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Le journal pour les jeunes, par les  jeunes

Ugo Bernalicis : “C’est le 3e tour, le véritable 3e tour de l’élection présidentielle”

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Maë Veltz

Le 7 mai, la première convention de la NUPES s’est déroulée à Aubervilliers en Seine Saint-Denis, rassemblant militants et candidats des différents courants de gauche. Ugo Bernalicis, député LFI de la 2e circonscription du Nord, a accepté de répondre à nos questions à ce sujet exclusivité pour CSactu.

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Ugo Bernalicis, député LFI de la 2e circonscription du Nord © Photo : Jacques Witt/SIPA

Le 7 mai, la première convention de la NUPES (Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale) s’est déroulée à Aubervilliers en Seine Saint-Denis, rassemblant militants et candidats des différents courants de gauche. Il s’agit d’un accord qui réunit le PS, le PCF, EELV et LFI dans le cadre d’une nouvelle course à la majorité, cette fois parlementaire. Les élections législatives auront ainsi lieu le 12 et 19 juin et détermineront le prochain remaniement gouvernemental, qu’il y ait majorité présidentielle ou non. Elles font en effet suite aux élections présidentielles et viennent confirmer ou infirmer la confiance envers le candidat nouvellement élu : l’Assemblée Nationale est un lieu de débat, de proposition et d’amendement des lois, mais également de soutien ou de défiance au gouvernement en raison de l’existence d’une motion de censure qui peut en bloquer l’organisation.

Pour la NUPES, les élections législatives constituent donc un enjeu fondamental en vue de garantir une force de gauche au sein du gouvernement et en opposition au président nouvellement réélu, Emmanuel Macron.

Ugo Bernalicis, député LFI de la 2e circonscription du Nord (Villeneuve d’Ascq, Ronchin, Mons-en-Barœul, et une partie de Lille), a accepté de répondre à nos questions à ce sujet. Militant de gauche de la première heure et fils d’un père militant au PCF, il s’engage très jeune en politique, notamment en 2005 au lycée où il manifeste contre la réforme Fillon, ou encore en 2007 où il participe à la campagne présidentielle de Ségolène Royale. Il rencontre Jean Luc Mélenchon dans les années 2010 et candidate pour la première fois aux législatives de 2012 au sein du Parti de Gauche. Il a été élu député en 2017 et est membre de la Commission des lois à l’Assemblée nationale, ainsi que spécialiste sur les questions judiciaires et sécuritaires. Aujourd’hui candidat à sa réélection, il est, à 32 ans, l’un des plus jeunes députés français à siéger dans l’hémicycle.

Vous êtes l’un des plus jeunes députés à siéger à l’Assemblée nationale. Est-ce que votre jeune âge a été, pour vous, une difficulté ?

Ugo Bernalicis : Alors oui et non. C’est-à-dire que cela a eu une très forte utilité au début de mon engagement, par l’attrait médiatique que cela a soulevé. Des militants plus jeunes tels qu’Adrien Quatennens, Mathilde Panot ou encore moi-même ont dénoté non pas par notre âge, mais parce que nous étions de vieux militants tout en étant jeunes : c’est-à-dire que nous avions un bagage politique, une formation politique et une capacité à s’exprimer publiquement quand les vieux jeunes députés de LREM, qui n’avaient jamais fait de politique de leur vie, passaient pour des personnes ridicules sans expérience, etc. Là où nous, de facto, avions davantage d’expérience.

Cela nous a permis de nous faire remarquer, notamment sur les plateaux télévisés où les journalistes se laissaient surprendre, ce qui n’était pas forcément désagréable. (…) Bien sûr, à l’Assemblée nationale, certains adversaires politiques pouvaient passer leur temps à faire de l’âgisme, ou en tout cas, à nous renvoyer à notre jeune âge… mais ils ont vite lâché l’affaire.

Au sein de LFI, il y a également une volonté de mettre en avant les jeunes militants et de leur donner rapidement des responsabilités, de sorte à ce qu’ils puissent devenir, par la suite, des militants aguerris. (…) Les jeunes sont complètement intégrés dans notre organisation. (…) Ils sont aussi très valorisés car ce sont souvent les plus actifs et les plus impliqués, ce que nous valorisons énormément.

Qu’est-ce que la NUPES ?

UB : La NUPES part du constat des résultats de l’élection présidentielle : c’est le point de départ. Le cœur central est l’Union Populaire qui a fait 22% au premier tour. Puis, il y a eu le résultat des autres formations politiques que l’on classe historiquement sur la gauche de l’échiquier politique, EELV, le PS, le PCF. (…) En voyant ces résultats, on pouvait faire le constat que nous pouvions devenir le bloc politique le plus important du pays et faire en sorte qu’Emmanuel Macron ne puisse pas le gouverner. Cela se fonde sur une analyse électorale et politique. Puis, LFI a fait la proposition aux autres partis de gauche de se réunir sous une bannière commune, la NUPES, et de présenter des candidats dans l’ensemble sur les 577 circonscriptions. (…)

