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Montée de l’antisémitisme : la banalisation de la discrimination…  

Que se soit en France ou dans le reste de l'Europe, l'antisémitisme gagne du terrain. CSactu avec l’aide de l'historien Tal Bruttmann, spécialiste de la Shoah et de l'antisémitisme en France au XXᵉ siècle, vont essayer d’expliquer la recrudescence de cette discrimination. 

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Marche politique contre l'antisémitisme, le 11 décembre 2023 à Paris.(Photo by Telmo Pinto/SOPA Images/LightRocket via Getty Images)
Marche politique contre l'antisémitisme, le 11 décembre 2023 à Paris.(Photo by Telmo Pinto/SOPA Images/LightRocket via Getty Images)

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En un an, les faits antisémites ont bondi de 284 %, passant de 436 à 1676 entre 2023 et 2024 en France. Encore plus frappant, une concentration majeure de l’ensemble de ces actes a lieu après le 7 octobre (presque ¾ d’entre eux), à la suite des attaques terroristes perpétrées par le Hamas. « 60% des actes racistes en France sont des actes antisémites, donc on parle d’une population qui représente au maximum 600 000 personnes et qui subit 60 % des violences racistes en France« , met en exergue Tal Bruttmann, historien français spécialiste de la Shoah et de l’antisémitisme en France au XXᵉ siècle. Il faut maintenant trouver une explication à cette augmentation. 

Des médias fautifs ?

Premier acteur pouvant être pointé du doigt : les médias. Le traitement de la guerre au Moyen-Orient n’est pas une mince affaire. Il est difficile de rester totalement objectif devant de telles horreurs. 

« Je ne pense pas que les médias soient responsables au-delà de ceux qui prennent parti dans un sens ou dans l’autre. C’est-à-dire que quand vous avez un traitement de l’actualité qui est fait normalement, comme le journalisme devrait être appliqué, il n’y a pas de raison de considérer que les médias sont responsables« , explique Tal Bruttmann. 

La question à se poser maintenant est : est-ce les médias traitent de manière la plus objective possible ce conflit ? Cela est discutable. Même si dans l’ensemble, il reste plutôt bien abordé, des critiques peuvent être faites. Son omniprésence dans la sphère médiatique n’aide pas. Les lecteurs sont abreuvés d’informations et ne savent plus quoi en faire, ce qui favorise une prise de partie radicale. Les citoyens font un choix tranché pour éviter de se perdre dans le marasme des discours contradictoire. Ce phénomène d’actualité en contenu n’est bien sûr pas uniquement vrai pour cette guerre. Malgré tout, ce flux très élevé peut-être une cause pouvant expliquer en partie, une montée des discriminations qu’elles soient antisémites ou islamophobes.        

La politique rentre en scène ! 

« L’extrême-droite a décidé, en France en tout cas, de s’attribuer les juifs contre les musulmans, tandis que la gauche ou ce qu’on tient d’extrême-gauche aujourd’hui, comme La France Insoumise, a décidé de jouer les musulmans contre les juifs« , met en avant l’historien français. Effectivement, la sphère politique française semble polarisée aux deux extrêmes. D’un côté, le Rassemblement national, qui a décidé de se transformer en défenseur acharné du peuple juif tandis que La France Insoumise se montre le grand défenseur des Palestiniens. Un bien triste tableau proposé aux citoyens français qui se retrouvent dans les deux cas dans une obligation d’une prise de position radicale d’un côté ou de l’autre. Au milieu de tout cela, on retrouve Emmanuel Macron qui se veut modéré mais inactif ou presque. Forcément dans un climat tel que celui-ci, les discriminations ne peuvent que croître. 

Un antisémtisme à gauche ? Vraiment ? 

S’il on revient à notre montée de l’antisémitisme, un parti revient souvent au premier plan, La France Insoumise. Ces derniers temps, le parti de Jean-Luc Mélenchon cristallise les tensions pour son traitement de la guerre au Moyen-Orient. On peut notamment citer le tweet polémique de la député LFI, Marie Mesmeur au sujet du lynchage de supporters du Maccbi Tel Haviv à Amsterdam.

