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Le journal pour les jeunes, par les  jeunes

Les classiques de la littérature s’aventurent sur le terrain des mangas

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Célia Courteix

Actuellement en master littératures et médiations à l'Université de Lorraine à Metz, je m'intéresse à l'actualité culturelle et littéraire. Depuis octobre 2023, je rédige des articles pour la rubrique culture. Mes champs de prédilection sont la littérature et l'utilisation de l'IA dans les domaines culturels.
De Victor Hugo à Alexandre Dumas en passant par William Shakespeare et Albert Camus, les canons de la littérature ne cessent d’être revisités en manga ; pour le plus grand plaisir de redécouvrir ces classiques et les remettre à l’honneur. Des maisons d’édition françaises ont développé une collection spécialisée pour la jeunesse.

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Une véritable mine éditoriale pour des maisons d’édition françaises

Des maisons d’édition françaises se sont spécialisées dans l’adaptation des classiques en manga. Tout d’abord, Nobi Nobi ! possède près de trente ouvrages dans sa collection « Les classiques en manga » comme Hamlet, William Shakespeare (2020); Le Comte de Monte-Cristo, Alexandre Dumas (2018); La petite princesse Sarah, Frances Hodgson Burnett (2014) et Les Misérables, Victor Hugo (2016). Créée dans les années 2014 par Pierre-Alain Dufour, ingénieur passionné par la culture nippone et directeur éditorial, elle souhaitait redonner goût aux classiques aux plus jeunes ; ces mangas s’inscrivent alors dans une perspective de littérature jeunesse.  

Enfin, les éditions Soleil se spécialisent depuis 2011 dans la publication des livres historiques, philosophiques et de littérature avec la collection « Soleil manga ». A ce jour, une vingtaine de livres sont parus : A la recherche du temps perdu, Marcel Proust, (2018) ; Guerre des Gaules, Jules César (2023) ; Le Manifeste du parti communiste, Karl Marx (2012) et enfin Orgueil et Préjugés, Jane Austen(2019-2023).

En publiant des mangas adaptés d’œuvres classiques, les éditeurs sont bien conscients qu’ils ne peuvent rencontrer le même succès que ceux issus de la culture nippone. Néanmoins, comme l’affirme le directeur éditorial de Nobi Nobi !, la collection des « classiques en manga » continue de se vendre de manière constante sur le temps. Leur production s’inscrit, dans certains cas, dans l’actualité culturelle avec notamment la sortie du film Les Trois mousquetaires au ciné et le succès rencontré par la série Arsène Lupin sur Netflix.

Le parti pris des éditeurs pour cibler la jeunesse

Dans une interview accordée à la radio Airzen, Pierre-Alain Dufour motive sa collection par l’affirmation suivante : « On a voulu qu’elle corresponde à notre public jeunesse. L’idée n’est pas de remplacer le roman d’origine, mais de donner envie aux plus jeunes de s’intéresser à ces grandes œuvres de la littérature mondiale […] Les plus jeunes aiment ce format du manga. Donc ils ont à la fois ce média qu’ils aiment, avec ce sens de lecture de droite à gauche, et puis la découverte d’une histoire ».

Derrière la publication de ces mangas se cache un travail éditorial et de création artistique pouvant s’étendre sur un an. Cela s’explique par le fait que les auteurs et dessinateurs effectuent, en amont, un travail de fond sur les dialogues et les passages des romans à sélectionner. Il s’agit par exemple de mettre en dialogue des passages uniquement narratifs ou encore de sélectionner les scènes pouvant être représentées par le dessin. A titre d’exemple, Les Misérables de Victor Hugo a demandé à la mangaka Lee SunNeko d’effectuer des recherches graphiques et historiques sur les costumes et l’architecture pour « retranscrire la période » dans laquelle l’œuvre se situe.

Lorsqu’il s’agit de la diffusion de ces mangas, les éditeurs choisissent de nouveaux canaux autres que les librairies pour rencontrer son jeune lectorat. De ce fait, des exemplaires sont transmis aux médiathèques et aux écoles.

Adapter des romans en manga peut nécessiter des modifications ou de potentielles réécritures de l’œuvre originale pour qu’elle puisse s’adapter à ce format et répondre aux attentes du lectorat futur. Comme le souligne le directeur éditorial des éditions Nobi Nobi !, certains romans ne possédaient que très peu de dialogues et sont, par nature, narratifs. Le travail des auteurs consiste alors à donner vie aux scènes de description en faisant vivre les personnages. De plus, un manga de près de deux-cents pages ne peut retranscrire l’ensemble du roman. En ce sens, des scènes peuvent être enlevées et des passages raccourcis ; tout en restant le plus fidèle au texte original. Certaines œuvres comme les pièces de théâtre de William Shakespeare sont en texte intégral.

Paru aux éditions Michel Lafon sous le label Kazoku en mai 2023, L’Étranger d’Albert Camus, repris par Ryota Kurumado signe ici une adaptation singulière de ce classique. Alors que l’incipit du roman débute par la célèbre phrase : « Aujourd’hui, maman est morte », l’auteur Japonais a pris la liberté d’ouvrir le manga sur une autre scène ; s’intéressant davantage au procès suite au meurtre qui reste l’intrigue principale. Par ailleurs, l’ambiance lugubre rendue par la plume de Camus se retrouve dans les dessins du mangaka qui propose des illustrations marquées de noir.

Comme l’affirme Elsa Lafon, éditrice chez Michel Lafon, il « est assez difficile d’adapter Camus en manga, de dessiner des romans philosophiques. Ce que le manga a apporté, ce sont des visages très expressifs, pour donner à voir tous les états traversés par Meursault, et le fait de désacraliser le chef-d’œuvre, pour s’arrêter sur certaines scènes, ajouter du rythme ». Les éditeurs français ne sont pas prêts de cesser de s’emparer des classiques des littératures du monde en leur offrant une seconde vie et en les rendant accessibles au grand public.

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