Pour ce faire, il y a eu une condition centrale : constituer un programme qui nous rassemble tous, qui soit bien un programme de rupture avec le système actuel et qui reprenne les grands identifiants de ce qui a fait le score de Jean Luc Mélenchon. Nous avons proposé une dizaine de grandes mesures qui nous paraissaient importantes de ce point de vue-là, comme le SMIC à 1400€, le blocage des prix, la retraite à 60 ans, la garantie d’autonomie de 1063€ pour les jeunes, la bifurcation écologique ou encore la VIe République. Nous n’avons contourné aucun sujet central de ce qui pouvait faire débat entre les forces de gauche. (…)

Objectivement, les conditions que nous avions fixées étaient lourdes, notamment pour le PS qui n’a pas défendu la retraite à 60 ans ou la désobéissance au traité européen. Nous demandions également au PS de rompre avec le quinquennat de François Hollande en réclamant l’abrogation de la loi El Khomri. (…) Finalement, tout le monde s’est rassemblé sur ces propositions centrales.

Voilà ce qu’est la NUPES.

Comment s’est constituée la NUPES, sur le programme ou concernant la répartition des circonscriptions ?  

UB : On a repris, pour notre programme, celui de l’Avenir en Commun, qui a servi comme base de discussion avec les autres forces politiques. En tant que spécialiste des questions de sécurité et de justice, je me suis évidemment concentré sur ces sujets.

L’offre politique faite, en termes de circonscriptions, partait sur une règle de 3 selon les résultats de chaque parti aux élections présidentielles. Cela donnait donc en mise de départ pour EELV environ 90 circonscriptions, pour le PCF environ 47,35 pour le PS et le reste pour LFI. À l’intérieur de ces mises de départ, on répartissait chaque circonscription en trois strates, la strate des gagnables, des tangentes, et ensuite des circonscriptions non gagnables. (…) On a donc opéré un savant mélange. Nous avions ensuite d’autres impératifs comme l’homogénéité de la répartition géographique mais également la parité. (…) Une fois cette base de départ obtenue, chaque parti est venu négocier, comme notamment le PS qui a obtenu plus de circonscriptions que convenu.

Il s’agissait notamment de pouvoir reconduire une partie de leurs députés mais également en de répondre à l’existence incontestable de leur fort poids électoral local, à distinguer du poids électoral national tel qu’observé lors des dernières élections. Les dynamiques des deux élections ne sont pas du tout les mêmes. Le PS reste le plus gros groupe politique sortant, et c’était un facteur à tenir en compte.

La NUPES rencontre des détracteurs tant à gauche qu’à droite : à gauche, on vous reproche d’avoir fait des concessions au profit du PS, à droite de créer une union qui trahit les valeurs d’une partie de la gauche. Que souhaitez-vous leur répondre ?

UB : Pour ce qui est de la gauche, et en particulier du NPA, je trouve que leur absence des accords est un gâchis. Ils auraient pu avoir quelques députés à l’Assemblée Nationale, et faire valoir leur point de vue au plus haut niveau notamment avec Philippe Poutou.

En ce qui concerne les accusations de recul sur nos revendications avec l’entrée du PS dans l’accord, il faut clarifier un point : les éléments de notre programme restent les mêmes, comme j’ai pu l’évoquer, et quelles que soient les formulations, à la fin nous revenons au même point. Le PS a déclaré vouloir « aller vers une retraite à 60 ans » : cela reste une victoire politique pour nous, puisque les socialistes passent d’une ligne de droite à une ligne de gauche. Sont-ils vraiment sincères ? On peut, légitimement, se questionner là-dessus. Mais on ne peut pas nier leur évolution sur notre position. (…)

Pour ce qui est de nos détracteurs de droite, je souhaiterais reprendre la formulation d’Olivier Faure qui est parfaite : « Ils n’aiment la gauche que quand elle est perdante. »

Et pensez-vous que cet accord entre différents groupes de gauche pourra subsister après les élections ?

UB : Une chose à la fois. Cet accord est déjà historique : c’est la première fois que des forces de gauche se réunissent dès le premier tour d’une élection pour des investitures communes. Cela s’est fait en 13 jours à la suite d’une élection présidentielle au cours de laquelle nos adversaires de gauche n’ont pas molli dans leurs attaques à l’égard de notre candidat, Jean-Luc Mélenchon. Donc on ne peut pas dire qu’un accord politique tel que celui-là balaye tout d’un revers de la main ; on reste humain.

C’est un point d’étape, et pour tout le monde il sera difficile de revenir en arrière, c’est-à-dire avant la NUPES. Certains pourront le faire, au lendemain du 19 juin, mais ils devront en prendre la responsabilité politique devant leurs électeurs. Mais la NUPES sera un point marqueur et marquant au moins pour la décade à venir. Nous sommes également en train de mettre en place une stratégie de clarification sur ce qu’est réellement la gauche. Ceux qui, au PS, refuseront l’accord de la NUPES pour rejoindre Emmanuel Macron le montreront. Cela va laisser des traces positives, et tant mieux. (…)

Jean-Luc Mélenchon, Premier ministre, qu’est-ce-que ça signifie ?