« Ces gens-là n’ont pas été lynchés parce qu’ils étaient juifs, mais bien parce qu’ils étaient racistes et qu’ils soutenaient un génocide », avait-elle écrit sur X.

Un nouveau tollé catégorisant pour certains LFI de parti antisémite. Et ce n’est pas la première fois que cela arrive. Il y a déjà quelques années, son leader, Jean-Luc Mélenchon, avait fait parler de lui à ce sujet. À plusieurs reprises certaines de ses sorties avaient fait parler notamment lorsqu’il avait expliqué que l’antisémitisme existait seulement de manière résiduel. 

Un peu d’histoire

Historiquement, lorsque l’on évoque l’antisémitisme, on pense, à juste titre à l’extrême droite. Mais attention, il n’était pas les seuls, la gauche, elle aussi, a une certaine époque, n’était pas en reste. 

« Si on prend l’histoire de l’antisémitisme, il s’est toujours pratiqué à gauche depuis le 19ème siècle, avec des périodes plus ou moins frénétiques, et avec des périodes où on s’est mis en sourdine. Le principal exemple est Jaurès à la fin du 19ème siècle qui pourtant, c’était un peu à donner à l’antisémitisme dans le passé mais au moment de l’affaire Dreyfus, décide que ça suffit de s’amuser avec l’antisémitisme. Même phénomène lors de la fin Deuxième Guerre mondiale, mais en même temps, on a eu des soubresauts réguliers, de déchaînements d’antisémites à gauche. Par exemple, dans les années 30, le principal opposant de Blum au sein de la SFIO, l’ancêtre du PS, qui s’appelait Paul Faure, dénonçait le juif Blum sans aucun problème« , rappelle Tal Bruttmann. 

La France se retrouve donc coupée en deux, entre antisémitisme grandissant et islamophobie présente depuis de nombreuses années. Un bien triste tableau instrumentalisé par les deux extrêmes.

Et en Europe alors ? 

Si l’augmentation de l’antisémitisme en France n’est plus à prouver, que se passe-t-il chez nos voisins européens ? Difficile de faire une généralité car les situations sont multiples.   

« On retrouve cette montée de l’antisémitisme dans certains pays européens, notamment au Royaume-Uni, mais aussi en Espagne. En revanche dans des pays comme la Pologne ou l’Allemagne, cela est moindre. Malgré tout tout, c’est une explosion qui n’est pas propre à la France, qui est même mondialisée, on la retrouve en Amérique du Sud, aux États-Unis, au Canada. Cela met sur le devant de la scène une réalité que les gens travaillant sur l’antisémitisme ont montré depuis quand même pas mal d’années« , continue l’historien. 

La France n’est donc pas un cas isolé. De nombreux pays connaissent la même recrudescence, en Europe certes mais pas que. Le monde entier connaît ce phénomène. Pour freiner celui-ci, il va falloir vite trouver une solution, cela n’est pas une mince affaire.

La fin d’un conflit comme une libération ? 

La guerre au Moyen-Orient ne date pas d’hier. Cela fait des centaines d’années qu’il s’agit d’une zone sous tension. Ces dernières années, le conflit a pris une autre envergure et la paix ne semble pas être envisageable à court terme. Une résolution de celui-ci pourrait pourtant peut-être freiner la montée de l’antisémitisme. Si Israël met fin à ses innombrables crimes de guerre, il est possible que tout redevienne à la normale. Néanmoins, cela n’est pas une solution magique. 

« Même en cas de fin du conflit cela risque de rester. On constate depuis 20 ans que l’antisémitisme ne cesse pas de croître depuis la fin des années 90 en France, à chaque fois avec des paliers, et qu’ensuite ça ne redescend pas en dessous du palier qui a été franchi. L’antisémitisme baissera en intensité, mais en quantité j’en doute fort« , conclut Tal Bruttmann. 

Plateforme anti-discriminations : 3928. SOS Homophobie : 01.48.06.42.41. SOS Racisme : 01.40.35.36.55. Signalement acte antisémite : 0 800 18 26 26.

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