dernier rapport publié le 28 mars 2024. La petite république insulaire fait face à « la corruption, l’impunité et la mauvaise gouvernance, aggravées par les niveaux croissants de violence des gangs », poursuit l'ONU. Alors, comment s'organise l'assistance d'un pays miné par la guerre civile ?

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Centre d'urgence MSF de Turgeau à Port-au-Prince.© Pierre-Philippe Marcou.
Centre d'urgence MSF de Turgeau à Port-au-Prince.© Pierre-Philippe Marcou.

Depuis le début de l’année 2024, les violences n’ont cessé d’augmenter en Haïti. Les gangs se livrent à une guerre civile. L’aide humanitaire devient délicate alors même que les habitants vivent dans une précarité extrême. CS Actu a interviewé Sarah Chateau, responsable des opérations humanitaires en Haïti chez Médecins sans frontières (MSF). Le moment d’en savoir plus sur les dessous de cette intervention humanitaire complexe.

Médecins sans frontières et Haïti, une longue histoire

« Haïti on y est depuis 30 ans. L’Afghanistan dont je m’occupe aussi, on y est depuis 40 ans », déclare Sarah Chateau. Cela s’explique notamment par le degré d’insécurité et de pauvreté qui règne sur l’île. L’espérance de vie moyenne y est de 53 ans selon le Programme des Nations unies pour le développement. De plus, en 2010, l’île a été frappée par un séisme. La catastrophe a provoqué plus de 200 000 morts. Enfin, au niveau politique, la république a longtemps été minée par la corruption. Haïti a aussi perdu de nombreux élus faute d’élections selon un article de Radio France. Récemment, le premier ministre Ariel Henry a démissionné sous la pression populaire. Tous ces facteurs font qu’en 2022, Haïti est le 158è pays au monde selon le classement par indice de développement humain (IDH).

L’organisation MSF est donc établie sur l’île depuis longtemps. Le nombre de personnes impliquées dans cette mission est aussi un indicateur du besoin d’aide humanitaire des habitants de l’île. « Sur Haïti même, on a à peu près 1 700 salariés nationaux et environ 110 expatriés internationaux », détaille Sarah Chateau. D’ailleurs, l’association Médecins sans frontières compte différents groupes présents en Haïti et indépendants les uns des autres. Parmi eux, on compte MSF France, MSF Belgique et MSF Hollande.

De nombreuses autres organisations sont présentes en Haïti pour aider la population. Plusieurs organes des Nations Unies sont présents sur l’île, dont le Haut-Commissariat des Nations Unies (HCDH), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), ou encore l’UNESCO et l’UNICEF.

Une pluralité de soins médicaux

Mais alors quels sont les rôles de MSF en Haïti où elle est présente depuis si longtemps ? Comme son nom l’indique, MSF se concentre principalement sur les soins médicaux, notamment ceux liés au conflit armé qui ravage la République.

Les balles, voilà le fléau d’Haïti. Sur l’île, les blessures par arme à feu sont monnaie courante. « On a 50 lits, qui sont pleins toute l’année, pour tout ce qui est blessures par balle », détaille Sarah Chateau en référence aux services de traumatologie qui ne désemplissent pas. Cette question des armes à feu est donc au cœur de la crise haïtienne. Les gangs dominent grâce aux quantités importantes d’armes dont ils disposent. « Le nombre croissant d’armes en circulation ainsi que la modernisation des arsenaux ont un impact sur la létalité et la gravité des blessures infligées », alerte le personnel médical présent en Haïti dans un article des Nations Unies.

La guerre civile n’implique pas que des blessures par balle ou par arme blanche. Bien sûr, d’autres types de blessés sont accueillis par MSF dans différents services. « On a des accidents de la route et on est la seule structure sur tout le pays qui prend en charge les brûlés en Haïti », continue la responsable des opérations. « C’est comme un service d’urgence en France », conclut Sarah Chateau.