UB : Le président nomme le Premier ministre. Pourquoi Jean-Luc Mélenchon, si nous avons la majorité parlementaire ? Car il n’a pas le choix s’il ne veut pas bloquer le pays. L’Assemblée nationale a le pouvoir de déposer des motions de censure, qui rendent démissionnaire le gouvernement. Cet outil institutionnel oblige le président de la République à proposer un gouvernement validé par la majorité à l’Assemblée nationale. Dans le cas où cette majorité serait celle de l’Union Populaire, le Premier ministre que nous proposerons sera Jean-Luc Mélenchon, comme cela a été convenu lors de la signature des accords de la NUPES. C’est ce qui s’est passé lors de la cohabitation entre Jacques Chirac et Lionel Jospin en 1997. Dans cette conjoncture, ne pas vouloir nommer Jean-Luc Mélenchon Premier ministre serait anticonstitutionnel.

Et si Jean-Luc Mélenchon était Premier ministre, quel serait votre gouvernement idéal ?

UB : Olala vous voulez que je m’embrouille avec des gens !

Ils ne liront peut-être pas l’article !

UB : [rires] Il faudra bien se dire que le futur gouvernement devra avoir un certain nombre de critères. Un certain nombre de postes ministériels devraient de facto revenir à des gens issus de LFI et de l’Union Populaire : je pense notamment aux ministères régaliens. Quelqu’un comme Eric Coquerel serait un bon candidat pour les finances, l’économie ou le budget : il était à la commission des finances à l’Assemblée nationale. Je me suis évidemment positionné pour aller à Beauvau, mais on n’en sait rien en réalité et tout sera à discuter. Après, vous avez plusieurs profils qui sont intéressants sur un même poste, comme par exemple le ministère de l’Alimentation [actuel ministère de l’Agriculture] pour lequel Loïc Prud’homme serait pertinent, de même qu’Aurélie Trouvé, dont la formation initiale est l’agronomie.

L’objectif serait d’avoir un gouvernement resserré mais que l’on puisse nommer des Hauts Commissaires qui ne soient pas ministres en tant que tels mais pouvant avoir autorité sur plusieurs administrations de plusieurs ministères. Par exemple, l’investissement du milliard d’euros pour lutter contre les violences faites aux femmes et les féminicides devrait être le résultat d’une politique interministérielle. (…) Dans le gouvernement, il faudra évidemment des ministres issus des autres organisations politiques qui composent l’accord, ce qui ne devrait pas être trop compliqué. Il faut souligner également que, dans le cadre d’une majorité parlementaire, la question de la constitution du gouvernement n’est pas la seule à être importante : de nombreux rôles à l’Assemblée nationale sont eux-aussi déterminants, comme par exemple les présidents de commission.

Le seul problème, c’est que nous voulions une femme Première ministre, puisque Jean-Luc Mélenchon devait être président. Bon. Là ça chamboule un peu les plans. Mais une collègue comme Mathilde Panot serait très pertinente sur la question environnementale de l’Union Populaire. Et je pourrais vous énumérer encore beaucoup de personnes comme ça. En fait, on a l’embarras du choix et on ne devra pas prendre au hasard. On a réussi à avoir dans nos rangs des gens qui sont spécialisés dans un domaine particulier.

Nous sommes un journal pour les jeunes. Alors quels conseils auriez-vous à donner à des jeunes qui souhaiteraient s’engager en politique ?

UB : Ne vous engagez pas juste pour vous engager, cela ne sert à rien : on ne fait pas une carrière en politique. Je ne le conçois pas comme ça et il ne faut pas le concevoir comme ça. Ce n’est pas un plan de carrière. La politique, c’est une affaire de conviction, donc engagez-vous si vous êtes convaincu de quelque chose et pour défendre des idées. (…) Et puis il faut se lancer, il ne s’agit pas de se dire que d’autres sont meilleurs : si on se répète cela, on ne s’engage jamais et on n’a jamais l’expérience que l’on veut bien nous prêter.  

Pour finir, que souhaiteriez-vous dire aux jeunes qui ne souhaitent pas forcément voter aux élections législatives ces 12 et 19 juin ?

UB : Eh bien c’est le troisième tour. C’est le véritable troisième tour de l’élection présidentielle ! Alors oui, Macron a gagné. Je confirme, il a gagné l’élection présidentielle. Mais est-ce qu’il a gagné le droit d’appliquer sa politique ? Non pas encore. Et c’est génial parce qu’il y a un enjeu maintenant, on se rend compte que c’est véritablement possible. Chaque bulletin de vote va compter, va être utile. Alors à ceux qui ne veulent pas que Macron gouverne, vous avez la possibilité, avec ce troisième tour, de l’en empêcher et d’avoir un gouvernement de l’Union Populaire. Donc arrêtez de tergiverser, de tourner autour du pot, de faire les défaitistes : il y a moyen de faire quelque chose.

Et les jeunes ont une responsabilité politique particulière dans ce moment politique, pour pouvoir enfin décider de leur avenir. Vous savez ce qu’il vous reste à faire.

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