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Le journal pour les jeunes, par les  jeunes

Yohan Salès : « Il faut partir de problématiques très concrètes pour mobiliser les autres »

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Juliette Messa

Etudiante en double licence d'Histoire-Médias à la Sorbonne et à Assas, je porte un grand intérêt à l'actualité politique et aux humanités. Curieuse et intrépide, toujours à la recherche des dernières informations, je souhaite devenir journaliste. Bonne lecture !
À 21 ans, Yohan Salès est conseiller municipal de Pierrefitte et membre de l’équipe nationale d’animation des Jeunes Insoumis, également militant pour Youth for Climate. Avec lui, nous sommes revenus sur l’abstention chez les jeunes et les différentes sortes d’engagements politiques et associatifs concrets allant de mise avec l’efficacité. Un entretien en exclusivité pour CSactu.

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En octobre 2021, le député écologique Matthieu Orphelin a lancé une étude pour connaître les causes de l’abstention record des jeunes aux régionales et départementales. Parmi elles, le « désintérêt pour le scrutin » ou encore « la non ou mal inscription électorale ». En tant qu’élu engagé en politique, confirmes-tu ces raisons-là ? Penses-tu que le problème puisse venir d’ailleurs ?

Effectivement, si ces raisons entrent en ligne de compte, il existe un mal-être encore plus profond. La non inscription électorale, la mal inscription et la méconnaissance du scrutin jouent là dessus, tout le monde ne connaissant pas les enjeux des élections régionales ou des départementales. Toutefois, selon moi, il y a aussi une question de dégoût. Parmi les gens de notre âge, beaucoup se disent « ce sont tous les mêmes, tous des pourris ». Si je voulais être plus acerbe, je dirais que les politiques de ces dernières années ont accentué cet effet-là. Pour revenir à la mal-inscription électorale, il y a un véritable travail à réaliser car il existe des jeunes qui changent de ville pour leurs études mais qui restent inscrits électoralement chez leurs parents.

Le Covid a également joué son rôle dans l’abstention, notamment aux élections municipales. Alors qu’elles sont des élections très concrètes, il y a eu une abstention massive de la part des jeunes. Pourtant, tout le monde connait le maire de sa ville ! En vérité, il y a eu des candidatures porteuses d’espoir dans le passé, comme celles de Macron ou de Hollande, mais qui ont provoqué du dégout chez les jeunes qui ont pu les soutenir.

Aujourd’hui, le véritable enjeu est de montrer qu’il existe des alternatives, tout en rappelant que ce n’est pas en abandonnant le combat que l’on va changer les choses !

À Pierrette sur Seine, ville dans laquelle tu as été élu conseiller municipal aux côtés de la liste de Farid Aïd, comment te mobilises-tu pour susciter l’intérêt des jeunes à la vie politique, sachant qu’aux dernières élections, il y a eu 67.98% d’abstention ?

On a beaucoup travaillé à Pierrefitte, pour faire les choses différemment dès le début en formant une équipe autour de quelqu’un parlant aux jeunes. Il s’agit de Farid AÏd du PCF, un homme pour qui j’ai un grand respect : il est sincère dans son engagement et il connait bien les enjeux de la ville car il vient de Pierrefitte et est issu des quartiers populaires de la ville. On a choisi de placer sur notre liste aux municipales plus de 50% de non encartés, comme des acteurs associatifs ou locaux, afin de miser sur l’aspect citoyen. Le programme a été élaboré de manière collaborative. Pour cela, nous nous sommes rendus dans les quartiers en demandant l’avis des gens sur telle ou telle idée. Au second tour, nous avons fusionné avec une liste citoyenne ayant fait la même démarche, une démarche qui se distinguait des acteurs politiques traditionnels. On a également réalisé un grand travail de terrain : on ne s’est pas contenté de se rendre sur les marchés ou de faire des lives Facebook, on a fait du porte à porte pour parler avec les gens de la ville.

Dans le 20ème arrondissement de Paris, l’efficacité de cette méthode a été prouvée avec la campagne législative partielle de Danielle Simonnet. L’avenir de la gauche va passer par le dialogue avec les individus, en leur montrant qu’en se mobilisant, le changement arrivera.

En ayant fait du porte à porte pour aller à la rencontre des jeunes de quartiers populaires, quels sont les témoignages que tu as pu recueillir de leur part vis a vis de la politique ?

Le manque de représentation est la chose qui revient le plus souvent. Une méconnaissance due au dégout accompagne le tout, mais j’ai remarqué que ces gens-là évoquaient des problématiques très concrètes, comme les problèmes avec les bailleurs, les problèmes avec les études, etc. Les jeunes de quartiers populaires sont touchés par les galères de la vie quotidienne, ils ne vont pas tenir des discours de théorie politique, ils sont dans le factuel. J’ai pu entendre des témoignages comme « Je n’ai pas de taf, je n’ai pas d’avenir, j’ai le choix entre cravacher avec un petit boulot ou dealer ». C’est pour ça qu’il faut partir de problématiques très concrètes afin de mobiliser les gens.