Dans un article, les Nations Unies relèvent « l’utilisation systématique du viol contre les femmes et les filles comme arme de guerre », notamment dans le quartier Cité Soleil situé à Port-au-Prince. « Des milliers de filles et de femmes sont déplacées, ce qui les rend très vulnérables aux abus », explique Géraldine Alferis, membre d’UNICEF et spécialiste des violences basées sur le genre. MSF vient aussi en aide aux personnes agressées. L’organisation « prend en charge toutes les victimes de violences sexuelles », soit « 4 000 femmes » l’année dernière selon Sarah Chateau.

« On a des collègues qui se font kidnapper » 

L’intervention sur un terrain tel que l’île d’Haïti comporte des risques. Les membres de MSF sont confrontés à la violence, même si elle n’est pas dirigée directement contre eux. « La semaine dernière, on a encore reçu des balles perdues dans notre hôpital qui tombent à trois mètres du gardien », raconte Sarah Chateau. « C’est compliqué, on n’est pas à l’abri d’incidents. On a des collègues qui se font kidnapper », rappelle-t-elle. Mais l’organisation est désormais bien rodée face aux enlèvements. « Si on sait que quelqu’un s’est fait kidnapper, on appelle le gang qui l’a kidnappé et il libère notre collègue dans l’heure », poursuit la responsable des opérations.

Les gangs acceptent la présence de MSF car l’organisation soigne tous les blessés de l’île y compris « des membres de gangs » en plus « des policiers », « des femmes et des enfants qui prennent des balles perdues », énumère-t-elle. « Le fait de travailler pour MSF permet d’être libéré sans demande de rançon parce que notre carte de visite chez nous c’est aussi notre stéthoscope et le fait qu’on soigne tout le monde », résume Sarah Chateau.

Être accepté par toutes les personnes impliquées dans le conflit haïtien est un travail de longue haleine. « Déjà, il faut maintenir un niveau de contact et de dialogue avec toutes les parties du conflit », rappelle la responsable des opérations. La communication entre MSF et tous les acteurs de l’île permet à l’organisation de poursuivre ses actions. Ce travail de contact permet de légitimer MSF et le travail humanitaire et il s’avère payant puisque « les différents groupes comprennent les raisons de notre présence », conclut Sarah Chateau.

Une année compliquée en Haïti

Les membres de MSF font face à la dure réalité de l’île au quotidien. Mais, depuis quelques mois, il est plus difficile pour MSF de mener à bien ses missions. « On a augmenté le nombre de lits en traumatologie. Parce qu’il y a beaucoup plus de blessés par balle qu’avant donc on est passés de 50 à 75 lits. Nos collègues de MSF Belgique ont ouvert un deuxième hôpital de traumatologie », détaille Sarah Chateau.

Les tensions de l’année 2024 ont aussi perturbé le fonctionnement de Médecins sans frontières. Ainsi, pour les médicaments, « on a des difficultés d’importation assez conséquentes », explique-t-elle. Par conséquent « sur certains médicaments on est en rupture de stock et donc c’est compliqué de faire exactement ce qu’on voudrait », regrette la membre de MSF.

Au niveau de la logistique et du personnel, c’est aussi très compliqué pour l’organisation. Après les récentes échauffourées, Médecins sans frontières a mis « trois semaines à se réorganiser pour pouvoir fonctionner sans l’aéroport », déplore Sarah Chateau. En effet, sans aéroport, difficile de faire transiter du personnel depuis l’étranger. Or, MSF compte sur de nombreux expatriés parmi lesquels se trouvent des « anesthésistes, des chirurgiens et des kinésithérapeuthes », énumère-t-elle. La situation pénalise l’aide humanitaire au niveau matériel mais aussi et surtout au niveau des effectifs de MSF. Cela finit par accentuer la « fatigue des équipes », ajoute-t-elle.

Médecins sans frontières continue tant bien que mal à remplir ses missions auprès d’un pays désormais exsangue. Face à cette crise, l’engagement sans faille des organisations humanitaires permet à la population de survivre dans l’attente d’une stabilisation du pays.

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