Le slogan est le même depuis la mort de la jeune kurde Mahsa Amini : Zan, zendegi, azadi (“Femme, Vie, Liberté”). Depuis son exécution en septembre, survenue après son arrestation par la police des mœurs à Téhéran pour un foulard jugé mal ajusté, un mouvement d’insurrection secoue la classe politique dans tout le pays.
Ces trois mots, repris par le peuple pendant les manifestations, se sont retrouvés sur des pancartes de soutien aux Iraniens tout autour du monde. Le 8 mars, il a été repris par un grand nombre d’institutions culturelles françaises en célébration de la liberté des femmes iraniennes.
Le slogan s’est affiché sur les frontons de quatre grands musées parisiens : le Musée d’art moderne, le Palais de Tokyo, l’École des beaux-arts et le Palais de la Porte-Dorée. Le projet d’affichage national Femme Vie Liberté est une initiative d’Odile Burluraux, conservatrice au Musée d’art moderne de la Ville de Paris.
En constatant l’élan de solidarité et de créativité dont faisaient preuve des artistes du monde entier sur les réseaux sociaux, elle fait part de son idée à Hugo Vitrani, jeune curateur au Palais de Tokyo, dès novembre 2022. Elle souhaite alors engager les musées français aux côtés du peuple iranien, elle qui avait déjà voyagé dans ce pays par le passé et qui lui avait consacré une exposition en 2014, intitulée Unedited History. Iran 1960-2014.
L’ambition de Femme Vie Liberté est certes politique, mais elle est avant tout habitée par une solide conviction du pouvoir émancipateur de l’art et de la solidarité internationale. Certains grands noms de l’illustration se sont joints à cette vaste constellation d’images.
L’artiste franco-iranienne Marjane Satrapi a dessiné une affiche mettant en scène une foule de visages iraniens en colère, habillée aux couleurs nationales et dont les cheveux – symbole de la répression contre les femmes et contre Mahsa Amini – se dressent en l’air pour former des flammes rougeoyantes annonciatrices d’une révolte. Rappelons que Marjane Satrapi est l’autrice de la bande dessinée autobiographique Perspepolis, dans laquelle elle y raconte sa jeunesse entre l’Iran de la révolution islamique et l’Europe des années 1980-1990. Devenue un film d’animation en 2007, l’œuvre est projetée au festival de Cannes et remporte deux César.
Pour prolonger Femme Vie Liberté auprès du public, les quatre musées parisiens ont tiré leurs affiches à 7 000 exemplaires à l’Atelier de sérigraphie des Beaux-Arts de Paris. Ils ont alors organisé une distribution gratuite pour la Journée internationale des droits des femmes.
D’autres lieux culturels se sont associés à cette initiative militante, au-delà de la création graphique, à l’image du Palais de la Porte Dorée, qui a organisé une rencontre avec les artistes franco-iraniennes Hannieh Delecroix, Rana Gorgani et Ariana Vafadari, suivie de la projection du film Le Cercle de Jafar Panahi. La Halle Saint Pierre dédie également un riche programme d’événements (poésie, débat, exposition) à Femme Vie Liberté, répartis sur plusieurs jours.
Alors que les images de la révolte iranienne se multiplient en France, l’Iran affiche un bilan humain inquiétant. À ce jour, on compte 520 morts, 20 000 arrestations et plusieurs exécutions publiques par pendaison. Orchestrées par le régime des mollahs actuellement au pouvoir, ces exactions sévissent dans tout le pays, tentant de réprimer le violent mouvement de contestation qui s’est déclenché avec la mort de Mahsa Amini.
Cette semaine, nous avons par ailleurs appris qu’une vague d’intoxications au gaz avait frappé une centaine de lycéennes iraniennes dans leurs propres écoles. Ces actes de dissuasion par la terreur sont devenus les symboles de la brutalité du régime, que les artistes de Femme Vie Liberté ont voulu dénoncer, avec un message de soutien et d’espoir envers le peuple iranien.