Tu évoques la nécessité de l’engagement chez les jeunes. Toi qui es engagé chez les Jeunes Insoumis, comment fait-on appel aux jeunes ? Y-a-t-il des actions concrètes effectuées pour rendre les jeunes véritablement acteurs du part ?

Sur cet élément, on essaye d’être novateur en faisant des actions « punchy », moins institutionnelles qu’un tractage à la sortie d’un métro. Les Jeunes Insoumis ont pris part aux caravanes de l’Union Populaire , une campagne nationale de caravanes se déplaçant dans les quartiers populaires de France. Notre but est d’effectuer des points de rencontre pour parler aux gens. On a également des actions plus « catchy », comme avec celle de notre députée Mathilde Panot qui avait porté une grande campagne sur les enjeux de l’eau face à sa privatisation par des multinationales. Suite à cela, on a fait une action de désobéissance civile à côté de la Fontaine Saint Michel. On essaye aussi de porter des campagnes dans les facultés, comme l’année dernière pour la gratuité des protections périodiques. Selon nous, ces actions parlent plus aux gens, et nous avons par la même occasion, vu notre effectif militant augmenter. Le sillage de la France insoumise est donc de faire de la politique d’une autre manière.

De plus en plus de jeunes s’engagent dans des mouvements pour faire porter une cause qui leur est chère, comme celle à laquelle tu appartiens, Youth for climate. Etant dans un mouvement pour le climat et dans un parti politique, constates-tu une complémentarité entre un engagement politique et un engagement associatif ? Plutôt que de se tourner vers une cause précise, inciterais-tu les jeunes à s’engager dans un parti politique ?

La réciproque est valable, j’incite également tous ceux engagés politiquement à s’investir dans des actions concrètes, comme celles proposées dans le cadre associatif ! Mon adhésion à Youth for climate s’est faite par hasard, au moment où j’ai vu que le mouvement se montait. Beaucoup de personnes de bonne volonté y sont entrées et ont appris des éléments d’enjeux politiques et de société au fil de leur insertion dans le mouvement. En effet, comme on essaye de le montrer, l’écologie des petits pas ne fonctionne pas, il faut une écologie de rupture.

Pour ce qui est de Youth for climate, il y a eu un véritable changement entre ses débuts, où l’on pouvait même y retrouver des députés LREM, et aujourd’hui, où le principe d’anticapitaliste est inscrit dans la charte ! Selon moi, il faut toutefois transformer son engagement en engagement politique car les choses ne changeront que par un changement global par le biais de la politique. D’ailleurs, beaucoup de jeunes de Youth for climate sont politisés, le mouvement est plus partisan qu’autrefois. À la France Insoumise, les membres les plus pertinents et les plus efficaces sont ceux qui ont un engagement associatif, par le biais de l’écologie ou des problèmes liés au logement, car ce sont eux qui disposent d’une accroche concrète du terrain.

Quel est ton avis sur la primaire populaire ? Es-tu favorable à l’appel de l’union de la gauche ?

Je n’y suis pas favorable. Si la primaire populaire a été pensée par des personnes de bonne volonté réclamant l’union de la gauche, pour autant sur quelles bases peut-on trouver cette union ? Pour moi, il s’agit plus d’une « guéguerre de têtes ». D’un point de vue programmatique, que fait-on ? Sur de nombreuses questions, les partis de gauche divergent, comme celle de l’Union Européenne. Aujourd’hui, si on veut mener des politiques écologistes viables en France sur les circuits courts, il faut rompre avec certains traités européens. Pourtant, certains comme Yannick Jadot sont pro-européens. Même cas de figure pour la question du nucléaire, surtout quand certains pensent qu’il s’agit de l’avenir du pays. Il y a des questions fondamentales sur lesquelles on ne peut pas transiger.

« (Écoute), la méfiance, les exciter, dire qu’on peut plus rien manger. Qu’on n’a même plus l’droit d’penser (Écoute), la haine, les faire basculer dans les extrêmes. Allumer l’incendie, tout enflammer » Dans son titre très politique l’Odeur de l’essence, Orelsan décide de faire un réquisitoire à l’égard de la société en dénonçant l’hystérisation du débat public, la montée des extrêmes, la violence et la méfiance à l’égard du politique. Approuves-tu ce constat ?

Pour être honnête je ne suis pas un grand fan d’Oreslan, pour des vrais titres politiques à charge, il faut aller écouter du Fianso ! En vérité, le titre d’Orelsan est sympathique mais il est un peu mollasson : il ne fait que reprendre l’idée du « tous les mêmes, tous des corrompus ». Pour moi, on ne va pas s’en sortir en disant ça. Si on veut se battre contre ceux qui appliquent depuis des années les mêmes politiques, il faut un programme de rupture !

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